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21/01/2012

Ouvrière

Unknown.jpegJ'aurais aussi pu titrer "le sens du peuple, le roman" en écho au livre de Laurent Bouvet qui me semble plein de bon sens à ce que j'ai pu en lire, mais je vais d'abord le lire réellement avant d'en parler. Ca reste préférable, n'en déplaise à Pierre Bayard. 

"Ouvrière", donc, est un roman de Franck Magloire, daté de 2002. A l'époque, je votais Besancenot et tout le monde me tombait dessus en me traitant de jeune imbécile, de fossoyeur de la gauche et de responsable de l'accession de le Pen au second tour et je ne sais plus quelles carabistouilles. Tout ceux qui me disaient cela avaient généralement voté pour des candidats ayant signé toutes les décisions de Jospin avant de partir au dernier moment contre ce bilan qui était le leur (Hue, Mamère, Taubira, Chevènement). On l'a un peu oublié, pour fusiller Laguiller et Besancenot, mais Mamère et Chevènement, deux candidatures à la légitimité proche de zéro ont totalisé 3 millions de voix quand moins de 200 000 séparaient Jospin de Le Pen. On a l'amnésie confortable chez les redresseurs de torts libéraux.

Bref, nous voici dix ans après et le roman paraît en édition de poche. Espérons qu'à six euros, il trouvera nombre de lecteurs pour comprendre que le sens du peuple demeure, pour d'obscures raisons, un sens interdit au PS. A Solférino, on croit à tort que c'est une voie sans issue, on emprunte les ronds-points de la langue de bois "le politique ne peut pas tout. Parfois, il s'agit de savoir fermer des usines aujourd'hui pour recréer de l'emploi demain" et on fonce en sens inverse, sur l'autoroute de la doxa libérale sans gueux. Comme disait avec mansuétude un journaliste de France 3 interrogé dans "les nouveaux chiens de garde" sur l'incroyable violence verbale des Calvi/Pujadas et consorts à l'égard des leaders syndicaux (les Conti, en l'occurence), "pour ces éditocrates, les habitants des quartiers populaires sont comme une réserve d'indiens, ils ne savent pas qui ils sont, ne veulent pas le savoir et quand ils en parlent c'est pour leur dire de se taire". Voilà, assez parlé politique, mais le candidat du changement ne changera que le personnel des cabinets ministériels, pour le peuple et les travailleurs, circulez y a rien à voir. Retournons à la littérature, puisque c'est de cela qu'il s'agit. 

"Ouvrière", c'est un sujet dur à la rencontre d'une plume délicate. Le cocktail demeure brutal mais s'avale d'un coup. Ce mince roman ne se repose pas. Trop dur. Car la plume ne vous lâche pas, elle est lancée comme une rapière de duel à mort. Elle a ses raisons de vouloir tuer: c'est de sa mère qu'il s'agit. Frank Magloire raconte l'histoire de sa mère, trente ans de Moulinex qui se sont arrêté comme on tranche un cou de poulet, tchak. Si la haine ressurgit à gros bouillons, c'est à cause de la fin. Car au début, elle a aimé son boulot : qui lui a permis d'avoir une paye, "un habitat décent". On sent que la bombance était rare, mais elle n'en fait pas tout un plat, la mère. Elle a sa camaraderie d'usine, ses copines de vestiaires et ses petites récompenses comme lorsqu'elle atteint l'objectif de rendement deux heures avant, en fin de semaine et qu'elle rentre plus tôt faire une surprise aux mômes. Et puis les objectifs des années 80 arrivent et avec eux, les intérimaires. Pas mauvais bougres, mais poussés à être ennemis par des contremaîtres sournois qui les humilient et les chouchoutent en même temps. Ainsi les filles, les anciennes, voient cette armée de réserve et savent qu'il ne faut plus moufter. On ne parle plus au vestiaire. La peur s'engouffre dans l'usine. Un jour, une gamine court pour rattraper des plaques, défiant les consignes de sécurité. Elle ne veut pas arrêter les machines car les deux minutes de productivité perdues lui seraient imputées. Elle se casse le tibia et a de multiples brûlures. On ne l'a jamais revu à l'usine, qui n'a pas cessé de tourner. Et elle s'arrête sans signe avant-coureur. Les filles de Moulinex se battent, mais personne ne les entend. Personne ne les sauve en tout cas. Elles sont dans cette Normandie moyenne, banale, pas assez triste pour être télégénique. Ce Caen que Florence Aubenas a arpenté pour son quai de Ousitream pendant un an. Pour cette raison, c'est la France moyenne. Les filles n'ont pas des blessures moyennes, ont leur a tenu ce discours dégueulasse et intenable "tes problèmes perso tu les laisses à l'entrée de l'usine" et elles l'ont tant intériorisé qu'effectivement, elles se ravissaient de ne plus penser à elles dans l'usine. Et quand l'usine se dérobe, elles se retrouvent seules avec leur problème sans personne pour les écouter.

Parce que c'est écrit sans effet de manche, dans une langue si chaleureuse qu'elle nous parle à l'oreille et qu'on souffre pour cette femme au dos et aux mains meurtris, "Ouvrière", ce roman, est sans doute infiniment plus juste que de nombreux manuels d'économie ou de sociologie sur la France des oubliés.

Le plus beau compliment que nous ayons reçu avec Saïd Hammouche à propos de notre livre émane d'un  généreux dont je tairais le nom parce qu'il n'aimerait pas qu'on le cite, "votre livre m'a vraiment plu car il raconte la vie, aujourd'hui. Les autres essais qu'ont m'a envoyé à noël, j'ai laissé mes enfants les colorier.". Le roman de Frank Magloire, c'est assurément la France de ces dernières années et pour éviter qu'elle ne soit de plus en plus cette chronique d'un libéralisme sans visage humain, il faut le lire pour le croire et se mobiliser pour retrouver la priorité: donner du travail au peuple.

Je ne peux m'empêcher de finir sur une nouvelle remarque politique: il y a deux ans, alors que je relisais les épreuves de mon livre sur l'insertion, deux socialistes tiquaient devant une phrase de Jean-Baptiste de Foucauld que j'avais mis en exergue "le but du patronat n'a jamais été la création, même pas la préservation d'emplois. Son unique but à toujours été la maximisation des profits". Ils pouvaient tordre la bouche tant qu'ils voulaient, de Foucauld à raison et à lire les ravages que cela produit dans "Ouvrière", on se dit que les courbettes devant ces gens-là n'ont que trop duré...

18/01/2012

Les haruspices, à l'hospice !

sortez.jpgBon, avant qu'on ne me taxe de préciosité rapport un titre, un peu de Macé-Scaron (de copier-coller quoi): "Un haruspice, ou aruspice, est un pratiquant de l'haruspicine (de l'étrusque haru, entrailles, et spicio, « je regarde », transcrit par haruspex en latin, art des haruspices, dont un cas particulier est l'hépatoscopie), un devin étrusque qui examinait les entrailles d'un animal sacrifié pour en tirer des présages quant à l'avenir ou à une décision à prendre". 

Venant de le prêter, je ne puis vous les reproduire ici bas (encore du Macé Scaron), mais les dernières lignes des 5èmes chroniques du règne de Nicolas 1er par Patrick Rambaud sont savoureuses de ce point de vue. On y voit notre monarque isolé et anxieux, réduit à consulter les haruspices pour savoir ce qu'il adviendra de son royaume. Et effectivement, à voir les aventures de l'Elysée replongées dans un style d'ancien régime, on en vient aisément à trouver que notre politique a des relents de temps immémoriaux : en ces temps ou aucun chef ou baron local n'avait d'autre ambition que de continuer à règner sur son petit bastion, son pré carré. Alors, on pressait le clergé de venir instruire le peuple, le sermonner en lui disant d'aller bosser aux champs sans beugler. Quand à ce qui était de l'avenir, on consultait des devins. 

A tout prendre, je garde une certaine tendresse pour ceux qui assument jusqu'au bout leur curiosité pour ces sciences occultes comme Mitterrand qui consultait des voyantes. Peu onéreux, fièrement affiché comme du folklore, ce n'est pas bien méchant et cela n'empêchait pas Mitterrand d'avoir une vision du monde comme en témoigne ses grands travaux où autres mesures qu'il prenait en sachant qu'elles lui survivraient, lui qui se savait condamné à très court terme.

Aujourd'hui, alors même que nous traversons une très grave crise, ce qui étymologiquement signifie le passage d'un état à un autre, la vision a disparu. Jamais les sondeurs et agences de notations, ces deux nuisibles engeances, n'ont été autant starifiés, sanctuarisés, choyés. Plus personne ne veut se mouiller avec un projet de société, faire de la prospective. 3 plans de rigueur en six mois pour plaire à ces monarques au petit pied, chacun prétendant nous sauver pour les dix ans à venir. Guère sérieux. Et le tout en rémunérant plus que grassement ceux qui nous donnent des conseils équivalents à ceux des médiums qui se massent à la sortie du métro Barbès. L'analogie oiseuse du moment concernant les capitaines de paquebot, il n'est pourtant pas compliqué de comprendre que la situation économique actuelle montre la faillite absolue de la voie de navigation choisie et que voit-on ? Nos capitaines proposent d'écluser les seaux d'eau en cale quand elles se remplissent plus vite. Ri-di-cule. Il faut un changement de cap et de ce point de vue, Jean-Luc Mélenchon qu'on l'aime ou pas, qu'on le trouve sincère ou pas (à Solférino, les pleutres voudraient le décridibiliser en disant qu'il tombera pour un secrétariat d'Etat...) reconnaissons lui au moins de proposer une autre voie navigable et surtout de vouer aux gémonies ces petits voyants qui nous aguichent. 

Comme le dit très bien Patrick Viveret, l'époque se caractérise par une grave impunité de ces agences et autres observateurs qui ont triché (Goldman Sachs en Grèce) ou se sont plus que gourés (tous les AAA de Lehman Brothers 3 semaines avant la faillite) sans que jamais leur parole ne soit remise en cause. Or, tout bon juge sait que le sentiment d'impunité entraîne des conneries de plus en plus grosses. On attend quoi pour les condamner ?

Demain, nous irons chercher une bouffée d'optimisme dans "le sens du peuple" de Laurent Bouvet qui sort en librairie avec un message clair : retrouver les racines (ce livre comporterait donc des passages peu élogieux à l'encontre de la pensée de Pierre Moscovici).

16/01/2012

Chapitre 2012: attention droite méchante.

chien_mechant.jpgJ'ai toujours pensé que rien ne résistait à la lecture patiente. Rien sauf l'entreprise d'éloignement progressif du fond et des programmes: le jeu démocratique est biaisé par la très faible attention portée par le citoyen à ces questions qui lui préfère les histoires de "sale mec" de "brasserie populaire" et autre. La dernière fois que le peuple s'est emparé d'un programme, c'était en 2005 pour le projet de constitution européenne et l'élite libérale, VGE en tête s'en souvient encore.

Donc, même consigne, pas la peine de caricaturer la relève de droite, elle le fait très bien toute seule et avec la fatuité qui colle aux basques de ceux à qui on a donné trop de pouvoir trop tôt, sans examen de compétences autre que des tests de maths ou de culture générale d'après bac. Ca vaut le détour ! Voilà donc nos 7 femmes et 6 hommes, "moyenne d'âge 40 ans" qui proposent leur vision de la France de 2012. Après les 12 salopards, les 13 assassins tout sourire. 13 à table, pas un Jésus, que des Judas. Regardez bien les photos on leur donnerait le bon Dieu sans confession. Dans une République laïque, c'est pas grave. En revanche, si on leur confie les manettes, la révolution sera patente. Jugez sur pièces: http://www.chapitre2012.fr/

En les lisant, on est pris d'effroi quand on voit ce que le pays devient depuis 10 ans, on se demande quels sont les irresponsables enfoirés individualistes et promoteurs du séparatisme social qui sont au pouvoir ? Leurs potes ? Non, pas possible. Ils critiquent tout. La France souffre, tenez vous bien "de passion égalitaire" le mal est identifié et repris par plusieurs de nos têtes pensantes. C'est à cause de cette passion égalitaire que les inégalités augmentent. Balèze. Par la suite, les attaques sur le logement sont d'une violence inouïe. A croire qu'on ne sait pas qui a autorisé les ventes à la découpe, refusé de réguler les ventes, pénaliser les propriétaires d'immeubles vides, refuser de taxer les marchands de sommeil et finalement relevé l'impôt sur la fortune pour un patrimoine foncier de 800 000 à 1,3 millions d'euros. Ouais, ceux qui ont fait ça n'ont pas du écouter leur ouailles qui sont là et les alertent sur les dangers du séparatisme social lié au logement... C'est pas sérieux les gars. Et tout est à l'avenant. Si aujourd'hui vous avez une réunion interminable où vous pouvez vous connecter en même temps, lisez tranquillement, c'est du nectar de manichéisme : l'idéologie de la gauche est sectaire nous condamne, nous incarnons le mouvement. En ces temps où l'on nous répète sans cesse que nous sommes au bord du précipice, le mouvement c'est bien mais tout dépend dans quel sens...

Sur la forme, les mauvaises langues diront que c'est de la comm'. Ils ont tort. La comm' est plus subtile que ça ! Non, mais des pages avec la moitié des caractères en gras, des phrases en exergue et autres pièges de maquette si grossiers que seul un maquettiste nostalgique de l'ORTF a pu commettre cela (avec quelques connaissances ouebesques quand même, rendons hommage, c'est très beau). On voudrait faire un livre tout numérique, mais un livre c'est pénible, on se demande si le lecteur va bien lire ce qu'on veut qu'il lise donc on lui flèche la lecture comme dans un vulgaire tract...

Et puis les formules sont surannées, honteusement dégoulinantes de toc. Je n'invente rien, Alexandra Siarri propose rien moins, attention exergue, caractère 28 au milieu de la page "nous devons remettre l'humain au coeur du système". Mais oui !!!! Outre le creux de la phrase qui évoque les plus fortes convictions d'un Barbelivien, on peut en déduire que l'humain a été exclu du système Français. Qu'on mène au peloton d'exécution les inhumains qui ont laissé faire ça depuis dix ans par exemple ! C'est pas sérieux...

Sur la forme, on trouve aussi leur biographie et un petit questionnaire de Prost qui est au dictionnaire de Proust ce que l'oeuvre de Julio Iglesias est à la relecture critique de Nietzsche. On trouve de très belles perles, bien ourlées. Olivier Carré, pourquoi vous êtes-vous lancé en politique ? "Pour sortir du yaka fokon". Mignon tout plein. Certains ne veulent pas apparaître comme les bourins de service. Notons l'effort de Valérie Rosso-Debord que tout le monde présente comme la nouvelle Morano et qui veut se montrer plus habile que son aînée. En préambule de son texte, elle écrit ceci "point de lendemain: le titre de la fameuse nouvelle libertine de Vivant Denon, qui faisait les délices de la génération Sollers". Et l'élue de Meurthe et Moselle de conclure que donc, point de lendemain, c'est dépassé, no future ! Rock n' roll ! Bon. Sérieusement, vous l'avez entendue sur Canal+, Rosso-Debord ? Génération Sollers ? Et surtout la "fameuse libertine de Vivant Denon" ? Elle déclame du Johnny ou du Laurent Gerra, mais pour les besoins de la cause présidentielle on lui dit d'écrire qu'il faut relire Thucydide. Pas sérieux....

Le seul à dire un truc à peu près cohérent, c'est Frank Riester sur les besoins de laisser développer le web, puisque c'est assurément un des plus gros gisements d'emplois en France. Après, des mauvaises langues lui répondront que les efforts du gouvernement en la matière depuis 5 ans se sont concentrés sur l'érection d'une nouvelle ligne Maginot (HADOPI) et un très onéreux pince fesses mondain (l'E-G8) et là c'est l'action passée qu'est pas sérieuse...

En bref, chapitre2012 c'est un triple PS, comme 3 fois "pas sérieux". Oui, je sais les initiales sont facétieuses. Mais mon ami http://secondflore.hautetfort.com s'est engagé à relever le défi de la comparaison des écrits puisque lui même reçoit les lettrines de Solférino et il paraît que pour la révolution, nous vous prions de bien vouloir patienter quelques instants pour régulation du trafic mondial... C'est pas sérieux, donc, mais ça peut suffire car le miracle de cette droite est d'être décomplexée au delà de l'imaginable et de savoir enfoncer un PS capable de guerres internes et de cafouillages plus grands que les bastons chez Ordralfabetix. Etant lundi, on va se pourrir la semaine avec ce genre de pensées, prenons le en rigolant en se souvenant qu'en juin 2011, François Morel voyait tout cela arriver avec son mordant habituel. Tout désespoir n'est pas perdu, pour un avenir pire, perdons ! http://www.auboisementcorrect.com/7870-Rejouis-toi-camara...