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18/11/2016

La primaire 2017 n'a pas eu lieu, celle de 1967 si.

la-guerre-de-troie-n-aura-pas-lieu-498014.gifHier soir, le dernier débat de la primaire a eu lieu au moment même où le Beaujolais Nouveau coulait à flots. Merveilleuse idée : il fallait bien ça pour subir l'inanité des échanges entre les 7 impétrants. Hélas, ayant d'autres obligations hier soir, j'ai revu le débat ce matin avec du thé vert et la lucidité n'est guère conseillée pour subir pareil pensum. 

Surtout, après que les candidats ont, une dernière fois, expliqué pourquoi il fallait aller voter pour eux, tous (hormis NKM) proposaient un grand bond en arrière. Jean-François Copé qui se prend pour Bonaparte et nous invite à franchir un nouveau Pont d'Arcole. François Fillon qui souhaite précisément revenir à l'école de 1960, avec les savoirs fondamentaux enseignés de façon unique et quasi monolithe (il a dit 75%). J'imagine que l'éducation sportive, artistique, numérique, l'apprentissage de la pensée critique, des recherches, la prise de parole en public, les travaux collectifs. Tout cela, out. On revient aux heures glorieuses des blouses, des photos en sépia, du Vidal Lablache et de moins de 10% d'une classe d'âge qui va jusqu'au bac...

Ajoutons Sarkozy qui n'a comme seul modèle, comme alpha et omega de tout son programme économique, que l'Allemagne. Manque de pot (ou est-ce autre chose ?) hier soir, Wolkswagen annonçait 30 000 suppressions d'emplois d'ici 2020. Mais alors Monsieur le Président, la compétivité, les baisses de charges et les jobs à 1 euro ne suffisent pas à garder les emplois ? Peut être que la robotisation continue à étendre son emprise sur l'emploi ? Si quelqu'un arrive à me dire en quoi Juppé et le Maire se plongent dans l'avenir, je lui paye des fraises... On pourrait rajouter aussi l'ineffable Poisson qui nous explique que les plate-forme sur Internet ne sont que marchandisation et vente à outrance. Personne ne lui a indiqué qu'avec les mêmes outils, on pouvait promouvoir la gratuité et les échanges. NKM lui a gentiment sussurré..

En résumé : revenir aux 39 heures dans un monde où l'emploi salarié se raréfie, revenir au conseiller territorial quand on a tellement besoin de grosses régions, revenir au mariage réservé aux seuls hétéros, revenir à l'école de 1960, revenir au Minitel, aux courses au Prisunic où la bouffe était meilleure que chez Carrefour, n'en jetez plus !

Soyons honnêtes : il faut être deux pour danser le tango, bien ou mal. Si hier la chorégraphie fut à ce point déplorable, la responsabilité de ceux qui ont posé les questions ne peut être écartée...  

Jean-Pierre Elkabbach ? L'homme qui a interviewé VGE peut-il sérieusement poser des questions pertinentes sur les besoins de la vie économique et politique de 2017. Il n'a pas seulement 79 ans, il a 50 d'interviews politique et n'est jamais allé voir ailleurs, à des réflexes intellectuels crispés. Il réfléchit par idées reçues et automatismes. L'âge ne fait rien à l'affaire, Edgar Morin et Michel Serres sont octo et même nonagénaires fringuants et jeunes dans leurs têtes. Bruno le Maire était déjà vieux à 16 ans, d'où l'ineptie stratégique d'avoir voulu tout miser sur le renouveau quand on l'incarne autant que Zlatan transpire la modestie... Mais Elkabbach est un vieil intervieweur de 79 ans. Au moins a-t-il l'excuse de l'état civil, ce dont ne peut se targuer l'insupportable David Pujadas. Infatué en diable, incapable de la moindre remise en doute de ses propos, le présentateur vedette de nos foyers depuis 15 ans a interviewé les candidats hier avec les mêmes questions, enjeux et thèmes que s'il avait eu François Mitterrand face à lui... Il parle d'Assad comme de Hussein, avec le même monde et les mêmes blocs, de l'économie sans dématérialisation, des protections sociales comme si nous étions en 1970 et des impôts comme si nous ne sortions pas d'un cycle inouï de 30 ans de baisses des impôts sur les hauts revenus...

Prise en compte des enjeux écologiques ? De l'adaptation de l'économie, de l'énergie, de l'agriculture à tout cela ? Prise en compte des nouveaux besoins éducatifs, de formations ? Rien, que dalle, nib. Avec des sparing partners envoyant des balles aussi molles, il ne pouvait y avoir de bonnes réponses.  

 Dans un vibrant plaidoyer dans le Monde, l'économiste des médias Julia Cagé rappelait la responsabilité des médias dans l'élection de Donald Trump, à trop décrire un monde qui n'existe pas : à ne parler que de croissance, des levers de fonds porteuses d'espoir des géants du web et pas assez des ravages de 2008 sur l'immobilier avec des plaies non refermées, des emplois perdus et de ceux qui n'en ont pas retrouvé etc etc... A force de disparaître, de ne jamais voir leur réalité reproduite dans le débat public, à force de dire que tout est "great" quand ça n'est pas le cas, nombre d'électeurs ont choisir le "make America great again" de tous ceux qui ne trouvent pas leur pays "great". La cécité française est un peu différente, elle enjolive le passé et le prend en modèle. Une attitude dangereuse car une candidate promet depuis des années de ramener la France à avant. Quand elle était bien blanche et que l'ordre régnait. La règle selon laquelle les électeurs préfèrent l'original à la copie pourrait se vérifier l'an prochain et espérons que M. Elkabbach et Pujadas auront fait leur mea culpa, d'ici là...  

16/11/2016

La dialectique lepéniste de Macron

David_-_The_Death_of_Socrates_detail.jpgAvant que les thuriféraires du champion du modernisme ne me tombent dessus, je parle de dialectique, pas de programme (problème auquel je m'attaquerai par la suite...). En 1984, interrogé sur le candidat montant dans les sondages, Jean-Marie le Pen, Laurent Fabius avait eu cette réplique "il pose les bonnes questions, mais apporte les mauvaises réponses". Les bonnes questions tenaient au chômage de masse (déjà) aux fermetures d'usines (déjà) et au sentiment curieux que quelque chose s'était brisé dans la machine égalitaire et l'ascenseur social français (déjà, déjà, déjà...).

A toutes ces questions, le Pen Jean-Marie répondait "virons les immigrés, reprenons le contrôle de nos frontières et les vaches seront bien gardées". Un brouet poujadiste qui n'attirait alors qu'une minorité de révoltés, laquelle a grossi à mesure que le chômage est resté, que les usines sont parties sans rien pour les remplacer et qu'un certain nombre de services publics ont été remplacé par des plate-forme d'appel. Et aujourd'hui, les questions soulevées par Jean-Marie le Pen depuis 50 ans, et qui ont commencé à trouver un écho lors du grand dérèglement Thatcher/Reagan, sont aux portes du pouvoirs. La victoire de Trump donne des ailes à l'héritières Le Pen. Tristesse. On a les dirigeants qu'on mérite. Ceux qui se sont contentés de gérer trente ans de politiques néo libérales, sans avoir su inventer le nouvel état-providence, celui adapté à l'après chute du Mur, sans avoir tiré les leçons des baisses d'impôts folles des années 80 destinées uniquement à activer la pompe à milliardaires. Tout ne fut pas étal pendant 30 ans, il y a des nuances entre le PS et LR, raison pour laquelle chacun revendique la légitimité à incarner l'alternance. Mais des nuances et de moins en moins visibles, comme l'atteste le fait qu'entre 2005 et 2014 la France a connu la plus grosse augmentation des inégalités entre les 10% les plus riches et les 20% les plus pauvres, basculant vitesse grand V dans la direction anglo saxonne. 2005/2014, Chirac, Sarko, Hollande. Les faits sont têtus...

Aussi, un candidat qui avancerait en disant : "voilà mon programme, il consiste en une accélération violente des politiques de ces dernières années" devrait logiquement rencontrer peu d'écho. Mais, l'élection de Trump l'a rappelé sinistrement, la logique ne prémunit plus de rien du tout... Ce matin, le nouveau héros de la France Libre s'est présenté avec quelques lignes directrices pour son programme toutes confondantes de consensus suspect : 

- Il est "contre le système". Ha ? Le banquier qui s'est mis 2 millions chez Rothschild , dont le mécène récemment disparu était milliardaire, dont tous les soutiens sont des nababs et qui, qui plus est, est encensé par les médias privés (le service public, c'est heureux, est moins naïf) : de Bolloré à Drahi, de Bouygues à Lagardère, on adore Macron, on encense Macron. Anti-système ? Trump élu, les bourses flambent, tu parles d'un anti système. Le gendre idéal, idem. 

- Il est "pour une révolution démocratique profonde". Lui le nostalgique de la monarchie a une conception très solo de la politique. Qui correspond à la présidentielle, m'enfin on sent pas vraiment venir la Nouvelle Constituante. L'intelligence de happer des propositions existants depuis longtemps sur la réduction du train de vie de l'état, mais rien de concret sur le comment du renouveau démocratique, des gardes fous contre les lobbys, du vote en conscience des députés. Suivant...

- "La relance de l'Europe, notre chance dans la mondialisation". Pour mémoire : monsieur est pro TAFTA, explique que la loi El Khomri "n'est pas allée assez loin", en somme il veut pousser davantage la dérégulation et le libre échange en Europe. On pourrait peut être lui rappeler les résultats des dernières élections continentales ou celui du Brexit. Y a un amour modéré pour continuer dans la même direction... La relance, ça veut dire inversion de la pente folle en harmonisant fiscalement et socialement par le haut.

- "Mettre l'accent sur le travail" à ce propos il a récemment dit "pour un jeune 35H c'est pas long" t'as raison coco, faut les bosser 50h les caissières et les jeunes de Mc Do, c'est mieux. Y a pas de taff pour eux, on a qu'à partager encore moins... L'accent sur le travail pour quoi ? "Etre milliardaire" ? "Etre un entrepreneur à la vie plus dure qu'un salarié". Sa conception du travail c'est le retour chimérique aux 30 glorieuses avec les profits des bulles internet. On sent que ça va marcher, qu'il a bossé son sujet sur la révolution énergétique et agricole, les métiers de demain, quoi, relocalisés. L'écologie ? Pas un mot, comme d'hab...

- "Offrir de nouvelles protections, aux plus faibles". Il nous rappelle ce qu'il a fait en tant que ministre ? Couper les lignes SCNF de proximité pour mettre des lignes de bus pourraves qui ferment sitôt ouvertes sur les destinations les moins fréquentées. Faciliter les licenciements, plafonner les indemnités quand on est viré, compliquer les Prud'hommes, c'est des nouvelles protections, ça ? Ha, j'oubliais : l'entrepreneur ayant une vie plus compliquée que le salarié, c'est des nouvelles protections pour les start upers ! Plutôt que pour les salariés d'Uber, qu'il chérit comme modèle, même si on a vu récemment des chauffeurs être virés par l'application du jour au lendemain parce que leur note avait baissé. Infâme. Et il les encense. Cohérence ?

Voilà sur tous les sujets, Macron c'est la dialectique de le Pen (ou de Tapie) : on vous appâte avec des bons gros hameçons attrape-couillon et les électeurs foncent sur le constat sans regarder la solution. Oui, cher Emmanuel, moi aussi je pense que le "système" se referme et que ça tue la démocratie, que l'Europe est malade, que notre marché du travail pâtit et qu'on a besoin de protections pour les plus faibles. Et vous êtes de loin la personne la moins indiquée pour résoudre ces maux attendus que vos solutions sont juste d'augmenter les doses des saignées des libéraux. Permettez nous de ne pas vouloir essayer.  

 

14/11/2016

La politique n'a pas le monopole de la démagogie

ob_1d7820_demagogie-2.jpgAprès le Brexit, Donald Trump. Par deux fois, le résultat des urnes contredit la volonté de 90% des éditorialistes et des propriétaires de médias et ils boudent. Pour autant, le débat ne fut pas à ce point inégalitaire en termes d'attention et d'accès à l'information. La gratuité et la liberté du web permet aux outragés de tous bords de diffuser leurs opinions et très souvent avec des audiences démentielles pour des thèses peu mainstream compatibles. Hier, Etienne Chouard a rassemblé des centaines de milliers d'internautes pour s'opposer au Traité de Constitution Européenne. De l'autre côté de l'échiquier politique, les harangues d'Alain Soral et autres compagnons de route du complotisme anti gouvernance mondiale atteignent les millions de vues. Cette fascination pour la colère se retrouve dans les urnes et les tenants des canaux traditionnels refusent 1/D'y regarder de plus près 2/ D'en tirer les conséquences... Le Figaro est toujours le Figaro, mais, comme le décrit Aude Lancelin dans le récit de son licenciement, lorsque l'Obs emprunte tout au Figaro, pas étonnant que certains lecteurs aient envie de respirer un peu...

Après coup, les commentateurs mauvais joueurs arguent que les électeurs n'ont rien compris et ont été victimes de démagogues. C'est mot pour mot ce qu'avait dit VGE au lendemain du vote de 2005, et son voeu fut respecté puisque le texte est repassé avec le traité de Lisbonne, en 2008, sans repasser par les urnes. Cette bande de crétins se sont fait avoir par tous ceux qui ont osé remettre en cause des dogmes comme "la concurrence absolue est un bienfait pour l'humanité", "le libre échange ne doit pas être faussé par des contraintes sociales ou écologiques". Bah non, tous ceux qui ont perdu leur boulot, leur maison et leurs services publics de proximité trouvent cela modérément fabuleux, la mondialisation sans entrave. Et ils ne qualifient pas forcément de démagogues ceux qui disent cela... 

Le démagogue serait celui qui se contente de réflexions simplistes et joue sur les émotions. Bien. Je ne nie pas qu'il y en a, aujourd'hui, un bataillon entier parmi les responsables politiques. De Farrage à Grillo, de Sarkozy à Donald Trump, le camp des démagogues en politique a grossi avec une célérité inquiétante. Pour autant, peut-on sérieusement avancer qu'ils ne se cachent que là-bas ? Les contempteurs des politiques comme Alexandre Jardin ne sont pas des démagogues peut être ? Tous ceux qui disent "il faut se connecter au monde d'aujourd'hui, pour un président connecté et jeune" sans autre forme de procès, ça n'est pas de la démagogie, peut être ? Si, ce sont des démagogues numériques. Lesquels sont ultra nombreux parmi notre élite jeunes tendance l'Opinion/Challenge/Les Echos, qui ont une vision de société qui se résume à "le wifi pour tous". 

L'autre grande métaphore, c'est l'entreprise. Les responsables d'entreprises sauraient gérer quand les politiques seraient de piètres gestionnaires. Mais le bilan de Berlusconi, plus grand businessman italien, incite à beaucoup d'humilité... Michael Bloomberg ne fut pas un meilleur maire de New York que d'autres... Thierry Breton et Francis Mer furent-ils les plus grands ministres de l'économie que la France ait jamais connu ? Probablement pas, nonobstant une expérience de l'entreprise certaine... Pourquoi n'ont-ils pas fait mieux ? Sans doute parce que leurs bilans d'entreprises tiennent beaucoup à ce que des politiques publiques les ont soutenu à bout de bras en encourageant le libre échange à grands renforts d'incitation fiscales. Parce qu'ils n'ont rien de mieux à dire que ce qu'ils rabâchent depuis trente ans dans une réduction de la pensée type "coupez les dépenses publiques, libérez les énergies économiques, la croissance est le propre de l'homme" un raisonnement purement démagogique qui ne tient absolument pas compte de l'enjeu écologique.

Au fond, il ne s'agit pas de taper aveuglement sur "les médias", mais sur ceux qui s'y expriment de façon simpliste. Cela comporte évidemment une poignée d'éditorialistes (les mêmes depuis très longtemps) convertis aux thèses de leurs actionnaires avec une docilité de labrador. Mais également tous les "experts" bien accordés sur une vision monochrome de l'économie : de l'université aux plateaux télés, le grand nettoyage se fait. Pire, un éditeur français a osé publier un livre intitulé "le négationnisme économique" pour dire en gros que tous ceux qui ne sont pas néo libéraux refusent de voir le monde tel qu'il est... S'ils se sont sentis pousser des ailes, c'est que 95% des intervenants à la télé, des supposés experts qui bien souvent (pour ne pas dire toujours...) conseillent les grandes banques, sont des néo libéraux comme eux. Tous, avides de phrases simples : la dépense publique est une plaie pour le monde, trop d'impôts pousse les riches à partir, il faut déréguler. Et tous ces économistes sont rejoints dans leurs croisade par des sondeurs et des entrepreneurs ou des analystes boursiers qui pensent comme eux. Du coup, tout ce qui déroge à leurs dogmes est "irréaliste", "infaisable". 

Le cas de l'impôt est celui qui m'amuse le plus. A les écouter, toute demande de régulation par l'impôt s'approche du vampirisme, et Piketty serait un néo bolchévique... Les US, par exemple ont baissé de 30% (!!!!) la taxation des plus favorisés et ils continuent de vous dire qu'on en fait trop... Les 500 fortunes françaises croissent 50 fois plus vite que la croissance sans qu'ils ne créent un seul emploi en France ou s'acquittent d'un euro d'impôt sur la fortune. Est-ce vraiment léniniste d'exiger qu'ils s'acquittent de leur dû ? Je pose ça là, comme on dit, pour faire réfléchir deux secondes... La démagogie est dans la teneur d'un débat médiatique qui voit dans toute dépense publique un mal et dans toute création de richesse (fut elle crapuleuse, polluante et sans valeur sociale) une bénédiction. Ca, il me semble tout de même qu'on peut le changer assez vite. Et ça ne serait pas un luxe...