18/09/2010
A quand le Grand Roman sur l'Entreprise ?
Suite à des dithyrambes dans le Monde, je plongeais dans le roman de Nathalie Kuperman, "nous étions des êtres vivants", persuadé de lire un "grand roman sur l'entreprise". Caramba, encore raté.
Pourtant Kuperman écrit très bien, elle est d'une finesse rare. Dans "j'ai renvoyé Martha", un de ses précédents opus, elle dépeignait comme personne les tiraillements psychologiques de bourgeois confrontés aux affres du management d'une commodité ancillaire. Elle était armée pour attaquer l'entreprise.
Mais, malheureusement, comme souvent, l'outrance le dispute au cliché. Les 50 ou 60 premières pages sont remarquables. Il s'agit des palabres de salariés, inquiets de savoir s'ils seront rachetés. Tout sonne juste. Puis arrive le chef et la grosse caisse des fausses notes. Il hurle sur son adjointe quand celle ci accompagne son père, atteint d'Alzheimer, en maison de retraite; prétendant qu'il n'en a "rien à foutre". Fait des réflexions sur la cellulite de ses employés, vire sans ménagement et sans remords le plus zélé de ses collaborateurs. Le tout, alors qu'il est dépeint comme un bon beauf, mais avec un phrasé emprunt des maximes de la Rochefoucauld... Tant pis.
Du coup, je suis ouvert à vos suggestions pour lire vos grands livres sur l'entreprise. Depuis "la boîte" de François Salvaing, années 80 ou 90, je n'en vois que peu car nous ne savons pas traiter les patrons. Mordillat dans "les vivants et les morts" réussissait une époustouflante fresque sociale, mais il se plaçait du côté des insurgés. That's why, depuis Germinal, on sait faire, mais on the other side, moins.
Je me souviens par exemple d'avoir lu "Le Capital" de Stéphane Osmont (oui oui, j'ai noté le subtil clin d'oeil) un bon gros pavé qui s'avale comme de la viennoise au chocolat ou un Douglas Kennedy, mais niveau crédibilité, le patron de la première banque d'Europe qui passe sa vie en boîte de nuits ou sur des sites porno, bof.
On ne fait pas de bonne littérature avec des bons sentiments, c'est avéré, mais pas plus avec du ressentiment et je crains que ça nous gâte le plaisir. Les bons films sur la même question montre toujours des dissensions, de "ressources humaines" de Laurent Cantet, à "violences des échanges en milieu tempéré", nous dépeignons toujours l'entreprise côté obscur de la force... Et pas un Jedi à l'horizon.
Demain, les enfants s'ennuient le dimanche, mais nous non parce qu'on a chopé "le point sur Robert" en DVD et ça se mate en boucle...
09:09 | Lien permanent | Commentaires (14)
16/09/2010
Delarue, vilain petit canard qui trinque pour tous...
Oui, la photo c'est un souvenir de vacances bretonnes avec JLD... Convenez avec moi que trinquez pour tous quand on sniffe. Non, toutes les blagues ont déjà été faites, donc je vous épargnerais l'Almanach Vermot sur Delarue déraille, il ne peut plus parler face came etc... A part cela, moi qui n'ai jamais aimé le gendre idéal, je ne comprends pas l'opprobre d'aujourd'hui, l'espèce de vindicte populaire. Je ne regarde déjà pas la télé à part Taddei donc sa disparition, je m'en tartenpignole, mais je note juste une très désagréable capacité d'indignation à géométrie variable...
Premièrement, il doit présenter des excuses publiques pour un fait privé. Etonnant, non ?
Ensuite, qu'est-ce qui lui est reproché ? Bah rien. Il sniffe, il est malade, il claque 10 000 euros par mois; une paille pour lui (ha ha). Donc il ne trafique pas, il claque son fric. Est-ce que ça atteint la qualité de ses émissions ? Non, il pondait les mêmes daubes avant. Voilà, et ça nous met mal à l'aise. Et que se passe t'il ? La direction de France 2 le débarque. Quel est le rapport ? Mais la moitié des animateurs de télé ne sont-ils pas cockés ? Vous avez entendu Christophe Dechavanne ? Et pourtant, blanc seing. Et tant d'autres. Ardisson, il carbure à l'Evian peut être ? Et pourtant on leur fout la paix.
Pire, une Christine Ockrent qui prend 20 000 euros pour animer une soirée l'Oréal; rien. Et toutes les petites starlettes façon Denis Brogniart qui demande au moins 10 000 pour animer une soirée de charité, n'est-ce pas infiniment plus blâmable ?
Re-pire. PPDA, condamné dans l'affaire Botton, tous les journalistes donc on connaît les épanchements politiques, façon Elkabbach; pas plus blâmable. Tout ceci constitue pourtant des attitudes autrement plus condamnables professionnellement que de consommer de la coke.
Enfin, tous les censeurs, commentateurs, blameurs de tous crins, j'aimerais bien savoir ce qu'il y a dans leur petites boîtes à priser; tous ces winners qui bossent 90 heures par semaine sans relever la tête, ils tournent à la Vichy Célestin peut être ? Hortefeux à la rigueur pour la Vichy, mais bon...
Delarue, c'est la parfaite victime expiatoire: comme Tapie, il n'est pas du sérail. On peut le casser sans souci. Chacun y va de sa pique assassine pour mieux éviter de regarder autour de soi...
Demain, nous chercherons des voies de reconversion pour Delarue...
10:44 | Lien permanent | Commentaires (10)
14/09/2010
13 minutes de concentration, le nouveau défi...
Et bah voilà, ça devait arriver. Le raffiné jusqu'à l'ennui Jean-Noël Jeanneney nous avait alerté il y a quelques années dans "l'histoire va t'elle plus vite?Variations sur un vertige". Son sentiment, sans qu'il en soit certain, est que la vitesse communicante, plus que l'évolution humaine nous poussait vers des grands risques: ne plus être capable de prendre un vrai souffle réflexif.
Pour qui s'intéresse à l'histoire de la presse et de l'édition, c'est un marronnier de première. On sait que les 5 colonnes à la une n'existent plus que dans le Monde Diplo et autres revues confidentielles comme le Tigre. Même le Monde n'en a plus que 3, surtout retenir le lecteur avant qu'il ne s'ennuie et ne zappe vers un autre médium.
Là où Internet a véritablement chamboulé la donne, c'est en introduisant de la verticalité: dans le même médium, on peut être parasité par d'autres messages, liens hypertextes ou signaux de mails. Auxquels s'ajoutent évidemment les SMS.
Dans ces cas là, on sait qu'une brave équipe de chercheurs se chargera de faire le calcul qui intéresse tout le monde mais qu'est trop pénible à calculer: ce coup-ci merci à Sciforma (qui a pu payé un truc pareil?) qui ont établi auprès de 4150 salariés qu'ils sont interrompus en moyenne toutes les douze minutes par un signal suffisamment dérangeant pour les dérouter de leurs docs. 75% des sondés s'arrêtent dès qu'on leur signale un message...
Non mais 12 minutes... Qu'à t-on le temps de faire en 12 minutes ? Ha ha, merci de pas commenter ça. Je répondrais "mais non, au bureau !" et vous répondriez "oui oui, au bureau, sois pas petit bourgeois".... Donc, trêve de blagues licencieuses, c'est une vraie catastrophe pour la capacité de concentration et un vrai contre-argument à opposer aux thuriféraires de la lecture sur écran.
Evidemment, quand je prends un bouquin, mon ordi n'est pas branché, mais pire quand je me télécharge un rapport (inutile de les imprimer, quand même) je me mets hors connexion pour leur prêter les 20 minutes (parfois plus, parfois le sommaire suffit) nécessaire sans être perturbé. Vous ne m'enlèverez pas de l'idée que ceci induit des évolutions catastrophiques en termes de suivi de la pensée, de la phrase, du raisonnement... Note, peut être que Houellecbecq écrit avec sa messagerie allumée et pas seulement pour copier/coller des extraits de Wikipédia, ça expliquerait, un peu, cela...
Demain, nous réfléchirons à toutes les réformes qui ont été pensé récemment en 12 minutes...
07:04 | Lien permanent | Commentaires (5)