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31/03/2014

Y a-t-il une opposition pour sauver le pays ?

ya-t-il-un-flic-pour-sauver-la-reine-affiche_y_a_t_il_un_flic_pour_sauver_la_reine__1988_1-.jpgCe matin, comme beaucoup de français, je suis amer. Mais pensant aux nombreux français qui, au même moment, sont ravis à la lecture des résultats, me vient une question : vraiment ? Croient-ils vraiment que la vague arrivée hier apportera les résultats escomptées ? Ce billet ne prend parti ni à gauche ni à droite, mais se rappelle qu'avec à nouveau 40% d'abstention et une montée du FN incontestable, une petite auto-critique de la façon dont on fait de la politique dans ce pays n'aurait rien de superfétatoire...

J'écoutais à la radio ce matin Gérard Collomb dire qu'il l'a emporté de justesse alors qu'au vu de son bilan pharaonique il aurait du triompher. Il a failli trébucher à cause du gouvernement et il déplore "que la gauche n'ait jamais réfléchi à l'entreprise, au travail, qu'elle n'ait pas travaillé sur son programme quand elle était dans l'opposition". Et je lui donne raison sur ce point. Ce qui, après 10 ans d'opposition, est quelque peu déprimant. Me reviennent alors en mémoire d'innombrables interviews où Moscovici et consorts disaient "il est temps que la gauche se mette au travail". Ce qu'elle n'a jamais fait. Elle l'a emporté par ras le bol des autres en 2012, avec une mesure symbolique prise en directe à la TV (la taxe à 75%) sans jamais avoir bossé en amont. Et les résultats de cette impréparation se fait sentir aujourd'hui, bravo la 7ème Compagnie...

Je suis prêt à parier qu'Hollande repassera en 2017, là n'est pas le sujet. Ce qui me navre, c'est le haut degré d'impréparation du camp d'en face. Hier soir j'écoutais Copé se pourlécher des résultats et donner une docte leçon de ce qu'il faudrait faire. Pardon ? Ne sont-ce pas ses idées qui dirigeaient jusqu'en 2012 ? Et qu'a t'il fait depuis ? Mener des combinaziones pour sortir Fillon du jeu, sanctuarisé les contrats de Bygmalion, se défaire de la presse et assurer son auto-promotion : qui peut penser que monsieur Copé prend un instant le temps de bosser à autre chose ? NKM a finalement été battu hier. Soulagement. Pour avoir lu son programme dans le détail, je puis affirmer sans me tromper que jamais cette dame n'a pensé à un programme pour Paris autre que "foutre Hidalgo dehors". L'UMP sort les crocs depuis hier, persuadés de l'emporter en 2017 et le bal des égos va reprendre. C'est dramatique à confesser, mais dans ces conditions, j'ai plus de respect pour un Xavier Bertrand qui prend du recul, consulte, écoute et cherche une autre voie.

Le grand impensé de la vie politique reste définitivement le rapport au temps. Savoir prendre du recul, s'effacer, vouloir revenir avec autre chose que le ras le bol, voilà ce qu'il nous manque. Un vrai renouvellement dont le pays a besoin. Ce qui est vrai pour l'opposition l'est également pour la majorité, à quoi bon remanier si c'est pour mettre Valls à Matignon et remettre dans le jeu ceux qui étaient écartés en 2012 : Royal, Delanoé, et puis quoi encore, Pascal Lamy ? La prochaine fois, au lieu du changement, votez pour le renouvellement, ce sera plus sûr...

27/03/2014

Le round de trop

couleur-du-mensonge-2003-08-g.jpgLongtemps j'ai été gérontophile au point d'en être jeunophobe. L'animal totémique de ce blog vient de là, pas pour les propriétés de son appendice caudal. Car le castor est junior et je l'étais. 

Quand je dis gérontophile, je ne parle pas d'alcôve, mais d'inspiration, de Pygmalions. Il m'avait toujours semblé évident que les anciens avaient plus de choses à m'apprendre que les autres. J'ai grandi dans un foyer où l'on m'a inculqué l'idée que l'histoire bégaye souvent et qu'il faut connaître ce qui s'est passé avant vous pour s'exprimer intelligemment. Tournes 7 fois les pages de ton histoire de France avant de parler, en clair. Un conseil qui me fut d'autant plus judicieux que mon parcours professionnel m'a emmené vers des chemins déjà fortement défrichés. Et je savais donc que je n'allais pas tout inventer moi même, d'une part et que d'autres sauraient éclairer mon chemin, d'autre part.

Quand je m'intéresse à la naissante économie collaborative, mes guides ont à peine 25 ans et c'est logique. C'est grâce à eux et surtout à mes étudiants, que j'ai fini par surmonter ma jeunophobie en envisageant désormais mes cadets avec autre chose qu'un dédain infini, mais au contraire une joie tout aussi infinie pour leurs univers mentaux parallèles. Peut être arriveront-ils à m'éloigner de mon idéal réac égalitaire dont je vois bien qu'ils ne comprennent pas vraiment ce que cela peut avoir de magnifique. Bref, je m'égare...

Quand j'ai commencé à travailler dans le secteur du handicap, plusieurs siècles de pionniers me contemplaient, bien sûr, et quelques professionnels en place depuis 4 décennies me donnèrent de précieux conseils. Ils me confièrent les codes, m'apprirent tout des chapelles, des enjeux, des lignes de forces, des raisons des blocages et des faux semblants politiques. Je dis "eux" mais je devrais dire "lui" tant j'ai fait en la matière une rencontre rare. Un peu Dieu pour Bernadette Soubirous ou Yoda pour Luke Skywalker. Il ne sait pas se servir d'un ordinateur et c'est tant mieux, je n'aimerai pas qu'il tombe sur cette note. Je sais qu'en Afrique la mort d'un ancêtre est pleurée comme la disparition d'une bibliothèque. Rarement cette image ne m'a paru aussi juste qu'avec lui : car l'analogie africaine sous-tend que les livres brûlés n'existent pas ailleurs. Et tout ce qu'il m'a apprit ne se trouve pas dans des livres, des rapports ou des notes ministérielles. Il sait pour reprendre la formule de Françoise Héritier que la loi "égratigne le réel" et que les changements sociaux s'opèrent souvent autrement. Il m'a ouvert les portes de ses établissements, présenté des psys, des moniteurs d'ateliers, laissé parler avec des usagers, des travailleurs, laissé me perdre là où d'autres ne pouvaient pas aller. Il m'a laissé me coltiner au réel. 

Si aujourd'hui j'exerce ce métier qui n'existe pas vraiment, c'est aussi grâce à lui qui n'a jamais du lire un CV de sa vie, discuter avec un conseiller d'orientation ou rencontré de coach professionnel. Il m'a soupesé du regard comme un maquignon jauge une vache et m'a dit "t'es dans l'écoute, t'as envie de donner, tu devrais animer des colloques". Depuis sept ans, je fais sienne sa prédiction et n'ai jamais eu de meilleur conseil depuis. Je lui dois tant que je ne peux évidemment manquer aucune des grands messes qu'il organise pour son association. Cette manifestation à laquelle je me rends donc depuis sept ans m'a tour à tour amusé, émerveillé, un peu déçu et puis cette année, exaspéré. Exaspéré de voir tant d'intelligence collective mal utilisée, tant de personnes (600) frustrées d'entendre les mêmes blagues, les mêmes arguments, les mêmes ficelles que l'année passée. Car mon Pygmalion ne veut pas passer la main quand à l'évidence, il devrait. Il s'accroche à des oripeaux dérisoires, se persuade d'être toujours le seul capable, comme un mauvais maire qui veut encore tenir le crachoir. Hier j'avais le coeur serré de voir la salle se vider devant les répétitions de mon mentor qui s'accrochait au pupitre. Je ne pouvais pas le couper, ne pourrais pas lui dire que ça n'allait pas. Pas par lâcheté, par incapacité d'écoute de sa part. J'ai essayé, je lui ai dit, mais à l'évidence il ne veut pas. Comme Charles Aznavour veut mourir sur scène alors qu'il n'est plus qu'une momie, certains s'arriment au pouvoir avec une énergie désespérée qu'ils prennent à tort pour un surcroît de pêche. 

J'ai eu l'immense honneur de passer deux heures avant hier avec Claude Alphandéry, 92 ans. La preuve que le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est bon, on est bon. Mais Alphandéry ne fait pas le round de trop, il n'est plus là que pour inspirer, insuffler, donner envie. Il a lâché le pouvoir qui devenait pour lui Kryptonite, je salue sa sagesse et aimerait tant qu'elle soit plus partagée. 

24/03/2014

Le FN, parti le plus démocrate de France ?

democratie11296151131.jpgLes faits sont têtus, les chiffres aussi. La différence entre les deux tient sans doute en ce que les seconds sont bien plus ductiles que les premiers. Les commentaires des résultats d'hier ont en donné une nouvelle splendide démonstration. 39% d'abstention, 4 français sur 10. Et cela a valu trois minutes de conversation sur deux heures d'échange... Cherchez l'erreur.

On aime à dire que l'abstention touche les couches populaires, entendez pas là "les pauvres sont des abrutis et ne votent pas". A Paris, où les pauvres sont bien plus rares qu'ailleurs en France, l'abstention atteint 44% cherchez à nouveau l'erreur. La fatigue démocratique est immense et personne ne veut le reconnaître. 

Ni ceux qui sont au pouvoir et ne veulent pas reconnaître qu'ils sont là par défaut. Ni l'opposition la plus probable qui ne veut pas admettre qu'elle n'a pas de projet de remplacement autre que s'asseoir à son tour sous les ors de la République. Hier, les éléments de langage des leaders des deux camps étaient lamentables de ce point de vue. Exception faite de Najat Vallaud-Belkacem qui tenait bon sa ligne, chacun tenait boutique et essayait avec une maladresse infinie de draguer les électeurs du FN. Pantalonnade.

Dès hier soir, les éditorialistes avançaient leurs arguments pour expliquer la montée du FN. Une des explications un peu spécieuse est de dire que les affaires "font le jeu du FN". C'est vrai en partie, voir Cahuzac doit donner envie de renverser la table. En même temps, Balkany, Woerth et Copé sont réélus au premier tour, preuve que les français ne sont pas complètement dégoûtés de ces affaires... On parlera de l'immigration, du chômage, de la crise. Mais s'il est vrai que les crises économiques favorisent les discours populistes et simplistes, Mélenchon devrait faire une percée. Ca n'est pas le cas. Car Mélenchon symbolise aussi ce système qui fatigue les autres. Le FN continue à s'afficher hors système et pourtant, foncièrement démocrate. 

"La démocratie c'est la République quand on a éteint les lumières", écrit Régis Debray. C'est exactement ce qui s'est passé hier. Le FN est sans doute le parti le plus démocrate de France : pas d'arrangement boutiquier, pas de front, d'accord, pas d'obstruction (bon, ils investissent des octogénaires Alzheimer en oubliant de leur demander la permission, mais sur l'ensemble des candidatures, c'est anecdotique) et surtout le jour J ils se déplacent. Peut être vomissent ils la vie politique française, mais en attendant ils ont tous pris le temps sur leur journée pour aller jouer ce jeu de la démocratie... 

Sur la République, en revanche, si l'on tient à la stricte acception de notre devise, le FN est triplement hors jeu. Contre les libertés des couples du même sexe à se marier et à adopter, contre la liberté du droit à mourir, contre la liberté de vendre son corps, contre la liberté de circulation des travailleurs... Toutefois, leur faire ce projet serait d'une injustice infinie dans la mesure où la majorité de l'UMP et même un grand nombre d'électeurs de gauche sont opposés aux libertés (à gauche, ce sera la liberté de travailler le dimanche.

Sur la fraternité, pas besoin de s'étendre. Haine de l'autre, du rom, de l'étranger, des puissances de l'étranger, de Bruxelles, de l'Islam... Arrêtons les frais.

Reste l'égalité, pierre angulaire de la République française. Avec ses propositions de lois relatives à "la préférence française", le FN ne fait pas seulement une entorse à la fraternité, mais aussi une fracture à l'égalité. Si certains sont plus égaux que d'autres non pas par la naissance, mais par la loi, alors il n'y a plus de République. 

Deux mouvements se sont lancés en 2013, "Nouvelle Donne" et "Nous citoyens". Un mouvement de gauche, un autre plutôt de droite, en tout cas libéral. Plutôt que d'en faire deux camps opposés, observons que tous les deux ont donné la primeur à des mesures visant à revitaliser la vie politique, notre chère démocratie. Cela mérite sans doute lecture.