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05/08/2013

Je n'aurais pas pu rencontrer ma femme sur un site...

logo_relation.jpgEntendons nous bien d'emblée pour dissiper tout malentendu : je ne souhaite pas pousser une longue plainte écorchée contre les sites de rencontre, ce business plus florissant que les panneaux solaires à Roubaix. Ces outils ont sans doute mené à des tonnes de rencontres, mais jamais les algorithmes qui gèrent ces sites ne pourront provoquer des rencontres authentiquement hasardeuses. Et ça, ça me chagrine tout de même un peu. 

Pour les défendre encore, j'ai même assisté autour de moi aux naissances des premiers bébés Meetoc ou autre. Mais après tout, comme pour la cartomancie et autres horoscopes, il faut bien dans le lot de promesses que certaines se réalisent. Un, en termes de masse concernée, ça fait sens. Deux, ça sauve un business épais, donc tant mieux pour les entrepreneurs concernés.

Néanmoins, dans le détail, je ne vois pas comment l'architecture de ces sites peut vous mener vers l'être aimé. Après tout, ils sont construits comme Amazon ou n'importe quel site marchand : on vous fait entrer des tas de données sur vous et en fonction de cela on vous propose des profils correspondants selon l'algorithme magique. Quand le profil ne vous convient pas tout à fait, vous regardez l'équivalent Amazon de "vous aimerez aussi sans doute". Déjà j'ai pu vérifier les limites sur les sites marchands ; on peut aimer Morand et pas Montherlant, dévorer Garcia Marquez sans finir Borges et vice et versa. Alors imaginer avec des êtres vivants...

Prenons un cas que je connais bien, moi. Si j'avais dû rencontrer ma femme sur un site de rencontres, cela aurait été ontologiquement impossible. Et vice-versa (je veux dire idem pour elle). A l'onglet "profession", nous n'aurions sans doute élevé qu'un sourcil fatigué. Pourquoi vouloir cliquer sur "professeur" ? Ce qui me fascine chez ma femme, c'est la très haute exigence avec laquelle elle prépare ses cours et la haute idée qu'elle se fait du rôle de la transmission. Mais il n'y a pas de case "je suis prof avec haute exigence...". En termes de filtres culturels (au sens large), le plus fréquent dénominateur, idem. Ca eut planté. Elle aurait mis "musique classique" et je n'en ai jamais écouté de ma vie. Ca m'aurait rebuté. Alors que ce soir, je me rends dans le Larzac pour l'écouter jouer Schumann et Mozart. Moi, j'aurais mis "Joe Dassin" et elle aurait fui alors que désormais elle tolère (mais bon, elle préfère Beyonce). Rien n'aurait pu cadrer : des heures et lieux de sorties, des types de gens fréquentés aux dernières vacances. Bref, comme beaucoup d'observateurs aiguisés nous le glissèrent au début "une rencontre improbable". Aujourd'hui, tous conviennent de la solidité évidente de la rencontre improbable. Ce faisant, ils paraphrasent Schopenhauer ainsi que je l'ai découvert hier en musardant sur les réseaux sociaux : "« Toute vérité franchit trois étapes. D’abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence"

Bon, en fait il n'y eut jamais de forte opposition mais je voulais vous faire partager cette phrase. Et aussi quelques convictions sur la faiblesse des algorithmes et la puissance de l'improbable en ce mois d'août où le soleil se charge de faciliter les rencontres. Sur ce, comme je l'ai déjà écrit, ma femme je l'ai rencontré et je m'en vais la retrouver archet en main. Enfin dans sa main à elle...

01/08/2013

La France tu l'aimes, MAIS tu la quittes

merrouge.jpgIl faut imaginer, outre Sisyphe heureux, des conseillers politiques se lâchant en fin de repas arrosé. La solution pour les retraites ? Une douzaine de canicules. Combler le trou de la sécu ? Une bonne épidémie incurable et temporaire. Le chômage des jeunes ? Un exode massif. Cette dernière proposition n'a malheureusement rien d'un propos de fin de banquet. Juste un constat froid de la lecture des faits. Si le grand départ n'a pas encore lieu, c'est pour la plus mauvaise des raisons : par manque de possibilités ou d'opportunités, pas de volonté. 

Comme le révèle le sociologue Olivier Galland, ce sont qui plus est les jeunes qui ont le moins de raisons de s'expatrier qui souhaitent le faire et ceux qui auraient le plus de légitimité à partir qui restent scotchés. Ceci pour la masse, on trouvera forcément des aberrations sociologiques mais c'est grâce à eux que la sociologie est une science si belle. Pour le reste, Galland confirme les thèses de Zygmunt Bauman : dans la modernité liquide, une poignée d'élus font de la mondialistation leur terrain de jeu et en profitent pour en tirer le maximum grâce à leurs réseaux, leurs diplômes et connexions et une majorité vit avec la trouille de voir leur terre se désertifier.  

Je sais que l'on peut souvent faire dire ce que l'on veut aux chiffres, mais tout de même : chez les jeunes diplômés, l'envie d'aller travailler à l'étranger passe de 15% en 2012 à 27% en 2013. Un quasi doublement dont on ne peut suggérer que ce soit l'ensemble des jeunes diplômés électeurs sarkozystes soudain désespérés à l'idée d'une France bolchévisée. Comment, dès lors, expliquer ce raz de marée ? Sans doute pour une pluralité de raisons qui diffèrent selon les CV, mais toutes convergent sur l'idée que la France projettent un mythe de société bloquée où les jeunes ne trouveront pas ce qu'ils veulent. D'abord les jeunes discriminés, pour des questions d'adresse, de couleur de peau et de plus en plus, de religion mal acceptée et qui partent au Moyen Orient où ils sont accueillis les bras ouverts. Ensuite, les jeunes surdiplômés en quête de fric à Londres. Puis ceux qui veulent aller chercher l'exotisme en Asie et tout ceux qui vont voir au Canada si l'herbe est plus verte.

Mondialisation oblige, les fluxs et déplacements sont de plus en plus importants. Et le chômage de masse des jeunes n'est pas une spécificité française. Les jeunes espagnols qui sont sans emploi dans un cas sur deux s'exportent massivement aussi. Dans le cas français, la situation est sans doute moins déplorable. Pour autant, fait nouveau, ceux qui partent reviennent de moins en moins. Ils sont partis pour aller voir la couleur de l'herbe ailleurs et elle leur semble vraiment plus verte. Plus simple d'élever des enfants, d'être promu sans que l'on regarde votre diplôme initial après 10 ans de carrière. J'en connais qui étaient partis au Canada, jurant qu'ils reviendraient bien vite car les hivers rigoureux, les vins à 40$ et l'absence de fromage, ça irait 5 minutes. Et pourtant ils restent, la France n'ayant pas le même confort de vie à leur offrir en retour. Si on avait dit à De Gaulle qu'un jour les jeunes français, tous patriotes qu'ils soient, auraient préféré les cousins, il ne l'aurait pas cru et aurait hurlé de mettre fin à la chienlit...