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04/03/2013

A la recherche du Proust perdu

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Après qui s'y frotte s'y pique, l'époque assure la promotion d'un nouvel adage: qui trop s'expose, s'explose. On le sait avec les politiques, qui auraient bien besoin de revenir à Pihan et sa parole rare. Moins Sarkozy parle, plus il remonte. Nous voulons des sages et tous ceux qui s'agitent nous lasse. Il n'est que de voir le retour triomphal de Fillon à droite ou la nouvelle aura de Xavier Bertrand dont les plus grands mérites ces derniers mois aura été de fermer leur gueule...

Idem pour les figures intellectuelles. Lorsque l'une d'elles apparait sans cesse dans les médias, elle risque de diluer sa pensée et devenir un intellectuel systémique, vidé de ses idées originales. L'exemple le plus saisissant récemment est celui de Caroline Fourest. Il y a une dizaine d'années, elle apparaissait sur de nouvelles thèses de gauche, iconoclastes. Femme, jeune et inconnue, il n'en fallait pas plus pour en faire la nouvelle chouchou des médias. Dix ans plus tard, elle passe en boucle et s'accorde à 90% avec Renaud Dély, Dominique Reynié et autres, les 10% restants étant son exception culturelle personnelle, justifiant son invitation sur les plateaux.

La gloutonnerie de la matrice médiatique ingère aussi les comiques. Oui oui, les troubadours. Ces nouvelles figures portées aux nues car ils peuvent dire ce que nombre de journalistes rêvent de pouvoir exprimer mais ne le font pas par paresse intellectuelle et manque de talent en morigénant facilement la "censure de la pensée unique". Les comiques sont partout, ils saturent tous les espaces libres. On les convie dans les matinales radios où ils viennent apporter "un souffle d'air critique". Ha...

Parfois difficile de les départager, tant ils ont les mêmes références, les mêmes vannes et le même (pauvre) vocabulaire. Il y a quelques années, un petit nouveau fit une entrée fracassante. Moins sniper formaté que Guillon, plus élégant et plus indépendant, Gaspard Proust perçait chez Ruquier. Alerté par quelques amis, j'allais voir son spectacle dans une salle moyenne, l'Européen. Littéralement, je pleurais de rire. Du début à la fin, impossible de m'arrêter. Il avait pris le temps d'écrire son spectacle, hermétique à l'actualité et aux demandes de faux mécènes, il avait travaillé son personnage. Repéré et happé par ce faussaire génial, ce Attali de la télé qu'est Thierry Ardisson, Proust devint donc un sniper salarié. Tous les samedis, pour quelques milliers d'euros (Guillon tapinait à 9000 euros la semaine) il délivre 6 à 7 minutes de vannes. Pour ceux qui ont ce temps devant eux, on peut le voir . Consternant, il en rajoute, il tire à la ligne. Le rythme est inhumain pour un humoriste: l'actualité ne fournit pas nécessairement son contingent de bons mots. Alors, il cabote en demandant la clémence d'un public forcément acquis mais déjà le téléspectateur zappe. A ce rythme, d'ici peu, y compris sur les planches le sniper sera à sec...

En même temps Debord avait déjà tout prophétisé dans La Société du spectacle, contrairement à tous les salonards télévisés, je n'aurais pas l'outrecuidance de prétendre le relire. Je me suis déjà arraché le cerveau une fois, ça suffit.

Demain, grâce au temps épargné à ne pas regarder des comiques qui ne le sont plus, je vous parlerais de Karoo, le fabuleux roman de Steve Tesich, où le protagoniste malgré tous ses louables efforts ne parviens plus à être ivre...

02/03/2013

Chronique de la mort des blogs annoncée

fatalité.jpgUn billet lu dans un journal papier m'alerte, chiffres à l'appui (que je ne reproduirai pas là, par paresse, mais ils existent dans le Monde daté de samedi si le coeur vous en dit...) de l'inexorable déclin d'audience des blogs. Plusieurs hypothèses se mêlent pour expliquer la mort rapide d'un objet numérique bien identifié et qui n'aura connu qu'une brève apogée.

La fatigue des blogeurs est une des pistes, mais l'auteur de l'article ne s'appesantit pas dessus et je crois qu'il a raison. Pour la bonne et simple raison que "les blogeurs" n'existent pas. Entre ceux qui font ça pour leur boulot, ceux qui voudraient exister, ceux qui conjurent leur haine du monde, d'autres qui veulent partager leurs violons d'Ingres, ceux qui pensent trouver là un moyen d'attirer l'âme soeur et encore toutes ces catégories auxquelles je ne songe pas, on voit bien qu'il est mal aisé de chercher une unité. Et il faudrait regarder dans le détail ce qui décroit et pourquoi.

Seconde raison invoquée, l'extension et l'engouement pour les raisons sociaux constitue en revanche une piste de réflexion plus sérieuse. Lorsqu'on réifie 140 signes ou mieux, un bouton "j'aime", on voit bien que la lutte avec un texte plus long et moins interactif relève des pots de terre et fer. Ceux qui ont le plus poussé la blogosphère, les influenceurs autoprocalmés usaient de toutes les astuces mercatiques bas de gamme pour faire monter l'audience et les commentaires sur leur site : renvoi vers d'autres, terminer les post par "qu'en pensez vous?" ou "on parie ?", faire des jeux concours et autres crétineries que je peux me vanter de n'avoir jamais commises. Et bien, pour ces demeurés, les réseaux dits sociaux sont un univers infiniment plus propice pour acquérir rapidement une audience massive. Donc exit des blogs poussiéreux. Idem pour les leaders d'opinion plus institutionnels qui ont déplacé leur communication vers les mêmes réseaux pour être plus réactif. L'impératif du temps. Pourquoi continuer, quand on est en responsabilité, à distiller une analyse quand on peut se contenter de "liker" et "retweeter" avec l'élégance et l'intelligence d'une otarie applaudissant devant la perspective d'un hareng mort...

Les plus jeunes créent moins de blogs, préférant des tumblr, vidéo 1 / Logos 0. Encore que, l'auteur de ce blog qui customise les classiques littéraires avec une verve insolente et une pêche folle n'a que 21 printemps. Comme dirait mon ami Laurent, le Grand Journal lui est promis...

L'article, on le sent bien, pleurait cette mort du blog. Je m'en garderais bien, au contraire. Débarrassée de tous les toxiques qui venaient pour un vaste concours de qui à la plus grosse (influence), la blogosphère n'en est que plus jubilatoire. On y trouve plus ces ridicules concours de chiffres sur les pages vues, les commentaires et autres nombres de visites impromptues.  Au final, ces effets de manches et de mode ne font que renforcer mon goût pour cet espace numérique d'absolue liberté. De ton, de taille des textes, et de leur fréquence. Sans doute m'arrivera-t-il pour d'obscures raisons de ne rien publier pendant quelques semaines comme nombre d'amis ayant connu cette phase d'assèchement inspirationnel, mais jamais au point de déserter cette oasis d'expression libre. Pour la plus pure beauté du geste.