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18/08/2013

Mélencholie

melancolie_40.jpg"Je suis le bruit et la fureur" aime à répéter le lettré porte-parole du Front de Gauche. Je crois que nous sommes aujourd'hui légion à vouloir faire du bruit pour dire notre fureur. Les 4 millions d'électeurs du Front de Gauche, qui ont voté pour un programme de justice sociale, assortie de mesures efficaces pour entamer la réduction des inégalités et de vrai changement écologique, doivent se sentir floués en lisant la presse actuelle.

La ligne politique du front n'a pas changé depuis l'élection, mais la stratégie de communication a dérapé. Or, c'est ce qu'il y a de plus visible. Chacun aura désormais compris que Méluche, aveuglé par sa rivalité, par lui-même décrétée, avec Marine le Pen, a décidé de la dépasser dans la formule à l'emporte pièce. Il veut le pompom populiste, persuadé que la France est mûre pour un débat politique yankee où les plus grosses conneries et outrances seront récompensés dans les urnes. Au contraire, je crois qu'à quelques mois des municipales et européennes, Méluche ne coule son bateau alors que la montée en puissance du Front lui tendait les bras. Depuis un an et demi, le bilan social et écologique du PS est déplorable. Ecologiquement, c'est en dessous de tout, et socialement, quelques rustines, mais guère plus. La loi sur le Mariage pour Tous. Bon. Fors cela, du grand flou. Qui comprend la cohérence de Montebourg, Moscovici et Sapin ? Qui peut dire, sur les deux champs historiques de la justice de gauche, ce qu'ont concrètement réalisé Peillon (ça me coûte de le dire, mais bon) et Touraine ? Rétablir la formation initiale pour les maîtres d'une part et menacer quelques excès de dépassement, d'autre part. En somme, le bilan d'Hollande ressemble à "Sarkozy moins le Pen" pour reprendre la formule de Laurent Binet. Des libéraux pas haineux, plus posés et moins show off qu'à l'UMP, mais la même religion absolue de la croissance et les mêmes thèses. Des lemmings qui persistent à défendre un modèle périmé. Tout ce qui était demandé à Mélenchon était de continuer à parler, comme dans la campagne présidentielle, des errances programmatiques. Les déçus du hollandisme se comptent par millions, à gauche. Ils ne peuvent aller vers EELV qui a trahi la cause écologique. Ils avaient un chemin tout flêché, avant que Mélenchon ne jette des monceaux de boue sur ledit chemin...

Sur Manuel Valls, Dieu sait qu'il y a des choses à dire ? Parler de la politique spectacle, du fond libéral et autres déclarations montrant que son projet est d'être le fossoyeur de l'idéal socialiste. Ca suffit. Pourquoi aller sur le terrain de le Pen ??? Et Hollande ? Non mais franchement Hollande. Ce débonnaire radical-socialiste serait le carburant du FN ? Ca ne tient pas debout...

Comme le gros monsieur en vignette, exposé au Grand Palais en 2005, il y a de quoi être désespéré. Et plus que jamais tenté par le bulletin blanc en attendant le sursaut.

16/08/2013

Vallsorama

300205-manuel-valls-637x0-2.jpgC'est bien connu, les crises surviennent souvent au mois d'août. Avec le relâchement, les départs en vacances, les choses craquent. Généralement, ce sont les marchés financiers qui trinquent. Mais l'avertissement est valable pour tous, d'où l'injonction présidentielle -et inhumaine- à ne pas quitter son poste d'un pouce. S'il en est qui l'a mieux compris que les autres, c'est bien l'ineffable, l'incontournable Manuel Valls.

Grâce à son omniprésence médiatique, il est en train de devenir ce que Sarkozy était à Chirac. Quelqu'un qu'il déteste, mais dont il ne peut se priver pour cause de popularité écrasante. Comme Sarkozy, Valls devrait être mort politiquement. Sarkozy après des européennes en 1999 désastreuses où il avait réussi la prouesse de mener le RPR derrière Pasqua et De Villiers. Sarko sait que les électeurs ont une mémoire de poisson rouge et il investit le terrain ultra médiatique de l'intérieur. Ultra médiatique où le verbe vaut action, ou la caméra peut vous encenser en dépit de votre bilan. Sarko a équipé la France de caméras de vidéos surveillance, ce qui n'a pas fait chuter la délinquance, loin s'en faut. Il a construit des places de prisons et retiré des flics par milliers. Cherchez l'erreur. Il a également enjoint les communes riches à s'équiper en milices, appelées polices municipales. Cherchez l'erreur, bis. Peu importe, au fond, dans l'inconscient collectif, Sarko est un dur. Valls est fasciné. 

A gauche, Valls est plus que marginal : fin 2011, sur 4 millions d'électeurs à la primaire, soit 30 fois le nombre d'adhérents du PS ou près d'un quart des voix de François Hollande, Valls n'obtient qu'un famélique 5%. Près de 4 fois moins qu'Arnaud Montebourg. Et pour cause, contre la retraite à 60, les 35 heures, pour le travail le dimanche, pour l'autonomie des universités et des hôpitaux, Valls est avant tout un ultra libéral. C'est sa carapace politique sur laquelle il a greffé le costume de bouffon populiste islamophobe : bad cop, contre le voile, le même déguisement grotesque pris par Guéant, Hortefeux, Sarkozy et consorts. Mais il a l'habileté de Sarko et convoque toujours la justice, la république et la protection des humbles quand il défend sa politique. Résultat, il est le plus populaire des ministres. Tous les journalistes amateurs de mouvements incessants pour écrire leurs chroniques ou livres en font un nouveau premier ministrable. Sur son bilan sécuritaire de baudruche et non sur son programme lui ayant valu 5%. Cherchez l'erreur, ter. Bis repetita placent, mais ter, faut pas déconner...

11/08/2013

Le grand livre de l'ignorance

9782253164548-T.jpgC’est un livre abrasif qu’on ne peut s’empêcher de conserver malgré la brûlure (pour le cerveau, pas les doigts). Un livre répulsif car le dégoût du genre humain vous prend si vous cogitez de trop et en même temps un grand livre. Une enquête façon De sang froid. Dieu sait que j’ai aimé l’opus magna de Truman Capote, mais Tout, tout de suite de Morgan Sportès m’a bluffé du début à la fin et s’inscrit sans doute aucun dans la même lignée. Evacuons d’emblée la verdict : Capote est un immense styliste et un écrivain incomparable. Sportès est un besogneux, au style mafflu et chargé, maladroit, mais peu importe il a réussi un grand livre à partirr de faits réels. Une prouesse d’autant plus grande que le fait divers dont parle Capote n’avait pas défrayé la chronique outre-mesure aux US et qu’il bénéficiait donc d’une certaine latitude pour explorer son sujet. Rien de cela pour Sportès qui s’est attaqué à un sujet battu et rebattu.

De quoi s’agit-il ? Du gang des Barbares. Mais encore ? De ces garçons et filles qui se sont mis à 25 pour séquestrer, torturer et enfin tuer un juif dont  ils n’ont jamais pu obtenir la rançon. L’affaire fut très très largement couverte par la presse, avec des tas d’éditorialistes persuadés de voir là les racines de la décadence de la République, la montée de l’Islam radical et le renouveau de la peur pour les juifs. Peut -être, sûrement y a-t-il de cela  dans cette histoire, mais comme on trouve de l’écume dans l’océan. En refermant le livre de Sportès, on a plutôt l’impression d’avoir lu le grand livre de l’ignorance. Roman, non-fiction, peu importe le genre et la forme. Les faits sont là, le rendu plus vrai que nature et le regard porté sur les événements plus acéré que celui d’un faucon.

Le livre a ceci de génial qu’il ne psychologise pas. Il ne prend pas fait et cause pour la victime, ne cherche pas d’excuse aux criminels dans leur passé. Il décrit une réalité crue où l’intelligence et l’éducation sont parties en congés infinis. Il n’y a rien dans la vie des Barbares : pas de repères, pas de connaissances d’aucune sorte, pas de projet de vie, si ce n’est de pouvoir se procurer « tout, tout de suite », mais sans que cette injonction consumériste soit associée à une quelconque envie.  Or, consommation sans conscience n’est que ruine de la civilisation. Et je dois dire qu’en refermant le livre, j’avais une envie de pleurer étant par ailleurs assez peu du genre lacrymal. Pas seulement sur le destin d’Ilan. Ce garçon a une histoire atroce. L’histoire de sa mort ignoble atteint une dimension d’autant plus tragique qu’en lisant Sportès, on comprend qu’il aurait pu être sauvé. Mais plus que ce garçon, ce qui aurait pu me faire pleurer, ces toutes ces vies vides qui se sont greffées autour de Youssouf Fofana. Lui est une ordure en plus d’être fou comme un lapin. Mais autour de lui ce sont une armée de désoeuvrés, de pauvres hères, de destins sacrifiés avant que de commencer.

On les dit mû par les seules pulsions consuméristes, mais, en matière de consommation, ils ne partagent même pas les rêves démesurés des rappeurs US. Lors du partage du butin putatif lié à l’enlèvement, chacun dit ce qu’il ferait : se payer un scooter, rembourser ses amendes à la RATP, voire partir une semaine en vacances au ski avec sa copine. Ecoeurés par leurs existences pleine de manques, ils aspirent à une forme de normalité et maintiennent tous que « ça n’est pas en taffant qu’en gagnant du pognon ». Si on ne peut les déciller sur cette affirmation au sens où il est délicat de gagner quelques millions d’euros en étant salariés, ils pourraient en revanche se payer une semaine au ski. Mais c’est au-delà de leur compréhension immédiate.

Le rapport de ces jeunes à la religion est également fort intéressant. La presse française avait analysé l’affaire de façon assez binaire en exacerbant (l’indéniable) le caractère antisémite du dossier. Ce qu’il y a de marquant, vraiment, c’est de voir le nombre de jeunes convertis à l’Islam dans le lot de malfrats. Mais ils emploient des mots creux, associés à d’introuvables « valeurs », et surtout continuent tous de vouloir gagner indûment de l’argent et considèrent tous les femmes comme des sous êtres, ni l’un ni l’autre (encore que) n’étant écrits dans le Coran… Ils ne vont jamais à la mosquée, ne cherche aucune forme de pureté ou d’élévation spirituelle. Ils vivent cette religion par mimétisme ou par mêmeté, parce que les personnes qu’ils respectent dans le quartier se disent musulmans.

Au final, on est happé par ce récit mortifère, où l’espoir ne rentre jamais. Ni de rédemption, ni de changement. Le plus désespérant, c’est que ce gang qui a commis cette atrocité n’est même pas composé de gangsters, de durs. La scène qui m’a le plus marqué est celle où Fofana vient racketter une jeune fille apeurée qui s’est réfugiée chez sa mère. Cette dernière, matronne autoritaire, congédie le supposé caïd en quelques minutes, d’une voix ferme. Toute la spirale du crime aurait pu s’arrêter ainsi. Avec ça et un peu moins d’ignorance.

Quand j’étais petit, je ne comprenais pas l’intérêt de la lecture sous toutes ces formes, de l’apprentissage au sens large. Ma mère me répétait alors, « imagine ton cerveau comme une grande maison avec plein de fenêtres. Toutes fermées. Lire sert à ouvrir les fenêtres ». Dans les têtes des Barbares il y avait aussi de vastes manoirs, mais toutes les fenêtres étaient fermées.