22/04/2010
Mammuth écrase les pix !
Un film non en 3D, bourré d'effets normaux car les spéciaux coûtaient trop cher. Un film à la pellicule dont on entend les grains. Un film, surtout, où la joie des acteurs d'être là explose l'écran. Yolande Moreau, c'est habituel, toute la bande de Groland et Bouli Lanners, passe aussi; mais Depardieu, Adjani ou Poelvoorde qui jubilent littéralement d'être là à se faire des blagues, c'était moins attendu mais ô combien bon !
Personnellement, Depardieu, j'ai dit basta depuis 1492 et Green Card donc Sadatte comme on dit en Egypte, mais là il est grand. A côté de moi, deux petites vieilles trouvaient des longueurs et je leur trouvais de la mauvaise foi.
En bref, un film qui donne envie de retourner plus souvent au cinéma si les nuages nous laissent ne pas regretter de déserter le soleil et ça tombe bien, car, pour l'heure, on joue encore 8 fois debout.
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20/04/2010
Onfray bascule définitivement du côté obscur
J'allais parler de l'affaire Furcy de Mohammed Aissaoui (Gallimard), passionnante histoire d'un esclave qui s'est battu pendant 30 ans pour s'émanciper; l'offrez pas à Ganelon Besson, il ferait des cauchemars.
Et puis j'ai lu une chronique de Michel Onfray en dernière du Monde, intitulé "littératures de vespasiennes" et j'ai profondément soupiré. Définitivement, Michel, le beau Michel a basculé. Desproges définissait les amis en disant qu'ils se distinguent surtout par leur capacité à vous décevoir car on en attend tout. Je rangerais donc Mitch parmi les écrivains amis depuis plus de dix ans que je lis avec avidité et plaisir ces divagations oniriques de diariste. Le désir d'être un volcan est sans conteste le meilleur tome de son journal, mais aujourd'hui, je doute qu'il continue à bien se vendre sauf au comité d'entreprise d'Air France... Sa contre-histoire de la philosophie, son Université Populaire, ses essais sur les goûts des philosophes, son apologie du vin, tout m'allait.
Et puis il a écrit ce livre très con, Traité d'athéologie, en 2005. L'opus minima m'était tombé des mains de désolation... C'est que l'athéologie n'est pas un sujet à prendre à la légère. Etant un anticlérical secondaire, vomissant les trois monothéismes de tous mes pores, j'attendais sur ce sujet grave de la rigueur et une attaque tranchante au Katana. Hélas ! Michel avait trop écouté ce que des intriguantes lui susurraient à l'oreille: Michel, la figure officielle des reclus... Exit la joie du polémiste, place aux arguments à la hache bourrés d'approximations historiques, mais place, place, Michel était atteint d'Hubris, le même orgueil dévorant qu'il reproche aux libéraux; Michel pris à son propre piège... Il se voyait comme LA seule alternative aux penseurs libéraux, aux bien pensants de tout crin. Depuis 5 ans, quelques philippiques plaisantes mais faciles contre BHL, un débat éclairant avec Sarko où il parvient à faire dire à Nabot Léon qu'il y a un gène de l'homosexualité et un gène du suicide, mais fors cela, conneries, conneries, conneries...
Michel veut qu'on glorifie son courage, il faut qu'il occupe toute la place dévolue aux penseurs alternatifs, alors, même quand on ne lui demande rien, il allume des incendies. Si on ne l'entend pas sur l'éducation ou la politique il se dit que pour bousculer l'establishment, il faut frapper fort et il sort un pavé de 600 pages, selon son propre aveu expédié en quelques mois, où il assassine Freud. Enfin, où il égratigne Freud, mais manifestement il ébranle une statue de bronze avec un opinel et risque bien de s'écorcher les mains. Les réponses de Roudinesco m'ont convaincu de ne pas acheter le livre. Soupir.
Et donc, cette chronique "littératures de vespasiennes" je craignais le pire et ne fut pas déçu. Cette abjection graphomaniaque, d'après Mitch ce sont... les commentaires sur Internet. Vi vi vi. Il a lu un article sur Internet qui parlait du Quai de Ouistreham. Il dit que le livre est excellent, mais les commentaires crétins. Jusque là rien de choquant, mais il voit là la montée d'un péril populiste, l'expression de nouveaux poujadismes j'en passe et des pires...
Qu'un type qui a relancé ce concept merveilleux d'Université Populaire pense ça des anonymes, c'est navrant. On dirait du Finkielkraut. Il suspecte le peuple anonyme pour quelques malheureux commentaires alors que les forums sont généralement de vivifiantes agoras virtuelles. Je suppose que c'est parce que ce ne sont pas ses anonymes, ses pauvres, ses élèves et ses groupies. C'est triste une idole déchue qui cherche à choquer le bourgeois pour exister.
Demain, nous relirons les vieux volumes du journal de Mitch pour ne pas virer rance et nous nous rappellerons, 8 ans après le 21 avril 2002 qu'il reste des relents pestilentiels dans les débats.
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19/04/2010
Le quai de ouistreham
J'avais un peu hésité, avant de lire le quai de ouistreham de Florence Aubenas. J'ai une profonde admiration pour cette journaliste absolument pas ramenarde, qui n'est pas devenue mystique après avoir été otage et qui continue toujours d'être du côté de ceux qui morflent.
Seulement, dans l'affaire Outreau qu'elle avait suivi pour Libé et le Nouvel Obs, son gimmick qui était de dire "bah oui on se plantait, on joue un jeu, on est journalistes, quoi", m'avait consterné. Vous imaginez l'autre dire "bah oui, je joue un jeu, je suis magistrat". Donc, Florence Aubenas pouvait être faillible, et ça m'aurait ennuyé que sur le sujet, elle failli. Je pris le risque de le lire quand même et je fis très bien; c'est une claque.
Le pitch, donc, c'est Florence Aubenas qui part dans une ville moyenne (Caen) où elle se grime et s'anonymise, s'invente une vie de femme seule avec un seul bac L pour tout bagage et vingt années sans bosser. Elle ne veut pas aller bosser chez des gens mais prendrait n'importe quoi. Elle dit qu'elle arrêtera dès qu'elle obtiendra un CDI, ne voulant pas bloquer un vrai emploi. L'expérience lui a pris six mois alors qu'elle prenait n'importe quoi... Peut être parce que tout le monde prendrait "n'importe quoi".
Six mois à récurer des chiottes de camping, de ferry et autres c'est long. Le livre rappelle des choses sues, mais douloureuses à relire sur les multiples peines qu'entraîne la pauvreté. La pauvreté ne se limite évidemment pas au pouvoir d'achat: n'importe quel étudiant en première année de sociologie ayant lu un chapitre de Bourdieu comprend que de nombreuses choses vont avec la classe dominante. Elle a plus d'argent, plus de famille et d'amis pour l'aider, un emploi dans un champ qui lui plaît plus, si elle veut. Plus près de chez elle, si elle veut. Ca sert à ça d'être dominant: avoir le choix. A contrario, et donc assez tragiquement être dominé c'est ne pas avoir le choix. Cumuler des CDD de 3h avec des heures de transport interminables, pas d'avantages, de sécurité, tout juste vous fait-on miroiter des repas gratuits.
Aubenas n'enjolive pas la pauvreté, ne la noircit pas non plus. Elle n'aime pas spécialement vivre dans une chambre où il faut replier le canapé lit pour se servir de l'évier et déplacer un meuble pour ouvrir la fenêtre. Elle ne prétend pas avoir des tas de choses à dire à ses compagnons de galère mais elle fait la route avec eux, partage leur repas de nouilles et de rillettes. A propos des plaisirs de bouche, elle cite une amie qui appelle SOS médecins pour avoir des calmants, mais refuse d'aller voir un dentiste. Trop cher. Elle attend que toutes ses ratiches pourrissent pour se les faire enlever sous anesthésie et avoir un appareil remboursé par la sécu. Aubenas tombe des nues avant d'apprendre que de très nombreux pauvres font ça. Un copain d'assoc et un médecin me confirment que c'est une réalité depuis quelques années.
Santé, logement et surtout emploi. Les scènes de formation à l'ANPE sont désespérantes d'éloignements des attentes. Heureusement, les conseillers ont l'air compatissants et même plus, à rebours des clichés circulant sur eux. Ils sont juste un peu dépassés par une situation qui pousse parfois aux drames, les 20 pages sur "les filles de Moulinex" mettent une gifle et c'est déjà la fin.
Aubenas retourne écrire le livre dans sa chambre de Mimi Pinson. Sans doute est-ce pour cela qu'il sonne si juste.
Demain, la semaine reprend ses droits de bassesse, fini les droits d'hauteurs du week-end.
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