12/09/2010
L'émotion sous-titrée, est-ce que ça compte ?
Hier soir, vernissage d'une petite expo photo. Du noir et blanc bien propre. Lisse. Chiant à souhait. Des maisons de Los Angeles, c'est tout, un respect des proportions, une absence de présence humaine, le type de concept qui me laisse froid. Au sous-sol, une vidéo où au milieu coule une rivière, mais sans Brad Pitt, juste une rivière avec une usine et une maison qui fume. En sortant, je remercies chaleureusement la galeriste parce que mes parents, tout communistes qu'ils sont, m'ont enseigné la politesse...
Arrive un copain, copain de la galeriste qui me demande mon avis et devant ma déception il me demande si j'ai lu les explications. "Bah oui, en fait les photos il faut comprendre qu'il a photographié des espaces qui auraient dû accueillir des projets et pour la vidéo, c'est fabuleux, l'usine était désaffecté et un type à réussi à la relancer à partir des fichiers de comptabilité de l'usine. La fumée symbolise la renaissance du lieu". Ha ! Mais non en fait... Après coup, ça compte pas...
S'en suivit un débat animé mais poli par un excellent Corbière et de la vieille poire. Je lui expliquais doctement que si une oeuvre d'art ne me procure aucune émotion, je me fous de savoir ce qu'elle pourrait me susciter si on m'expliquait l'intention première. J'aime Doisneau, Ronis et Izis pour la très grande humanité de leurs portraits; Wee Gee ou Cartier-Bresson pour ce qu'ils saisissent de l'instant et Martin Parr car ça me fait rire. Idem pour les tableaux. A contratio, si j'ai besoin de lire que ce que j'entends correspond aux battements de coeur des rescapés d'Auschwitz pour comprendre Boltanski, je pense qu'on se fout de ma gueule; idem pour Hirst et ses discours enturbannés sur la férocité de ses requins en diamant à la con...
Et cette exigence émotionnelle, je l'applique évidemment aux livres. En écoutant, Finkielkraut interviewer Houellebecq (commencez pas, d'abord c'est excellent pour faire des abdos, ensuite c'est VRAIMENT intéressant..., d'ailleurs si vous me croyez pas http://www.franceculture.com/emission-repliques-repliques... ) j'étais frappé à quel point cela se vérifiait.
Finkielkraut est exaspérant, mais tout sauf un imbécile et il sait magnifier un escroc de premier ordre qui convoque Pérec (pauvre Pérec !) et autres Murray pour défendre son oeuvre illisible, convenu et faite pour choquer pour le droit de l'hommiste abonné à Télérama... L'émission est excellente, Finkie réinvente du style à Houellebecq en parlant de sa prospension géniale à se servir des guillemets pour souligner le caractère barbare du français contemporain... On écoute les deux bretteurs et on se dit que ce doit être génial. Comme on pense que certains types sympas font de bons bouquins ou comme les acteurs débonnaires en promo donnent envie d'aller voir leur film. Et puis, tout s'efface devant l'oeuvre... plus plate que la patrie de Brel.
Je vous propose donc d'économiser les 22 euros du dernier Michou en achetant par exemple des poches pour lire plus: "Hors Jeu" de Bertrand Guillot en "jai lu" et l'excellent "la solitude des nombres premiers" de Paolo Giordano (Folio) et puis je sais pas moi "sourires de loup" de Zadie Smith (re folio) avec les 2 euros qui restent, un Folio 2 euros (j'ai pas d'action, pas de sponsor, hasard de ce qui me passe par la tête) "Lettre à D" d'André Gorz....
Demain, nous réfléchirons à la haine de Garfield pour les lundis...
12:45 | Lien permanent | Commentaires (10)
10/09/2010
Le Monstre nous fait les yeux doux...
Précisons d'entrée, sans ambage : attention Grand Livre. Catégorie "invitation à la réflexion et à l'action".
"Le monstre doux, l'occident vire t'il à droite?" du linguiste italien Rafaele Simone (Gallimard le Débat, sortie le 16 septembre), c'est du brutal, du lourd. Pas la lourdeur du pavé qui décompose, qui recompose et prend le temps de s'interroger, juste 180 pages d'un accablant constat : aujourd'hui, la droite est in et la gauche out, dans le monde.
L'auteur ne cache pas sa sympathie pour le camp du progrès, mais comme Lucchini pense "que c'est beaucoup plus dur d'être de gauche, c'est un projet compliqué". Mais il ne s'arrête pas là et en tire une théorie de la "naturalité de la droite dans le monde" en 5 points, que la gauche contrarierait à chaque fois au prix de gros efforts:
1: Postulat de supériorité auquel la gauche rétorque, égalité.
2: Postulat de propriété, auquel la gauche oppose redistribution.
3: Postulat de liberté que la gauche restreint par l'intérêt public.
4: Postulat de non-intrustion dans les affaires privées que la gauche casse par l'intérêt général qui le justifie (tristement d'actualité)
5/ Postulat de la supériorité du privé sur le public que la gauche doit ignorer et conspuer superbement.
Tous ces efforts pour lutter contre un naturel sont mis à mal en ce moment. Il faut lutter contre l'impossible référence passée, sans cesse ramenée vers les excès policiers des régimes communistes. Il faut aussi se battre contre la médicratie qui encense le consumérisme et la satisfaction immédiate: le projet de gauche n'est pas médiatisable et la santé ou l'éducation moins rêvant que les voitures de luxe.
A la fin, l'auteur abat ces cartes, sa résignation n'est que de façade, il appelle bien sûr à une insurrection des consciences pour lutter contre un double glissement à droite: une droite de plus en plus décomplexée et populiste qui entraîne la gauche vers un modèle proprement anti-social incarné par Blair, DSK pour les grands, ou Moscovici, pour les amateurs de petits marquis...
En refermant le livre, on est un peu ennuyer, ne sachant par où commencer et quelle carte prendre (s'il le faut ?) mais on se dit qu'on va y aller. Ca ne peut pas nous mener pire qu'aujourd'hui de toute façon.
Demain, nous irons voir si Besson, Lelouche et Hortefeux se rendront à la fête de l'Huma....
16:27 | Lien permanent | Commentaires (6)
08/09/2010
Tout est-il politique ?
Un bon influenceur ne ferait jamais un titre comme ça, mais niveau influence on da web, j'ai des leçons à prendre... La politique effraie, ennuie de plus en plus de monde, donc en termes d'audimat, la catastrophe se profile. Dans l'autre main, comme disent les saxons, le politique est omniprésent: c'est le retour du politique. Disent les hebdos. D'ou la question: tout est-il politique ?
En vacances cet été en Roumanie et en Bulgarie, j'ai pu voir que la chute de l'idéologie communiste n'est remplacée par rien et que eux, la politique hein ils s'en foutent comme de leur premier charter... Aux Etats-Unis, je ne parle ni de New-York ni de la Californie, les Etats-Unis quoi, je me souviens que la politique non plus, que pouic, ça passe en spot de pub entre Taco Bell et Ralph Lauren... Pour autant, en vacances en février dernier au Brésil, là ça se tirait dans les pattes entre jeunes pour tout politiser: transports, santé, éducation, logement, cet air frais qui permet de croire qu'on va changer le monde.... Sans doute le Brésil dans vingt ans, considérablement développé, se dépolitisera, triste lot qui veut que l'accès d'une bonne partie du pays à la classe moyenne coupe les griffes politiques d'un pays.
En revanche, l'art est-il politique ? Dans les bouquins de Robert Littel (le père de l'autre) Mandelstam se sait menacé pour un vers narquois envers Staline. Je n'envies pas forcément Soljenistyne mais j'ai un peu la "saudade" de cette époque où le pouvoir avait face à lui Sartre, aujourd'hui remplacé par Yannick Noah: ce dernier a dit hier soir, "je paye mes impôts parce que je veux ouvrir ma gueule et aller à la baston". Il est sympa Noah, il paye ses impôts, il engueule ses potes qui s'exilent et il ne veut pas être ministre. Mais bon, est-ce une raison pour lui parler de son engagement ? Est-ce qu'on parle de son revers à deux mains à Régis Debray et de sa volée à Caroline Fourest ?
En ce moment, je lis "pour une nouvelle culture", recueil de texte de Nizan, période 100% rouge et montée du brunisme (pas Carla). Le livre est désespérant. Nizan écrit toujours divinement bien, a une acuité de jugement littéraire sans pareil, mais partout il traque le bourgeois comme ennemi de la littérature... Sa tendresse va donc à Gide, Aragon et autres Drieu (mais pas longtemps) alors qu'il s'énerve contre Céline et d'autres. Je ne comprends pas cet acharnement à ne juger que par les moeurs: Chardonne m'emmerde parce que c'est chiant, sa bourgeoisie je m'en carre. Proust aussi était bourgeois, et après avoir tout lu de lui, je relirai parce que bon, hein, ça m'empêchera de lire les nouveaux Houellebecq....
Mais, le commentaire sur Nizan me ramène à une époque où l'on ne pouvait connaître des contingences amicales ou licencieuses qu'avec des gens du même côté des barricades (des deux côtés, ça existe mais i faut être souple; cf fiche 46 du Kama-Sutra)... Et si j'imagine peut convoler avec une thuriféraire de Frédéric Lefevbre, je reste dubitatif pour le reste. Pire, si je devais structurer un jour castor consulting, voudrais-je d'un procrastinateur comme moi pour associé ? Non, sans doute pas, un strauss-khanien me mettrait plus sûrement à l'abris du besoin.
C'était la rubrique bloguons sous la pluie, pendant que les trottoirs sèchent pour accueillir le round 2, car hier c'était qu'une début (et voilà, la politique revient déjà).
Demain, nous nous demanderons avec Rabbi Moishe si la vie elle est une flèche...
13:59 | Lien permanent | Commentaires (10)