05/06/2010
Ne pas se carrer du care
Dans le Monde magazine, Martine Aubry explique sa vision du care. Modeste, elle reconnaît qu'il y a au moins 6 courants de pensée, l'un empruntant à Levinas et d'autres. Elle ne voit donc pas en quoi elle trahit les féministes américaines qui l'accuse de détournement intellectuel.
Le care, donc, signifie le soin mutuel; vaste programme... Manuel Valls argue que les gens ne sont pas malades, Ségolène et autres saluent un modèle empreint de "valeurs" qui soutient l'intérêt général et redonne la parole à la base. Plus intéressant, le reportage qui suit, à Lille, où l'on voit le care en actions. Que se passe t'il ? Quelques exemples de tutorat pour des jeunes en difficulté, des rencontres autour de l'art, des initiatives patronales en partenariat avec de jeunes boxeurs... Toutes choses connues de ceux qui s'intéressent aux partenariats noués dans le cadre du mécénat d'entreprise. Et pour cause, l'entreprise mécène (en matière de solidarité, plus que de culture) se place dans le paradigme de la réparation, elle agit pour réparer une faute originelle: celle du capitalisme.
Aussi, je trouve particulièrement intéressant l'émergence du care actuellement. Cela traduit le renoncement à l'idéologie, la fin de la croyance dans le grand soir et la capacité du politique à changer le monde et l'acceptation, voir la résignation, au besoin de petits matins. La crise, contrairement à ce que prétendent les chroniqueurs mondains qui vantent l'énergie de Sarkozy et de Merkel, a prouvé l'infinie faiblesse du politique qui s'est couché devant les marchés: les bonus repartent comme jamais et personne ne s'intéresse aux millions de personnes laissées sur le carreau. Peut être une crise plus grave changera t'elle la donne, mais pour l'heure, nous n'avons pas bougé d'un pouce dans notre idolâtrie sénile du libéralisme. Je devrais dire sénile et honteuse ce qui explique en quoi le care peut prendre dans l'opinion. Honteuse car nous nous accommodons mal de ce libéralisme, mais pas au point de vouloir de l'abondance frugale pour parler comme de Foucauld, voir une décroissance heureuse pour parler comme Gorz. Nous préférons des petits renoncements.
Dans "dégagements" Régis Debray s'interroge avec virtuosité sur les différences générationnelles. Il se souvient notamment des années où un communiste ne parlait pas à un patron par principe. Aujourd'hui, cela nous paraît éculé et nous tapons dans le dos de gens qui ne pensent pas comme nous. Heureusement ? Oui, sans doute. Mais cela revient aussi à reconnaître l'impuissance du politique. J'ai vu des élus très à gauche aller chercher des subsides privés sans états d'âmes et je les comprends car les fonds sont là et produisent des effets concrets quand eux ont, sur leurs territoires, des besoins urgents. Donc tout le monde est content et le care c'est cela. Un moindre mal. Personnellement, entre le care et la hache qu'on nous propose aujourd'hui, je n'hésite pas une seconde.
Toutefois, je me demande simplement plutôt que ce nouveau sacro-saint "intérêt général", quel politique courageux relancera cette belle idée; le service public. Hier soir, un énarque brillant et très à gauche puisqu'il avait quand même posé dix jours de congés et d'économies pour aller au championnat du monde de poker (in DSK we trust...), m'expliquait doctement pourquoi il fallait fermer les maternités rurales car c'était la vraie gauche responsable. Sans doute, si j'avais fait l'ENA, j'aurais compris, je dois être d'une gauche hermétique à ces subtilités, mais quand j'entends ça je me dis que le care est vraiment une bonne pioche comparé aux autres visions en lice dans la primaire...
Demain, anniversaire du débarquement, nous chercherons une plage pour aller chanter les vacances au bord de la mer de Jonasz....
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02/06/2010
Anti-manuel de management...
"Orange : le déchirement " c'est pas moi qui le dit, ce sont Bruno Diehl et Gérard Doublet. En plus, ils l'écrivent chez Gallimard ce qui me laisse perplexe sur le devenir de la maison de Gaston à l'aube de son centenaire, mais ceci est un autre débat.
Entre Roland-Garros et la coupe du monde, je sais que votre temps de lecture est compté, mais pas de souci: l'opus minima fait 107 pages écrites dans une police pour hypermétrope et dans une langue plus pâteuse qu'après une cuite au Ricard.
Pourquoi faut-il diantre alors allez prendre ce livre à la bibliothèque (pas la peine de filer des droits d'auteur...) ? Mais parce que plutôt que de vous énerver contre les gauchistes qui prétendent qu'on ne peut pas réguler le capitalisme mais qu'il faut le transformer; vous vous direz qu'ils ont pas tort, les barricadistes.
De quoi parle t'on ? D'une succession d'enculés se refilant la faute et à la fin qui l'a dans le cul, nous, ceux qui ont un cul, disait Coluche. Vous remplacez les enculés par Michel Bon, Thierry Breton et Didier Lombard et je ne parle pas de leurs moeurs. En gros, à une époque, France Télécom a tutoyé les étoiles et voyageait en Concorde. Quand les investisseurs ont vu l'ampleur de la dette, ils ont coupé des têtes... Tous les managers qui se sont succédés n'ont eu qu'une hâte, prendre les décisions en cercles de plus en plus restreints, les 500 de la dream team de Thierry Breton au comité innovant de Lombard. Ces isolationnistes n'ont eu de cesse de pousser un maximum de salariés au départ avec le programme TTM: time to move. All a programm, not ?
Dès que les difficultés s'accentuaient, le climat se délitant, la direction improvisait artificiellement du "vivre-ensemble" via le service de communication ou prévention du stress. Enorme surprise: ça marchait pas. La vie est vraiment injuste, parfois. Pendant ce temps, depuis les années 1990, un authentique génie, Jean-Baptiste de Foucauld, leur avait crée un Institut des métiers, qui permettait aux salariés de s'exprimer, de s'aérer, d'être valorisé. Resté dans un placard... Voyons si le sémillant Stéphane Richard le ressortira, on peut toujours rêver.
A l'arrivée, le livre nous convainc de deux choses: 1/ la rentabilité à court terme est nécessairement vomitive et destructrice. 2/ tous les connards de consultants et de journalistes qui continuent à faire le lien entre climat social et suicide sont des sacs à merde et des usurpateurs. On trouve sous la plume des deux jocrisses auteurs du bouquin sur Orange "chez PSA ou Renault, la tension était là, mais, après quelques suicides, la direction a su réagir" (page 16 !!!!)... N'importe quel imbécile ayant suivi 8 heures de socio suffisamment intéressantes pour vouloir lire posément "le suicide" de Durkheim sait que ce geste désespéré est infiniment plus complexe. Je ne nie pas qu'il puisse être lié au travail, loin s'en faut. Mais tenir cet acte extrême comme un indicateur dépasse les bornes de la décence. Quand bien même les suicidés laissent des lettres sur le lieu de travail, cela n'explique pas tout, n'importe quel joueur débutant de Cluedo connaît l'existence des leurres.
Demain, bah, puisque c'est un génie et qu'il vient de publier "L'abondance frugale" de Jean-Baptiste de Foucauld (Odile Jacob).
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01/06/2010
Les valeurs du sport...
Notre nouveau monsieur Homais, Luc Chatel, propose donc que nos jeunes amis arrêtent les cours le midi pour aller faire du sport l'après-midi. Voilà voilà voilà. D'après Chatel, les valeurs du sport sont exemplaires, notamment en faveur de la discipline, l'esprit collectif, le partage et le respect des règles. Ha ha ha ha.
Joy Sorman, auto-proclamée grande connaisseur de la jeunesse car elle a écrit un livre dessus avec Bégeaudeau (pov mômes...) dit que c'est une bonne idée si on est prêts à prendre le sport plaisir, le corps, plutôt que de rester 8h par jour sur une chaise. Tous les sportifs trouvent évidemment l'idée emballante. N'en jetez plus !
Personnellement, le sport, c'est mon dada, pour parler comme Omar Sharif. Mais je n'oublie jamais qu'il est d'essence fasciste et pour parler comme Jean-Didier Vincent, entre Athènes et Sparte, je choisis pas Sparte. L'idée d'une nation portée par des corps huilés, à la brésilienne, me laisse perplexe. Surtout, pour rester dans l'exemple brésilien ou américain, le sport est d'essence libérale, voir très libérale et vue la panade actuelle, je trouverais pas plus mal qu'on aille dans une direction moins inégalitaire. J'en vois ricaner et me dire que les régimes de l'Est encensaient le sport, mais m'est avis que ces régimes étaient aussi véritablement communistes que je suis curé.
Laissons donc de côté la guerre froide et revenons aux propos de Chatel histoire de rire. La discipline: en sport ? A l'heure ou on cartouche les arbitres quand on ne leur casse pas la gueule. Quand les joueurs branchent leur Ipod à fond pour ne pas écouter l'entraîneur ? Suivante... L'esprit collectif: il y a vingt ans, les mecs restaient dans un club toute leur carrière, par amour du maillot et des copains. Aujourd'hui, dès qu'un club aligne trois ronds, c'est TPMG (tout pour ma gueule) et le collectif n'est qu'une contrainte à intégrer pour mieux briller soi même. Le partage ? Non, mais non... C'est encore plus inégalitaire que dans le salariat classique: 200 connards gagnent toutes la caillasse et quelques milliers de damnés de la terre, se brisent les genoux, les cuisses et les tendons pour arriver à 35 ans exsangues et avec un demi CODEVI d'économies... Le respect des règles ? Ha ha ha ha.... Les cas de dopage qui se démultiplient, la main de Maradona, celle d'Henry, les mecs qui se font passer pour des nanas pour mieux passer, les simulations au foot... N'en jetez plus.
En même temps, fallait il imaginer autre chose du gouvernement actuel ? Sans doute pas, mais ce que je regrette le plus dans ces cas là, c'est le silence des sportifs et leur incapacité à monter au créneau pour dire qu'effectivement, malheureusement, ils n'ont plus aucune valeur à transmettre aujourd'hui. Au contraire, les marionnettes dociles viennent nous servir de la citoyenneté jusqu'au vomi de la bienpensance; des imbéciles avérés façon Ribéry aux imbéciles cachées derrière des lunettes mais d'une connerie crasse, façon Thuram, l'homme qui enfile tant de perles qu'il peut ouvrir une bijouterie.
En attendant, on a gagné 2016, donc, bon, vive le sport sur Antenne 2 ou il y a plus de pub.
Demain, mercredi, les gamins n'auront pas école et pourront donc aller faire du sport...
06:48 | Lien permanent | Commentaires (4)