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24/12/2015

Effondrement

5702666.jpgCe matin, j'ai l'impression d'avoir la gueule de bois due au mélange de deux de mes livres cultes, Accélération et Effondrement. 

L'accélération folle depuis 2014 d'une droitisation de l'exécutif menant inéluctablement à l'effondrement définitif de l'idée, du surmoi de gauche, qui émane de ce gouvernement. Dans quelques heures, le théâtre politique va fermer pour 2015. Profitons de cet entracte avant 2016 pour faire un bilan de l'année. 

2014 avait déjà marqué un tournant à droite d'une violence rare avec le pacte de responsabilité et ses 41 milliards d'économies de dépenses publiques au profit des entreprises sans contreparties. Près de deux ans après l'instauration de cette mesure qui a eu pour effet concret de stopper les investissements dans l'éducation, d'amener un Plan Hôpital renforçant les inégalités territoriales en matières d'accès aux soins, etc etc etc... Nous nous sommes privés seuls, alors que rien dans le programme du candidat Hollande en 2012 ne l'exigeait, de toute marge de manoeuvre pour investir socialement. Je pensais que nous avions touché le fond. Lourde méconnaissance de la loi de Murphy. 

2015 a évidemment été une année particulière commençant et s'achevant avec des attentats barbares. Certes. On peut comprendre le besoin d'envoyer quelques gages à une population traumatisée, mais le recrutement de policiers en masse et de personnel pour notre ministère de la justice paupérisé suffisait. Quel besoin de promulguer cette inepte loi renseignement ? Et hier, l'infamie vichyste de la déchéance de nationalité ? Je ne sais plus qui le disait, mais il a raison "chaque fois qu'on enlève des libertés pour augmenter la sécurité, on est certain de diminuer les libertés publiques mais on ne sait pas si on amènera de la sécurité en retour". Le récent attentat en Californie confirme cela. Sur la sécurité, l'exécutif s'est fourvoyé en se droitisant à l'extrême sans que cela change quoi que ce soit à la sécurité des français. Un de nos ministres à même dit "on discriminera si c'est efficace". On a cédé aux sirènes de Daech en hissant les français les uns contre les autres et en stigmatisant à bloc.

Mais sur le reste, que nous apporte 2015 ? La loi Macron, le plan Hôpital, la palinodie fiscale de la semaine dernière de Christian Eckert, le soutien à la direction d'Air France contre les salariés... N'en jetez plus, la coupe est pleine d'une dérive folle. En 2015, l'UMP est devenu Les Républicains, et le PS a achevé sa mue Démocrates, un parti converti à l'impôt faible et aux créations de valeurs sans prendre en compte l'utilité sociale ou la finalité écologique... Bref, les 2 seuls distinctions sont une légère tempérance (légère...) sur l'immigration et un tout petit surcroît de droit pour les minorités. Mais combien de temps vont-ils mettre en avant le mariage pour tous ???

Ca n'est pas parce que la droite est déplorable et promet, comme priorités pour 2017 de démarier les couples homosexuels et de revenir sur l'interdiction du cumul des mandats, qu'il faut abandonner toute ambition à gauche. J'ai grandi dans une famille où on rappelait volontiers que ce sont les socialistes qui ont fusillé Luxemburg et Liebknecht, eux qui ont livré les basques aux espagnols... Donc, chez moi, personne ne fut surpris d'entendre Jospin dire "l'Etat ne peut pas tout". Mais là, même eux n'ont plus envie de rire. Je pense ce matin à tous les socialistes, aux militants, qui sont autant à gauche aujourd'hui qu'hier et qui doivent ravaler leur fierté. Eux qui ont tracté, qui se sont battus toute l'année pour se faire empaler aux élections, ont parfois dû se désister et abandonner tout mandats dans le Nord ou en PACA. A la défaite, on leur ajoute l'humiliation. Et on continue de brandir comme un mantra, le sale chantage "votez pour nous ou vous aurez la droite" : mais c'est la droite, bordel !!! Pour répondre à l'effondrement en cours, vu la rapidité du mouvement, seul un mouvement de départ aussi rapide pourrait sauver la gauche. La démission de Taubira comme symbole puis un départ massif des députés PS, des élus PS qui refusent cette folle surenchère et isolent un exécutif qui ne veut que saborder toute idée un tant soit peu à gauche. Oui, ça ça serait un merveilleux cadeau du père Noël. Hélas, 1000 fois hélas, j'ai passé l'âge de croire à son existence... 

22/12/2015

Comment réussir à aller se faire voir, en 2016 ?

Logo_BienVu_360x250.jpgParfois, on sent qu'on vit plus qu'un dialogue entre deux personnes, mais que leurs échanges font écho à un dialogue entre deux générations, voire entre deux mondes (même si je n'aime guère l'expression). Un jeune dans sa prime vingtaine que j'ai eu le bonheur d'avoir comme étudiant pour sa dernière année et un quinquagénaire que j'ai plaisir à conseiller, échangent sur la meilleure façon de marquer le débat politique grâce aux médias. Les stratégies, stratagèmes et autres plans ne sont rien sans caisse de résonance. Ca n'a pas changé depuis César. Les moyens, en revanche ont beaucoup évolué et ces changements ont connu une accélération récente assez folle qui implique que les trente ans séparant cet ancien étudiant et cet ami sont comme deux mondes qui s'ignorent et ne se comprennent plus. 

Une phrase a particulièrement marqué mon attention. Mon ami quinqua évoque le fait qu'il pourrait bientôt être mis en couv' de l'Obs. Et lui de se goberger, de se pincer du col "c'est quand même pas une feuille de chou, l'Obs" et le jeune gandin de lui rétorquer avec beaucoup de respect, pourtant "pardonnez-moi de vous le dire, mais si, je crains que ça ne soit devenu une feuille de chou, l'Obs". Peut-on avoir plus grand écart sur l'utilisation des médias ? Au-delà de l'écart de perception, je lis un écart difficile à résoudre entre l'ancien monde et le nouveau, entre la fama et les vues, la renommée des titres et l'emprise de l'audience.

Le cycle de l'information s'est emballé, a grossi dans des proportions démesurées jusqu'à atteindre le stade de "l'infobésité" et il est désormais impensable de pratiquer les conseils de Jacques Pilhan sur la parole rare. Si vous usez de la parole rare, vous n'existez plus. Hollande disparaît 3 jours, des détournements arrivent sur Internet pour parler de SOS disparitions. On peut s'en réjouir ou le déplorer, mais difficilement le nier. La politique moderne exige une hyper communication, qu'ont comprise, acceptée et ultra intégrée les anglo saxons Obama et Trudeau, mais plus proche de nous Iglesias et Tsipras ont également tout compris de ces ressorts. Ils ne cherchent pas à faire la Une d'un quotidien de référence, d'agiter les indiscrets et autres "téléphone rouge", mais font le pari d'une parole fractionnée. Pour les jeunes, certains canaux, certaines formes de langage, d'autres pour les femmes, les minorités... Dit comme cela, le marketing et le saucissonage politique a de quoi désespérer au-delà de Billancourt. Cynisme, marchandage ! On peut dire ce qu'on veut, mais toutes les démocraties s'épuisent et voient leur abstention s'envoler, comment en vouloir aux responsables politiques d'essayer de s'adresser au plus grand nombre par des canaux qu'ils empruntent et avec les mots qu'ils empruntent. Cela ne se résume donc pas à essaimer et remplir Twitter ou Instagram, mais évidemment continuer à parler dans l'Obs et le Monde. Mais en admettant que cela a de moins en moins d'effet. D'abord parce que les lecteurs de ces titres s'informent par ailleurs, ensuite parce qu'une forme de lassitude face à l'infobésité, justement, fait que ces paroles ont moins de poids. Les lecteurs préférant tant qu'à faire de l'authenticité, laquelle passe mieux en long format, d'où le succès des livres politiques écrits par leurs auteurs (et les fours de ceux qui continuent à recourir à des plumes...).

Nos responsables politiques ne sont pas convertis à cette nouvelle donne médiatique. Ceux qui savent s'y adapter prennent plusieurs longueurs d'avance comme l'a montré la tornade Macron. Avis à ceux qui veulent rattraper le train...

 

 

21/12/2015

No we cannot, y no podemos

Hahaha-No-Meme-11.pngL'annonce des résultats espagnols hier soir, a dû mobiliser très largement les nouvelles forces politiques, en France. Pensez, un parti qui n'existait pas il y a seulement 18 mois et qui se retrouve déjà en faiseur de rois entre le PP et le PSOE. Podemos est ainsi passé de 0 à 20% des voix en un an et demi. Dans le même temps, les extrêmes centristes, ou centristes radicaux de Ciudadanos atteignent 14% et peuvent presque parler de légère déception tant les derniers sondages les plaçaient à un étiage supérieur.

Le parallèle avec la France est évidemment énorme. Sans avoir atteint des seuils pareils, le chômage et particulièrement le chômage des jeunes est très élevé. La corruption de nos élites ne reflue pas, mais là aussi cela ne prend pas les proportions folles de nos camarades ibères avec des villes comme Valence littéralement laissées à l'abandon par une poignée d'élus stipendiés. Enfin, ce qui explique surtout la percée de Ciudadanos (tout le discours de Podemos étant fondé sur la fin du cycle historique du capitalisme) est le refus du bipartisme, qui a échoué depuis quarante ans que la dictature de Franco a été renversée. Il n'est pas anodin, d'ailleurs, que les figures de la relève soient des juges, des avocats, ou un politologue (Iglesias, de Podemos) toute élite déclassée socialement, humiliée par la crise, mais avec les moyens intellectuels de riposter. Et quelle riposte ! 

Alors, ce matin, je bascule entre une belle excitation et un soupir d'anticipation. Au moment de l'élection d'Obama, la France avait rêvé d'un semblable renouvellement des personnes (à défaut des idées....). A la fin de son règne, 8 ans plus tard, peu de chances que cela nous concerne quand l'Italie a porté à son sommet un Renzi qui n'avait que quelques années de politique à temps plein derrière lui, idem pour Cameron, Trudeau (même s'il est le fils d'un grand politique canadien, ce qui change un peu la donne...)... En 2017, nous aurons vraisemblablement le choix entre les mêmes 3 principaux acteurs qu'en 2012. Reste à connaître leur ordre d'arrivée, cette fois. Et ceux qui peuvent bousculer la donne, sont le 4ème homme de 2012 avec un retour inespéré au premier plan ou alors le retour en sauveur de la Nation du 1er ministre le plus impopulaire de la Vème, en 1995. Il n'y a que chez Dumas que vingt ans après soit romantique et délicieux... 

Nous aurions donc le même terreau que nos voisins pour avoir un beau chamboulement de nos élites, mais peut être à cause du fait que nous sommes un peuple ultra politique, pareil bouleversement est moins possible. Si les commentateurs aiment à rappeler que nous sommes le Peuple des Lumières, de 1789 et autres insurrections populaires, nous sommes très légitimistes. Sans donner raison à Macron, difficile de nier que les français ont collectivement un surmoi monarchiste. Nous tolérons complètement les berlines noires, les lambris, les courtisanes et les récompenses pour services amicaux rendus. Pris la main dans le pot de confiture, nos élus confessent... Et reviennent. Bernard Tapie a déclaré hier vouloir revenir. C'est Grand Boulevard, mais comme il est connu, il n'est pas interdit de penser qu'une part des électeurs lui donnerait ses voix. Regardez Balkany, Copé... Si Cahuzac se présentait, nul doute qu'il serait élu et chaque nouveau sondage donne un score de plus en plus fort pour DSK. Nous passons l'éponge sur tout et voulons des visages connus, des stars, des Drucker de la politique. Notre personnel médiatique dure plus qu'ailleurs (le matin, nous confions les principales interviews de radio privées à Mazerolle et Elkabbach, qui étaient déjà là sous Pompidou...). Collectivement, nous confortons cette élite consanguine, qui ne se remet jamais en cause et qui produit les mêmes réformes et propositions. L'ennui, c'est que pareil scandale ne peut laisser de marbre. Contrairement à nos voisins, ce que cela produit chez nous est un vote FN. Sur le même constat (marre de l'inaction, mettre fin au bipartisme), il engrange des voix en masse. Sauf que ce parti n'a rien de neuf, que sa gestion des villes a été calamiteuse et que ses élus sont largement plus condamnés que les autres. C'est dans ces moments là qu'on est vraiment tenté de donner raison au Général lorsqu'il pensait que les français sont des veaux. Le général, d'ailleurs, parlons en car il nous a mis dedans. Sans lui mettre tout sur le dos (le pauvre est mort) c'est sa saloperie de présidentialisme qui nous fout en l'air. Quand l'Espagne et d'autre pays modifient leurs partis, ceux ci gagnent largement des suffrages lors d'élections partielles qui précèdent les législatives. La poussée de Podemos était déjà visible depuis quelques temps et ils ont même gagné les villes de Barcelone et Madrid. Chez nous, à l'inverse, tout se focalise sur la présidentielle et l'impossibilité d'y figurer en bonne place mine les partis aspirants. Ainsi, au moment ou Podemos se lançait, Nouvelle Donne et Nous Citoyens se lançaient en France et ils plafonnent depuis à 1 ou 2%. Ceci, car leurs figures tutélaires n'apparaissent pas comme aspirants présidentialistes. Fait croustillant, ces deux formations ont d'abord mis en avant l'importance capitale d'un changement institutionnel... lequel n'arrivera pas puisqu'ils n'arriveront pas au pouvoir. Le ver a pourri le fruit...