Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/01/2013

Corps / Travail / Guerre : le fantasme du 0%

zero-percent-loan.jpgEn écoutant ce matin les dirigeants de l'armée française et leurs langues de bois n'ayant rien à envier à nos politiques, je soupirais profondément devant le retour éternel des "dégâts collatéraux". Merveille des éléments de langage, on ne parle jamais de "morts" en guerre. Ce doit être l'équivalent de "rigueur" pour un dirigeant progressiste, ou "livre" pour un chroniqueur de Canal+, une sorte de tabou absolu.

Les personnes décédées par impacts de balles projetées par des militaires sont donc uniquement des erreurs de stratégie militaire. Comme pour nos amis américains, qui ont commis quelques milliers d'erreurs stratégiques en Irak ou en Afghanistan, nous nous lançons joyeusement dans une nouvelle grande campagne d'information sur notre guerre "propre" au Mali. On voit bien l'image d'Ajax (le produit ménager pas le héros mythologique) partant nettoyer les contrées africaines en évitant soigneusement les surfaces sensibles pour ne se concentrer que sur les mauvaises tâches de graisse. Quiquonque à une seule fois essayé de passer sa cuisine et sa salle de bains au peigne fin avec ce seul outil voit bien à quel point l'exercice est périlleux.

Pour le dire plus simplement (je connais au moins 2 lecteurs de ce blog qui ne savent pas où se trouvent leurs propres produits d'entretien ménager. Et pas qu'ils bénéficient de commodité ancillaires...), ce concept relève du fantasme le plus absolu ou de la connerie la plus parfaite. Mais l'air du temps déborde de fantasmes à l'avenant. Depuis 30 ans et le début de la dérégulation libérale, la machine à fables est en route sur ces questions. Dans l'entreprise, on a même érigé ce théorème imbécile en dogme : le quintuple zéro. On appelle ça le toyotisme en hommage aux bagnoles japonaises : zéro stock, zéro défaut, zéro papier, zéro panne, zéro délai. Evidemment, il ne s'agit que d'un objectif en sachant qu'il sera inatteignable, mais il n'empêche : théoriser le zéro, c'est nier la vie. La vie est AUSSI accident, rupture, cassure, imprévu. Les stocks sont les aléas des demandes, des goûts, des modes. Les défauts surgissent souvent et parfois, ont les trouve même artistique ou à tout le moins, esthétiques. L'absence de papier ne cesse d'être démentie chaque jour et notamment par les geeks, c'est un réflexe humain. Le coup de la panne doit tant à l'histoire du romantisme qu'on ne peut imaginer un monde sans lui. Quand aux délais, évidemment, tout le monde aimerait des musées sans file d'attente, des restos délicieux où il ne faut jamais réserver ou encore des magasins vides au premier jour des soldes. On peut opposer que cela reste une vue de l'esprit...

Appliqué au corps, cette théorie ne cesse de prendre de l'ampleur. 0% de gras, 0 défaut, 0 rides, 0 cheveux blancs et 0 cicatrices... Afficher un corps sans cesse retouché, par ordinateur ou par bistouri, s'astreindre à une discipline d'airain autour de machines d'inox pour ne pas vieillir, ne pas changer, ne pas faner. C'est curieux cette pureté originelle à tout prix, je ne dis pas que je trépigne d'impatience à l'idée d'avoir de l'arthrose ou autre complication de vieillerie, mais ce caprice devant le cours de la vie, me fait plus que jamais que la post-modernité est vraiment un sale gosse mal élevé qui mérite des baffes...

26/01/2013

74% des français contre l'Islam en France : triomphe d'un storytelling réussi.

haine pape.jpgLe dernier sondage Louis Harris sur la montée de la peur et de la déprime en France comporte de nombreux points à même de susciter un effroi considérable. Outre le personnel politique en lambeau et l'Europe en capilotade, les rejets thématiques soulignent une France qui se ferme. Peur des assistés, de la fraude, dans les transports, pour la sécurité mais surplombant de très loin ces frissons, une peur cardinale : l'Islam. Allez, donnons le chiffre car sa proportion confine au stupide : 74%. 74% des français, trois sur quatre si on ne chipote pas, considèrent que l'islam n'est pas compatible avec la République française. Et là, j'ai envie de dire... Seulement ?

Si on considère l'Islam à l'aune de cette religion pratiquée par des fous de dieu qui enturbanent leurs femmes, vouent une haine tenace aux blancs et veulent interdire à tous les autres habitants de boire de l'alcool alors il faudrait encore que la proportion monte à 90%... Moi même, si on me pose calmement la question au téléphone et que je réfléchis à ce que sais de l'Islam ces dernières années par ce qu'on m'en a dit, je rejoins les 74%. J'en déduis donc que les 26% restants sont des musulmans radicaux ou des ultra bisounours. Pourquoi rejoindrais-je la cohorte des 3 quarts d'intolérants ? Mais parce que je pense, fermement même, que Mohamed Merah n'est pas compatible avec la République. Que je lis les rubriques faits divers des journaux et vois toutes ces filles qui vivent emprisonnées sous leur voile. Je note l'arrogance des grands frères qui défient nos forces de l'ordre et je suis d'accord, pour une fois avec Nadine Morano, il faut être bien élevé ne pas mettre de casquette à l'envers et ne pas massacrer le français (c'est pour la même raison que je crains que Nadine Morano ne soit pas compatible avec la République mais passons). Je lis les unes du Point sur ces repères de terroristes dans nos caves et leurs frères qui arrivent par avion. Pour toutes ces bonnes raisons, j'aurais rejoins les 74%... 

Mais alors, j'ose espérer que le même imaginaire mental à aidé les sondés àconsidérer le catholicisme comme une religion pratiquée par ceux qui empêchent les femmes de travailler pour se concentrer sur la procréation et l'éducation des enfants; où l'on couvre les histoires de viols et d'incestes et où les femmes ont encore le droit à la portion congrue. Cette religion où l'on est prêt à défiler contre les droits des homosexuels, contre l'école publique, contre le droit à l'avortement et autres joyeusetés. Il faudrait aussi évidemment parler des juifs à l'aune des Loubavitch qui ... ... (remplacez les "... ..." par les pires régressions mentales que vous pouvez envisager) femmes considérés comme sous-espèce. Alors là, les scores des pro religieux seraient également relativement faibles, non ?

Après avoir vomi à la lecture de ce sondage dégoulinant de facilité à maquiller une réalité complexe, j'ai songé à mon déjeuner de la semaine avec notre grand démographe, Hervé le Bras. Les démographes ont toujours une vision apaisé de l'existence. Ils pensent le long terme. Il a d'abord apaisé une de mes angoisses en m'affirmant que la surpopulation mondiale n'aurait pas lieu. Les transitions sont finies partout ou presque et les populations de certains pays commencent à décroitre. A ceux qui pensent que l'envahissement du Maghreb en France est pour demain, rappelons que la fécondité en Tunisie est beaucoup plus faible qu'en France, qu'elle est en chute libre au Maroc et en déclin marqué en Algérie. Bientôt ces pays fermeront leurs frontières à ceux qui voudront partir. Parenthèse démographique refermée, mais cela fait du bien. Les projections démographiques servent à s'inscrire dans le long terme, car au delà des faits divers, il naît en France des dizaines de milliers de jeunes musulmans qui, comme les jeunes catholiques, verront rapidement leur sentiment religieux s'étioler si on leur parle. Comme me disait mon copain maire de Sevran, la mosquée était déserte il y a 15 ans. Le succès récent est lié au fait que quelqu'un, enfin, à parlé à ces gamins déboussolés. Leur a causé sens de la vie, succès, valeurs. En temps normal, c'est aux instances républicaines de le faire. On peut continuer à dauber contre les excès religieux, mais pas à ignorer nos responsabilités dans la montée en puissance de courants intolérants.

Demain, nous irons nous couvrir de ridicule tant nous serons peu nombreux, mais nous irons quand même, parce qu'on ne badine pas avec l'égalité des droits. 

23/01/2013

Plus de cran, moins d'écrans ?

3808292-de-multiples-ecrans-affichant-des-images-differentes-d-39-information-sur-noir--toutes-les-images-da.jpgLa cohérence voudrais que j'écrive cette note à la main. Elle me vient, certes, suite à la lecture d'un journal papier (Le Monde), mais l'article lui même a sans doute été écrit sur un écran d'ordinateur. Damned, nous voilà cernés.

Blague à part, l'Académie des Sciences ne passe pas pour être le chef lieu de la sédition en France. On n'y développe pas toujours des points de vue à même d'horrifier Danton. C'est vraiment le genre d'instance dont on se dit que l'avis a été pondéré 1000 fois, surtout lorsqu'il s'agit de préconiser un recours mesuré à la technique. Ce que firent lesdits membres dans un avis récent : ils encouragent explicitement à limiter le recours aux écrans pour les plus jeunes et poussent les parents à pratiquer une autorégulation salutaire.

Les grosses têtes académiciennes découpent leurs préconisations par âge : avant 2 ans, n'espérez aucun apport de la technologie, sauf pour les tablettes qui développent certains réflexes. Dès 2 ans, ne déconnez pas: pas de console personnelle. Encadrez la pratique du gamin pour vérifier qu'il ne se livre pas de trop à l'onanisme numérique, mais qu'il socialise bien dans la vraie vie. Entre 6 et 10, là où il y a de fortes chances que le numérique soit pleinement rentré dans sa vie, c'est le moment de jouer son rôle de parent vigilant en encourageant l'autorégulation. Je ne sais si nos amis académiciens ont déjà vu d'authentiques bambins de cet âge parce que le "et maintenant Kevin, je te laisse ton Ipad, mais dans une demie heure tu arrêtes pour lire madame de Sévigné puis faire ton piano" ça marche peut être dans leurs cerveaux, mais pourrait gripper en vrai... Enfin, passé 12 ans (que se passe t'il entre 10 et 12 ? Mystère, l'histoire et l'académie ne le disent pas) il s'agirait d'encadrer les usages nocturnes abusifs. A chaque nous parlons bien d'usages ludiques avec consultations de jeux en ligne. Les usages nocturnes abusifs semblent faire consensus tant nombre de profs de collèges et de lycée se plaignent des gueules chiffonnées des ados qui abusent du redbull matinal pour compenser les méfaits de l'ordinateur.

Me revient alors, écrivant ceci, mes atroces matinées de lycée où mon professeur de français m'expliquait que je n'écrirais jamais une ligne dans une langue correcte et que pour faire des dissertations aussi pourries, il fallait que j'ai une sorte de trisomie cachée. Et bien ces matins là étaient d'autant plus atroces que je crevais d'envie de roupiller parce que j'avais souvent fort peu dormi. Ayant passé la nuit sur un seul et même jeu, attention l'antiquité, Kevin Keegan Manager. En gros vous étiez manager d'une équipe de foot et vous coachiez votre équipe avec transferts et autres et vous regardiez se dérouler des matchs sans pouvoir jouer vous même. Ce simple jeu pour contemplatif au graphisme plus que rudimentaire m'a happé des nuits entières. Je n'ose imaginer ce qu'il se passe avec les nouveaux jeux autrement plus emballants. Je ne pense pas que l'esquisse d'auto-analyse soit valable dans la mesure où les technologies ont trop évolué depuis.

J'ai eu ma première console de jeu à 7 ans (une Vectrex, la classe ultime) et ai joué sans discontinué en prenant un meilleur modèle jusqu'à la veille de mes 20 ans. J'ai alors revendu ma dernière console et n'ai plus jamais joué. Comme un alcoolique qui ne retouche pas une goutte. Les rares fois où une de ces saloperies m'est passée entre les mains, j'étais comme scotché. Et c'est ce dernier point qui me fait penser que la rupture existe avec les moyens de distractions précédents : le caractère addictif. Aujourd'hui, certaines cliniques se spécialisent dans l'addiction aux jeux vidéos ou aux écrans, personne ne vous soigne du fait de trop lire...L'autre souci induit par cette consultation d'écrans abusifs est évidemment la pratique d'activités simultanées avec des séquences très rapides. Mes étudiants, même à 25 ans jouent encore à des jeux qu'ils commentent de l'autre main sur un forum ou un réseau social tout en regardant une télé. J'exagère bien sûr, mais la pratique concomitante et le découpage d'activité très courtes n'est dangereuse que dans la mesure où obtenir leur concentration sur toute une heure devient de plus en plus difficile.

Or, sur ces excès numériques, il n'y aura pas de grand basculement en arrière. Seulement des encadrements personnels. Une amie qui, de son propre aveu, est assez screen addict a reconnu récemment les bienfaits de ses soirées offline. Comme elle n'est pas à une contradiction près, elle en fit un statut facebook pour voir si tout le monde la suivait sur cette voie. Hier, je me rendis à la BNF pour écouter un hommage au poète Léon Gontran Damas. Les textes étaient d'autant plus mélodieux que leur lecture ne fut pas perturbée de sonneries de portables, et pour cause : il y a des brouilleurs. Salutaire... Si l'on remonte encore d'un cran dans l'encadrement, de plus en plus d'entreprises encouragent la pratique du shabbat button. Un shabbat numérique, une pause digitiale où l'on prend le temps de couper. Toutes les boîtes qui le pratiquent soulignent la qualité des réunions sans parasite technologique... A bon entendeur ? 

A vrai dire, je ne serai pas surpris que nous allions vers un déploiement massif de ce genre de pratiques résistantes au tout connecté. Tout excès entraîne des revirements puissants. Mais de même que le slow food reste une posture pour dandys et bobos éduqués contre l'emprise du fast food, l'usage modéré des écrans ne sera pas la norme avant un bail.

D'ici là, je vais chercher sur google les moyens les plus efficaces pour passer moins de temps sur le net... Et en attendant, comme disent avec justesse les Guignols, je peux éteindre et reprendre une activité normale.