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11/03/2012

A mort les arbitres de la campagne

Thierry-Roland-Jean-Michel-Larque-bientot-la-reformation-du-duo-de-commentateurs_image_article_paysage_new.jpgPlus le tintamarre grossit, plus tout cela devient inaudible. Surtout, l'opposition des candidats devient de plus en plus frontale à mesure que l'on s'approche. Fini le round d'observation, le but est de se mettre minable en se rentrant dedans la tête la première. Le meilleur exemple était l'opposition jeudi entre Manuel Valls et François Bayrou : séparés intellectuellement par un rogaton de papier à cigarettes, ils se sont écharpés comme jamais pour faire plaisir aux marioles de France 2. Bonjour tristesse.

La métaphore la plus évidente et la plus éculée sur le commentaire politique veut que celui ci emprunte tout son champ lexical au commentaire sportif. Bien sûr, les favoris, les outsiders, la belle remontée, le dopage et les coups bas, tout cela est vrai. Par ailleurs, les problématiques d'audience convergent: dans les deux cas, les impératifs d'audience poussent les commentateurs à entretenir un suspense fictif. Imaginez à une semaine de la fin du Tour du France que l'on dise "c'est plié, Cadel Evans ramène le jaune à Paris" et idem en foot, en rugby ou autre. Les spectateurs aiment cette dramatisation. Bien sûr, au final, on constate que la professionnalisation du sport s'est accompagnée d'un triomphe du mainstream libéral, les équipes aux plus gros budgets trustent les victoires. On entretient le mythe du "petit poucet" de la compétition qui fait un très beau parcours, mais ils échouent toujours avant de soulever la coupe. Ce sont les idiots utiles qui donnent corps à cette mythologique glorieuse incertitude du sport.

En politique, il en va de même. On joue à se faire peur et au final, UMP / PS. Sauf que, sauf que sauf que, en 2002. Bug, syntax error. Les politiques n'ont pas aimé et l'ont fait savoir aux commentateurs et sondeurs: vous l'avez pas vu venir, maintenant rachetez-vous pour que cela n'arrive plus. Et il est troublant d'écouter la campagne de cette année à cette aune. Les principaux responsables du vote utile sont bien évidemment les commentateurs. En demandant systématiquement à Mélenchon et Bayrou, à Joly et Marine le Pen ce qu'ils feront au soir du premier tour, avec qui ils gouverneront, quels militants de chez eux pourraient être ministres ou autre, ils biaisent éhontément le débat. C'est là la différence et elle est nauséabonde.

Thierry Roland peut dire jusqu'à après-demain que 4-0 à 10 minutes de la fin, ce n'est pas fini pour maintenir les spectateurs devant la télé, ça le regarde. Il ne rentre pas sur le terrain. Là, dès que le front de gauche ou le Modem (et aussi le FN mais dans une autre mesure) ont la balle, les commentateurs soufflent, tapent dessus ou la dégage en touche, empêchant la partie de se dérouler équitablement afin que la finale prévue ait bien lieu. Pas étonnant que l'audimat baisse...

A 78 ans, Mocky voudra t'il tourner la suite "d'a mort l'arbitre" ? Je verrais bien Eddy Mitchell rempiler dans le rôle d'un sondeur...

07/03/2012

Rétrécissement du domaine de la lutte

droopy.gifIls ne se rendent pas compte. Si les audiences pour les programmes politiques sont en berne et qu'une grosse majorité de français s'estiment lassés par la campagne, c'est que jamais la politique n'y a pris aussi peu de place. En cela, on voit les limites de ce qu'on qualifie souvent sans jamais trop la définir de "pensée unique". Cette pensée magique, mainstream, cette impasse libérale très bien démontée d'Orwell à Michéa ou Lasch, qui rend compatible des progressistes et des libéraux, socialistes et droite plus ou moins classique.

Sauf que. Oui, sauf qu'à ne plus parler que des micros-points hors de ce carré magique, on ne fait plus de politique. De quoi a t'on parlé depuis ce début de campagne : de viande hallal... Non, mais comment peut-on songer que l'on parle sérieusement en une d'un sujet aussi dérisoire ? Ajoutez à cela le "je l'emmerde" d'Eva Joly, les piques et banderilles que le PS et l'UMP s'échangent joyeusement sur les réactions à l'enfarinage de l'un et l'embayonnage de l'autre. Nappez la tarte indigeste de questions à Bayrou sur "avec qui gouvernerez vous si vous êtes élu ?" (je ne suis pas MODEM mais il y a des limites à l'indécence journalistique) et vous voyez bien que les "commentateurs" politiques méritent bien leur nom. Ils commentent un match, au lieu de parler du jeu, on va interroger les pronostics, savoir si un tel à bien dormi ou s'est fait massé... Pathétique.

Donc, cette campagne lasse et la résignation progresse comme rarement. Enquête après étude, les français restent les champions de la déprime. Hollande va très vraisemblablement gagner et tant mieux pour lui. Cela dit, ça ne changera rien au fond, il ne propose aucun réenchantement. Gare à lui s'il le tentait, les foudres lui tomberaient dessus "pas possible", "on ne peut pas", "pas réaliste". Regardez le commentaire, il se focalise sur le "réalisme" et "la vérité" des propositions mais dans un cadre si petit, si étriqué, si désespérant que tout le monde s'en fout.

Hollande, tout socialiste qu'il soit, croît à la trinité AAA, CAC 40, PIB. Il croit qu'il faut maîtriser les flux migratoires, surveiller les dépenses de santé, indexer le taux de l'assurance vie sur les montants compensatoires de la stagnation et de la déflation de l'évolution de l'indexation de la dette... Elle est ou la politique ? La vision de société ? Ou, dans son projet, parle t'il de santé, d'éducation ? D'emploi digne pour tous ? Non, il parle de rationalisation de pôle de santé, d'adapter les ZEP à une régulation de flux et de donner quelques emplois d'avenir, triste oxymore pour des CDD... Nos camarades devraient prendre garde car il n'y a guère que dans leurs côteries, leurs salons et leurs rédactions que l'on est convaincu de ce TINA (there is no alternative). En vérité, à part son gadget de 75% (qui ne touche pas la rente, vraie problème) Hollande reste marqué comme les autres par l'idée prononcée par son mentor Jospin, "le politique ne peut pas tout", euphémisme pour dire qu'il fait de moins en moins. En réalité, bien évidemment que le politique peut tout sans limite autre qu'humaine. En 1789 la situation était plus complexe qu'aujourd'hui à renverser, ils le firent, en 1917 aussi, Chavez ne s'est pas gêné... Est-ce souhaitable dans la France d'aujourd'hui ? Probablement pas. 

Mais il faut bien voir qu'à laisser faire ce rétrécissement du domaine de la lutte mentale, à réduire autant l'univers des possibles, on voit par réaction monter une extension du domaine de la révolte. Une envie de foutre tout cela à plat. N'importe qui ayant un peu potassé deux bouquins d'histoire (pas Furet ou Rémond, des bouquins d'histoire) sait que cela finit rarement dans une convivialité riante. Redonner de l'air, élargir à nouveau le champ des possibles doit passer par les urnes. C'est bien pour ça que 141 ans jour pour jour après la Commune de Paris (quand je pense que Delanöé a été élu le 18 mars 2011 et qu'il n'a pas dit un mot de la Commune, social-trâitre versaillais...) j'irais à la Bastille voir Jean-Luc Mélenchon redonner ses lettres de noblesse à la politique. Merci camarade pour ce que tu fais dans cette campagne. Outre que tu as démoli le FN quand tous ses sont cachés derrière des invectives de cour d'école en allant la chercher sur son projet, tu as ravivé l'intérêt pour le projet, ce fameux "fond" souillé comme rarement ces derniers temps. On en recausera le 22 avril, mais c'est déjà inestimable.

03/03/2012

Portrait de l'expert en hamster de laboratoire

images.jpegL'analogie animalière a mauvaise presse. Fasciste. Alors un hamster, quelle virulence, quelle manque de lucidité dans la critique. Simplement, je ne vois pas de meilleure illustration. Un hamster, en laboratoire (en milieu naturel la comparaison tombe à l'eau) passe sa vie enfermé dans une cage et court, court, court. Il y a évidemment une vacuité interpellante dans l'attitude du hamster ; difficile, pour autant, de lui en vouloir. Il ne connaît d'autres existences fors la cage et donc toutes ses attitudes, réactions et autres sont régies par cela. Surtout, il continue. Comme nous le prouve notre sémillant copain à gauche, lorsqu'il court, on lui donne des cacahuètes.

Or, qui sont les experts ? Des mâles blancs quinquas hyper favorisés qui ne sortent plus de leurs milieux, passent d'un plateau à un autre salon. Toujours bunkerisé, à l'abri de ce fameux "peuple" dont ils parlent. Formés aux mêmes lieux, fréquentant les mêmes cercles, lisant les mêmes propos, ils sont d'une uniformité rare. Du coup, ils ont une batterie d'indicateurs communs qu'ils psalmodient avec une bigoterie rare. La crise, littéralement le passage d'un état à un autre, ne passe pas chez eux. C'est une variable d'ajustement mais en aucun cas une vraie crise. Au plus, quelques nouveaux paramètres dont il faut tenir compte. Rien, en revanche, qui puisse faire bouger leurs croyances sur l'économie de marché.

L'exemple de la proposition d'Hollande sur les 75% est de ce point de vue extrêmement éclairante. Hollande a enfreint les règles de la doxa, c'est assez courageux puisque ce sont ses règles propres. L'an dernier, devant Piketty (l'UMP s'est même servi de la vidéo) il répétait le prêche officiel: la proposition Piketty est imbécile, c'est confiscatoire, nous sommes en économie ouverte, et puis "ça ne rapportera pas de quoi réduire les inégalités". Dogme féroce, chiffres stupides à l'appui car centré sur une réalité figée. Evidemment, les sommes restituées à l'Etat par cette nouvelle tranche d'imposition ne ramèneront pas l'égalité en France: 1,2 milliards, c'est une demie TVA sur la restauration. Là, encore pensée doxique, pensée toxique. Car en réalité, les hyper rémunérations entraînent des décisions néfastes pour des raisons aisées à comprendre. Elles sous-tendent une hyper individualisation quand à l'évidence, le PDG d'une entreprise de 50 000 salariés, n'est pas 2000 fois plus responsables que ses ouvriers des résultats. Un peu plus, certes, mais pas dans ces proportions. Donner ces rémunérations à 20 types les déconnectent du reste de l'entreprise, et donc fait pâtir le résultat de l'entreprise. Si les entreprises de l'économie sociale ont des meilleures performances vis à vis de l'emploi ce n'est évidemment pas qu'une échelle de 1 à 10 sur les salaires permettent d'économiser suffisamment pour embaucher c'est juste qu'elles poussent les dirigeants à se poser les bonnes questions en matière de direction.

Or, depuis 2008, la crise patente du libéralisme est analysée sans cesse par... des libéraux. Ils suent, ils transpirent et se contorsionnent pour trouver des excuses. Parlent de faute du système. Le plus courageux d'entre eux n'est pas un expert, c'est la Baron Seillière. Lui, au moins, est carré: bien sûr il y eut des conneries, mais c'est la faute aux politiques qui n'ont pas régulé."Oui nous volons, c'est dans notre nature, le gendarme public est là pour nous en empêcher". Comme ça au moins, c'est clair. Les autres font dans le plus subtil, ils avancent grimés en experts, universitaires quand ils sont à la solde de banques comme le souligne le très bon article du Monde Diplo de ce mois "économistes à gages". Après avoir lu cet article, on comprend les tentatives de réadaptation maoïstes des sociaux traîtres. Imaginez ces canailles de Minc, Pastré et de Boissieu planter des choux dont ils ne connaissent que les oscillations sur les cours des matières premières, cela me ravit par avance...

Il y a 40 ans, la figure centrale de la Cité était le philosophe qui pensait la marche du monde. Affiché dans tous les journaux, il n'avait sans doute pas l'influence qu'on leur a prêté, mais ils apportaient des éclairages intéressants. Remplacés par les experts et les coachs, ces deux engeances nous ont appliqués leur vision du monde, leur cadre étroit, fait de mots-valises, de croyances toutes faites et de slogans faiblards. L'église de l'expertise libérale compte quelques milliers de pratiquants pour des millions de croyants. Un ratio incroyable qui rend la démolition possible : le colosse a des pieds d'argile.

Demain, nous continuerons à maugréer, tempêter et autre, mais bon y aura France/Irlande et ça, ça se respecte...