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03/03/2010

Le touriste roots, triste exception culturelle française...

Bien sûr, il faudrait parler des régionales et de la tempête. Surtout des régionales, je le vois bien, c'est un sujet qui passionne la France entière avec une intensité que l'on ne retrouve plus guère que sur les dance floor de Chatellerault...

Mais en fait, ce qui me marque plus ces derniers temps, ce sont les french young travellers. Des amis à moi ont décidé de prendre une année sympathique pour faire le tour de l'Amérique du Sud. Ils vivent à l'hôtel ou chez les habitants, veulent aller d'un point A à un point B en un an de temps et se laissent beaucoup de latitude entre les deux. Ils cherchent à vivre une expérience sans forcer le trait de l'authentique puisqu'ils restent des gringos et sans être outrancièrement gabachos, ces mauvais français qui chantent la Marseillais la bière à la main en descendant les Ramblas de Barcelone. Ce n'est pas seulement car ce sont mes amis, mais je crois que des voyageurs français équilibrés, il n'y en a pas tant que ça.

Entendons nous, je parle des plus ou moins jeunes touristes. Les cars fans de Questions pour un champion m'intéressent moins; les visites fléchées ne s'analysent pas. Les moins jeunes voyageant par eux mêmes existent évidemment, mais je m'en préoccuperais quand je serai moi même jeune depuis plus longtemps.

Parmi les deux mauvaises catégories sus-citées, passons rapidement sur la seconde. Elle est très "air du temps", ils consomment du voyage et disent "fait" au lieu "d'aller", "La Croatie ? Ouais, j'ai fait. 3 jours à Dubrovnik, c'est un peu vide"... C'est la tentation du plus facile, du voyage comme un gros MC do... Bon, après tout, ça fait fonctionner le tourisme.

Les autres sont infiniment plus intéressants et à peu près uniquement français. J'ai vu quelques israéliens comme ça, mais peu. Les roots. Littéralement donc, les racines. Car ils prennent racine en voyageant, ils veulent aller au fond des choses et vivre les choses de façon authentique, c'est aussi très air du temps quelque part. Leur film culte est Into the Wild de Sean Penn... Un mec qui plante études et rêve bourgeois pour aller vivre dans la nature. Leur livre culte est souvent "Flash", récit d'un toxicomane qui part en voyage initiatique à Katmandou. Pour la musique, tout ce qui va de Bob Marley à Peter Tosh, du reggae du reggae et encore du reggae...

Le joint est leur passeport commun à tous, voire le bang. Les cheveux sales et les fringues amples. Partout, ils trouvent une ville "authentique" recommandé par d'autres travellers, Essaouira au Maroc, Olinda au Brésil, Goa en Inde... Là, ils se font authentiquement entubé par d'authentiques escrocs locaux, souvent des mauvais artistes ou artisans, mais cool et fumeurs de joints qui leur refile de la camelote ou des cours pourris moyennant grosse finance. Partout, ils se renfilent et restent entre eux. Ils rentrent en France un jour, plus tard, dépité de ce pays de con et de ces boulots à la con qu'on leur propose et que franchement c'est pas cool...

Cet archétype très français est singulièrement désespérant: ils prônent l'universalisme mais détestent ce qui n'est pas comme eux. Ils restent entre eux en maudissant le sectarisme des bourgeois clonés sans se rendre compte qu'ils ont les mêmes tics, les mêmes trois références et les mêmes phobies... Ceux que j'ai croisé au Brésil trouvaient que bon, un mec qui vient pour le carnaval, qui vit chez des brésiliens mais même pas musiciens, tout ça n'est guère cool... A la question "qu'est ce que vous faites ce soir, on pourrait bouger vers Olinda", je me suis vu répondre un authentique, évidemment, "je sais pas trop là, on va peut être lancer une soupe"...

Vous allez dire que je politise tout et vous n'aurez pas tort, mais qu'est-ce que vous voulez qu'on construise une alternative au système avec des jeunes censés être plein de vie, rétif au marché et qui vous disent "on va peut être lancer une soupe"...

Demain, nous repartirons au combat d'autant que la fin est proche car nous sommes en mars, et je le dis sans aucune arrière pensée politique, mais ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver...

 

01/03/2010

Sacré Stephane Zweig....

Avant d'avoir la très mauvaise idée de se suicider, Stéphane Zweig a eu l'excellente idée de nous laisser un certain nombre de chefs d'oeuvre, dont 24 heures de la vie d'une femme qui, contrairement à ce que croît Luc Chatel, n'est pas une ode au 8 mars....

Il a aussi laissé un texte prophétique mais beaucoup moins médiatisé, "Le Brésil, pays du futur", curieuse prophétie puisqu'il s'est suicidé à Florianopolis, mais très juste intuition tout de même.

A l'heure où je reviens dans un pays où les frigos sont superflus tant on se le pèle et où je rattrape une pile de Monde pour voir ce que j'ai raté des échanges politiques, je souffre... Petites phrases, petites phrases, petites phrases... Sinon, polémique, alliance et stratégie. Je repense de plus en plus à un texte génialissime de Debray en 2007 sur "la mélasse" où il explique en somme que la France ne veut pas changer car elle ne va pas assez mal pour cela: trop mal pour exulter, mais trop bien pour risquer de tout renverser...

Au Brésil, luxe du mal développement, on parle projet de société. Et ça fait du bien ! En bientôt 8 ans, Lula a donc sorti 50 millions de personnes, un quart de la population, de la pauvreté. Il a augmenté le SMIC de 45%; donné des terres aux paysans, augmenter les bourses pour les étudiants... Il est à 84% d'opinions favorables et a refusé de céder à la pression populaire qui lui intimait de changer la constitution pour se représenter. Il souffre, mais a refusé car "c'est à ce prix que le pays s'ancrera dans la démocratie". Là-bas, les affaires de corruption sont aussi légions, mais découvertes, elles vous éjectent du cercle publique contrairement à chez nous ou on revient en force.

En fin d'année, un centriste de droite affrontera la championne de Lula, féministe et technicienne en diable. Peu charismatique semble t'il, mais avec l'onction de l'idole, elle devrait l'emporter. Pour sa campagne, elle parlera avortement, faire rendre gorge aux latifundistes en termes de redistribution par l'impôt, augmentation de la scolarité obligatoire, relance de l'école publique...

Et nous, en pleine campagne, on parle de quolibets de caniveau et autres... Entendons nous bien, je suis heureux d'être en France, je m'énerve même face à la montée en puissance d'une honte française très bobo qui vomissent Sarkozy le facho mais goûte tous les avantages de la flexibilité; mais tout de même, parler de politique en termes d'idées et pas de décrets et circulaires, ça fait du bien...

Demain nous dépasserons ce stade de saudade, pour retourner vers des thèmes plus réjouissants...