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12/11/2016

Le peuple aime les vainqueurs et se fout du dopage

shutterstock_51452437-1728x800_c.jpg"Comment Trump peut-il prétendre incarner le peuple alors qu'il est milliardaire ?". Cette rengaine tourne en boucle chez les supporters dépités d'Hillary Clinton. Lesquels n'ont pas potassé les leçons de l'histoire, même très récente, qui montre que le peuple aime les vainqueurs et ne regarde jamais de trop près aux méthodes ayant mené à la victoire. Dans les années 80, les figures de Silvio Berlusconi et Bernard Tapie incarnaient parfaitement ces figures de grands escrocs ultra populaires. Berlusconi, surtout. Première fortune du pays, une fortune nauséabonde, acquise avec des montages fiscaux rocambolesques, de la corruption généralisée, une certaine collusion avec les milieux mafieux et par conséquent des méthodes peu aimables pour déloger les gêneurs. Malgré une telle batterie de casseroles, Berlusconi fut élu par trois fois président du conseil entre 1994 et 2011. On peut même tromper trois fois le peuple avec les mêmes outrances. A chaque fois, les mêmes ficelles : quand le Jospin transalpin -Romano Prodi-, accusait Berlusconi, ce dernier répliquait en disant que le professeur d'économie était jaloux, ne gagnait pas assez d'argent, n'avait pas une assez belle femme...

Les femmes des populistes sont souvent de bons aiguillons de l'arnaque : botoxées, siliconnées et une intelligence discrète, on retrouve là parfaitement les conquêtes berlusconniennes, Melania Trump ou encore Carla Bruni. A propos du compagnon d'icelle, un journaliste dont le nom m'échappe avait dit à l'issue d'une grande enquête dans les prisons françaises : leur idole, c'est Sarkozy. Aux contradicteurs étonnés, il répliquait : "il parle mal, à une grosse montre et des fringues vulgaires, il aime les bagnoles et le bling et se ballade avec une bonnasse refaite. Il a réussi ça inspire le respect". CQFD...

La liste des figures extrêmement populaires dans les milieux les plus défavorisés excèdent le champ de la politique : un homme comme Pablo Escobar était une idole des pauvres, nonobstant l'origine de sa fortune. Une série d'attentas aveugles et des meurtres de policiers en série finit par changer l'opinion, mais à la base, sa grosse fortune inspirait le respect des humbles... Mesrine, le braqueur de banques, était peut être ennemi public N°1, mais pas forcément détesté pour autant...

Si vous trouvez que tout cela n'est guère cohérent, voir un peu crétin, vous n'avez pas tort, mais la rationnalité n'a pas sa place, en la matière. Prenons pour prolonger la discussion, l'exemple typique de la stupidité sans nom d'une passion populaire : le Football. On nous inflige des pensums selon lesquels les élites se sont coupées d'une passion populaire, le football. Pardon, mais c'est le football qui s'est coupé du peuple. Les matchs sont à visionner au travers de péages de plus en plus onéreux et les stades deviennent des citadelles avec des prix de place qui flambent, bien loin des revenus des milieux modestes... Pire, les clubs sont la propriété de plus en plus fréquente de nababs mondialisés. Peut-on m'expliquer la cohérence d'électeurs du FN ou de Sarkozy qui trouvent que les arabes posent problèmes et que la mondialisation rend le coût de la vie intenable et qui supportent le PSG, club aux fonds Qatari et dont ils achètent le maillot floqué chez Nike pour 100 euros avant de regarder les matchs sur Bein Sport ? Bah y en  a pas. Y a soumission au vainqueur, peu importe les méthodes...  

Autre exemple : il suffit de lire la liste du JDD des personnalités favorites des français pour voir que les fortunes acquises sans rapport avec la "valeur travail" ne dérange personne... Des stars du show biz et du sport, quelques noms présents dans les Panama Papers (salut à toi, Gad Elmaleh), mais rien de bien "moral" dans cette liste. Il y a toujours un Abbé Pierre, un Nicolas Hulot ou autre caution, mais globalement, ceux qui sont plébiscité sont ceux qui ont réussi selon une liste de critères un peu étriqués et issus des séries américaines des années 80...

Les leaders populistes ont tous compris ça et suivent donc le modèle avec une gourmande impunité. Interrogé sur le milliard de $ d'impôts filoutés, Trump rappelait qu'il respectait la loi. Des lois faibles, les lois de Clinton. Lui qui sait, lui qui triche, il sait comment il faut faire. Bah oui, autant demander à Al Baghdadi de commander l'anti-terrorisme ou à monseigneur Barbarin de pourchasser les pédophiles... Pas con... Hillary Clinton a très mal répondu à cette fraude massive, elle s'est montrée faible. C'est navrant d'écrire cela, je le concède. Mais je note que fasse à des foules affolées, on ne répond pas avec de la tisane. Quand Trump flaire le sang du FBI, il chauffe la salle à blanc qui parle d'envoyer Clinton en taule. Elle aurait du répondre "moi à la maison Blanche, j'augmente le budget d'un milliard le 1er jour, celui que Trump nous doit. Il nous a volé". Mais elle n'a pas fait ça, fidèle à sa bonne tradition de sociale libérale, habituée à se faire flouer sans cesse par les puissances du pognon... La prochaine fois, peut être penser que "je vais faire les poches de Wall Street" est plus efficace même si réducteur pour convaincre le peuple plutôt qu'une réalité proche de "Wall Street remplit mes poches". 

Cette faiblesse caractérise aussi François Hollande. S'il est autant rejeté par l'opinion, c'est bien sûr pour sa politique inconséquente et aussi proche d'une ligne de gauche que Nabilla des manières de la baronne Staff, mais aussi pour son extrême faiblesse. Dans une époque où les vrais costauds, les boss, les durs à cuire sont encensés, que penser d'un chef de l'Etat qui se fait moucher par une gamine de 15 ans, la kossovarde Leonarda ? Difficile de ne pas dire qu'effectivement, Hollande a affaibli la fonction...Au fond, Hollande ne sait pas trancher, se laisse déborder par ses ministres qui le contredisent publiquement quand ils ne le quittent pas en se payant ouvertement sa fiole. Comment voulez-vous avoir confiance dans un type qui vous dit qu'il va s'attaquer à la finance et sous le règne duquel les salaires du patron du SBF 120 augmente comme jamais. Littéralement, jamais. +20% en 2015... Idem pour les 500 grandes fortunes, lesquelles bénéficient de douceurs sur leurs ISF... Et on s'étonne qu'il ne marche pas mieux auprès des électeurs de gauche...

Cette demande de radicalité à gauche, elle est très forte et mondiale. Je note d'ailleurs la fabuleuse popularité du Pape François sur une ligne très très à gauche économiquement et écologiquement parlant. La limite est que cette ligne n'est pas suivi d'effets, puisque le Pape à une obligation de moyen et pas de résultats. Le rêve de tout politique, quoi. 

La gauche ne peut et ne doit s'aligner sur les critères des populistes d'extrême droite. Il y a une bataille culturelle à reprendre, non pas pour montrer qu'ils trichent car les résultats électoraux montrent que ça ne marche pas, mais pour dire que les tricheurs populistes sont les mêmes que les tricheurs libéraux. Leurs fortunes sont des tigres en papiers, des montagnes de montages fiscaux et il est temps de les reprendre. Ne pas jouer les malins, les profs, les doctes conseillers, mais incarner au fond une justice radicale et sans pitié. Sans craindre de se faire traiter de "populiste de gauche" si l'on promet de mettre en prison les fraudeurs fiscaux et leur interdire de remonter des affaires. Marre de l'inhibition, du repli devant les bateleurs d'estrade. Le politiquement incorrect de gauche doit relever l'affront sans nom subi mercredi. 

11/11/2016

Vers une coffee party dans 2 ans ?

pdcoffee.jpegParmi toutes les choses étonnantes qui se passent actuellement aux Etats-Unis, les manifestations de Berkeley méritent une attention particulière : des étudiants d'une des plus prestigieuses universités du pays qui protestent, non pas contre des réformes, mais contre une élection démocratique, ça prouve le niveau d'exaspération atteint. 

On sait que la colère n'est pas bonne conseillère, mais elle a une vertu : elle prouve la vitalité du corps social. Le fait de hurler, de vitupérer, de tempêter peut déboucher sur quelque chose de positif. Les manifestants hurlent d'abord contre Trump et sa vision raciste, misogyne, bornée du monde. Veulent-ils pour autant un bon vieux retour au business as usual of the establishment ? Certainement pas.

Or, la vie politique américaine est rythmée par une binarité mid-terms/présidentielle. La prochaine grande échéance n'est pas dans 4 ans, mais dans deux seulement. Nostradamus seul (et peut être un peu Donald Trump) sait quelle sera la politique effectivement mise en place par le 45ème Président des Etats-Unis. Peut être que l'érection d'un mur entre les USA et le Mexique, l'augmentation des barrières douanières de 45% avec la Chine et autres promesses de campagne connaîtront un succès puissant. Mais le doute est permis. Admettons, simple hypothèse d'école, que tout cela foire lamentablement, que tout se disloque et que les électeurs populaires se retrouvent floués. Dans le même temps, les minorités noires et latinos qui se sont abstenues réalisent que Trump change quelque chose à leur vie. Et ce, dans des termes modérément emballants. Alors, la colère en germe à Berkeley pourrait essaimer et se répandre dans le pays, comme en 2010. Alors, une grande partie des Etats-Unis, ulcérée par l'élection d'un président noir en 2008 avait fait une percée inédite au Congrès avec leur mouvement des Tea Partys. En deux ans seulement, ces populistes ont fait exploser le GOP en le débordant sur sa droite sur des thématiques raciales et fiscales, principalement. 

Ce soulèvement bestial, primaire, primitif, dont les sondeurs et commentateurs ont voulu oublier la violence, a mené Trump au pouvoir. Dans des sondages désormais exclusivement en ligne, les millions d'oubliés d'Internet, de non connectés, d'éloignés du monde dépeint par les médias, se sont vengés en rappelant qu'ils n'étaient pas comptabilisés dans le reflet de l'opinion, mais qu'ils avaient le droit de vote quand même. 

Mais tous les adultes américains ont le droit de vote et les 75% d'adultes qui n'ont pas voté pour Donald Trump sont désormais confrontés à cette réalité crue : se bouger pour un meilleur lendemain. Un soulèvement spontané, secondaire, plein d'espoir, d'élan, d'ouverture, d'envie. Un décalque inversé des Tea Party, une Coffee Party. Une cohorte infinie d'électeurs désireux de renverser la table, de capter des profits vampires qui sucent les travailleurs et les laissent morts, de relocaliser l'agriculture et la production textile pour protéger d'avantage la planète. Symboliquement, les membres du mouvement rapporteraient leurs armes à feu qui seraient ensuite fondues par des artistes qui en feraient des oeuvres pour les enfants du pays qui pourraient à nouveau marcher dans les parcs et les écoles sans craindre que des dingues défouraillent à tous vents. Bon, OK, là, je m'emporte, je rêve trop. Mais depuis le cauchemar de mercredi à l'aube, il ne reste que l'onirique et en plus c'est gratuit. Ne nous en privons pas. 

 

10/11/2016

Where the fuck is democracy ?

question-mark_318-52837.jpgIl ne s'agit pas de bouder à la suite de résultats que l'on peut qualifier par litote de déplaisants. Les manifestations gigantesques de New York (cet ilot progressiste noyé par un ras de marée conservateur), peuvent s'entendre, mais ça n'est guère constructif politiquement. Au-delà de la montée du populisme, au-delà de ce que l'élection de Trump dit du niveau du débat politique, le plus grand malade c'est bien la démocratie. Ne soyons pas mauvais joueurs en rappelant qu'Hillary Clinton a obtenu plus de voix que Trump. Ca n'est pas après le match que l'on vient déplorer les règles du jeu. Elles étaient connues de tous et n'ont pas empêché Obama d'être élu deux fois.

Non, le vrai problème c'est que deux fois plus de personnes ont préféré rester chez elles plutôt que de voter Hillary Clinton contre Donald Trump. Lequel a lui même obtenu les suffrages de 25% des américains, majoritairement des blancs vieux. Mais qu'on ne dise pas qu'Hillary Clinton avait avec elle une armée de jeunes, de femmes, et des minorités de ce grand pays. En %, peut être, mais en voix, misère... Je vois passer des cartes grotesques montrant que si les jeunes seuls votaient Hillary gagnait la quasi totalité des États. Cet argument générationnel est pitoyable : les jeunes sont restés chez eux et sont moins de 40% à s'être rendus aux urnes. Les jeunes s'en foutent. Ceux qui se sont bougés, sont ceux qui ont un diplôme et s'impliquent dans la vie publique. Eux, la mort dans l'âme, sont allés voter pour Hillary, mais ils sont aussi représentatifs que les abonnés à Télérama dans une assemblée de fans de Corrida. 

Voilà "la plus grande démocratie du monde" (auto-proclamée, en nombre d'électeurs) qui a donc fait campagne non stop depuis 18 mois, une élection qui a vampirisé tous les écrans, toutes les places, qui a plus envahi l'espace mental des électeurs potentiels que jamais et les deux candidats ont dépensé 2 milliards $... Tout ça pour avoir 50% des concernés qui se déplacent... You call this democracy ? 

Au Brésil, la semaine dernière, le maire de Rio nouvellement élu, évangéliste en diable, l'a été avec l'aide du lobby 3B, Bible, Balles (sécuritaristes), Boeufs (grand propriétaires terrien) avec 60% des suffrages. Mais là aussi, alors que le vote est obligatoire au Brésil, l'élection fut marquée par une abstention record.... La police a renoncé à infliger des amendes face à la défiance colossale suscitée par les candidats. 

Donald Trump ? Milliardaire face à une représentante de la caste des dirigeants, dont le mari fut élu 2 fois président, soutenue par Goldman Sachs et Google, et Bloomberg et autres oeuvres de charité... Au Brésil, des latifundistes et des corrompus ayant tous touché au gâteau Petrobras ... En Espagne, plus de corrompus dans les rangs du PP au pouvoir que de prêtres pédophiles. En Angleterre, les Panama Papers avaient laissé éclaté la fortune peu avouable de la famille Cameron. Voilà, les grands corps malades. Une armée de ploutocrates entretenant des relations peu avouables avec les grands médias, est-ce réellement le summum de la démocratie ? 

Chez nous, l'an prochain, même chose. Une grande kermesse à venir et un dégoût qui déborde. 80% des français pensent que la démocratie fonctionne moins bien, critiquent le rôle des institutions et des médias dans la fermeture des débats. Avec nos 95% d'espaces médiatiques contrôlés par 11 milliardaires, nous voilà bien. Ils ont choisi Macron : de l'Express à l'Obs, de BFM à TF1, l'attitude des éditorialistes à l'endroit de Jean Lecanuet 2.0 mériteraient d'être condamnées pour racolage. Macron comme antidote au dégoût démocratique ? Autant demander à Monsanto de piloter l'agriculture biologique... Quelle République promeut-il lui à part "me myself and I" ? Ses idées, consensuelles à l'envi, exposées sans dialogue dans l'Obs sont rigoureusement le décalque des politiques néo libérales de ces 30 dernières années (exceptée la retraite à la carte, je trouve ça malin) avec "autonomie de l'éducation", traduisez "crevez les écoles pauvres", "réforme de la carte scolaire" (il dit pas comment, populisme light classique) et dérégulez, dérégulez, dérégulez... 

Ne pas comprendre que la faillite démocratique vient d'un vide politique laissée béant par la chute du mur a de quoi inquiéter... Les tenants de Reagan et Thatcher en sont un peu revenus... Les 3% qui en profitent continuent d'aimer ça, mais les plus lucides des libéraux ont compris et désertent les urnes. La gauche est orpheline d'un projet et donc de candidats. Tous ces désespérés, tous ces déçus, restent chez eux. Ceux qui trouvent la force de se bouger le font par exaspération latente, une attitude peu compatible avec les principes d'une démocratie véritable qui exige un peu de sérénité. Puisse l'élection de Trump inciter la classe politique française à procéder à un aggiornamento des pratiques plutôt que des lignes et des postures...