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07/09/2012

Liberté, égalité, mondialité...

Unknown.jpegSujet complexe au possible, casse pattes à souhait pour les politiques. Le plus bel exemple des palinodies incessantes de nos gouvernants à ce sujet est notre ministre du redressement productif, l'ineffable Arnaud Montebourg. Hier, il louait la démondialisation, en faisant même la seule voie possible pour la France. Discours protecteur à l'avenant : on érigera des digues financières aux frontières de l'Europe, reconstruira des usines en France, consommerons français en toute circonstances et dans le même temps, louait Free qui libère le pouvoir d'achat... Avant de dénoncer Free, qui massacre l'emploi. Tout le paradoxe est là : on voudrait tout acheter en low cost et maintenir la production en France, impossible. 

Bien sûr, on peut faire des efforts et éviter comme Jean Paul Huchon de délocaliser le centre d'appel de la région IDF au Maroc comme le même peut éviter lorsqu'il demande à la région de dépenser 44 500 euros pour acheter une bagnole de représentations, de choisir une SAAB. A Aulnay, ils ont du rire jaune en lisant le Canard...

Le sujet de la mondialisation a été plus présent que jamais dans la campagne 2012 et dénoncé avec une certaine unanimité : Hollande luttait contre les spéculateurs mondialisés, Sarkozy voulait recréer des frontières, Mélenchon voulait une internationale laborantine cassants les spéculateurs et le Pen s'en prenait au mondialisme façon Bilderberg. Comment expliquer que tout le monde s'y attaque et que rien ne change ? L'argument le plus évident est celui de la consommation : sans mondialisation, nous porterions 3 fois moins de fringues, ne pourrions pas nous payer tout cet électro ménager... Peu de dirigeants de la planète entendent réellement s'attaquer à l'idéologie de la croissance, la société de consommation a trop de libido pour parler comme Rafaele Simone ou Baudrillard. On n'a pas encore trouvé le narratif pour s'opposer et on se contente de pester devant les excès des entreprises globalisées...

Quand L'Oréal affiche un chiffre d'affaires en hausse de 11,8% et décide pour assumer ces performances de construire 3 nouvelles usines ailleurs qu'en France, l'électeur gueulera au manque de civisme. Le cynique parlerait de réalisme mondialisé ? Objectivement, aujourd'hui, nos groupes du CAC 40, tous d'origine française, ne réalise pas la majeure partie de leurs profits en France, et même un militant front de gauche peut comprendre ça. D'ailleurs, Bourguignon ne dit pas autre chose sur la régulation des inégalités mondiales : elles passent avant tout par une forte taxation des très hauts revenus et des dividendes privés pour une redistribution globale.

La thèse irréfutable de Bourguignon s'énonce comme suit : la mondialisation réduit de plus les inégalités entre nations, ce qui est souhaitable, mais accroit de plus en plus les inégalités au sein des pays. Il montre comment la mondialisation ne profite qu'à une poignée d'individus pour les pays de l'OCDE, mais aussi dans les pays émergents contrairement aux idées reçues. Certains pays font exception, comme le Brésil ou des dizaines de millions de personnes profitent de la globalisation, mais ce progrès n'est pas à l'oeuvre chez nos camarades du socialisme réel chinois ou vietnamiens... 

Bourguignon insiste sur l'aspect néfaste ECONOMIQUEMENT de ces inégalités dans nos sociétés, comment elles gangrènent le corps social. Il ajoute que tous en sont conscients mais qu'à chaque sommet, tous les dirigeants acculés se regardent et attendent de voir qui sera le premier à amorcer le mouvement de reflux des inégalités avec une forte taxation des hauts revenus. Lorsque rien ne se passe, tout trépasse...

En conclusion, Bourguignon veut croire que le politique va comprendre l'importance de lutter contre ce fléau des inégalités nationales. Hollande s'est fait élire sur cette espérance et sa décision de détricoter sa promesse de taxer à 75% les revenus supérieur à 1 millions d'euros pour en exempter une majeure partie montre que le renoncement c'est maintenant et qu'en matière de régulation économique, rien à attendre de ce gouvernement. Régulation économique qui creuse notamment des inégalités insupportable en matière de santé ou d'éducation supérieur auxquelles nos camarades PS ne s'attaqueront donc pas. Reste l'éducation et la justice, ça n'est pas rien, mais pas assez quand même...

Demain, ce sera déjà le week-end et nous n'aurons pas vu la semaine passer, pas de doute, c'est bien la rentrée...

04/09/2012

Absence des échanges en milieu tempéré

9782213668826-G.jpgJ'aime les romans sociaux quand ils ne le claironnent pas. Quand ils n'avancent pas sur les tables de librairies, la jaquette ardente, promettant l'énième Germinal. Là, rien. D'ailleurs rien dans la presse non plus. J'avoue ne pas connaître l'auteur, qui a déjà manifestement une dizaine d'ouvrages derrière lui. Lui, c'est Thierry Beinstingel et le titre c'est "Ils désertent". 

Pitcher n'est pas aisé, d'ailleurs pitcher n'est pas jouer, puisque pitcher détourne de la lecture, ou met le curieux sur une fausse piste. Disons, sans trop trahir l'esprit, que c'est le grand roman du Contrat de Génération de François Hollande. Je plaisante à peine. Le roman raconte l'histoire de l'Ancêtre, quarante ans de vente, à deux doigts de la retraite et d'une jeune, très jeune, directrice des ventes. 

L'Ancêtre réalise encore le meilleur chiffre de ventes de la société, mais n'a aucune envie de changer de méthodes. Sans doute coûte-t-il plus cher que les autres vendeurs et c'est pour cela que les nouveaux dirigeants veulent le liquider. Tâche pénible, qui incombe bien sûr à la toute jeune directrice néophyte. Car elle vient d'arriver après quelques temps à vendre des godasses de sport. C'est là qu'elle est devenue sportive, d'ailleurs. L'Ancêtre, lui, le sport, connaît pas. Il mange trop, mais rien à côté de ce qu'il fume. Il s'en fout, sa femme est partie et personne ne le regarde. Il repasse ses chemises, mais c'est pour le boulot, son truc. Avec la conduite, en pilote automatique, des millions de kilomètres avalés depuis le temps. La jeune, elle, a le volant en horreur et dès qu'elle le peut, lui préfère le train. 

Pendant plus de 100 pages, ces deux destins appelés à se lier, s'esquivent. Et la première rencontre n'est guère concluante. Le reste, du livre comme du propos, c'est de la littérature. Sociale, donc. C'est ce que m'en a dit mon libraire et j'ai mis du temps à m'en rendre compte car l'auteur n'arrive pas avec les sabots habituels. Nous ne sommes pas dans une révolte de masse à l'occasion d'un plan social (qui peuvent être réussis, comme chez Mordillat) mais dans une absence des échanges en milieu ordinaire et tempéré : la France de 2012.

Là où le roman fait le plus mouche, c'est dans ce qu'il dit de la sécheresse de ces vies. On pense à notre taux de chômage des juniors et des séniors, souvent le triple du reste de la population. Aux deux extrémités de la vie active, le barnum informatif serine tellement à tout le monde que le fait même d'avoir un emploi est un privilège absolu que les deux personnages glissent lentement en dehors du royaume des hommes. L'Ancêtre s'accroche à cette tâche qui l'exténue car il ne peut plus envisager la vie autrement et la jeune ne réalise pas qu'elle est empêchée de vivre normalement par ce poste qu'elle a accepté puisqu'il lui a permis de devenir propriétaire. Au lieu de les rapprocher, cette âpreté du monde professionnel les érigent l'un contre l'autre. Ils ne se comprennent pas ou ne veulent pas se comprendre.

En refermant le livre, on redoute de lire les journaux avec ces nouvelles économiques monochrome anthracite qui nous rappelleront cette inhumanité caractéristique de l'époque. Du coup, si je pouvais, je me rendrais au Havre au premier Forum de l'économie positive où de nombreux acteurs inventent et trouvent des solutions pour entreprendre autrement. Je ne pourrais y être, mais me réjouis d'avoir des amis qui parlent là bas. Ils reviendront et on boira bière ou jus d'orange et ils m'expliqueront ce qu'ils ont entendu : ces autres qui veulent réinstaller des oasis au milieu des terres que tous ont déserté.

01/09/2012

Houellbecquien en théorie, Franzenien en pratique.

9782070138098_1_75.jpgRapidement, je sentis monter l'urgence de lire ce livre avant qu'il ne soit trop tard. Avant que tous les commentateurs littéraires aient définitivement fait tomber sur l'ouvrage une pluie de satisfecits tels qu'il serait louche de penser autrement. Ou alors au contraire, obligé de prendre le contre-pied, dans la posture dandy du grognon, en criant à l'escroquerie. C'est entendu, Aurélien Bellanger a été désigné de l'index divin de La Critique depuis deux mois, bien avant sa sortie, comme l'Elu de la rentrée de septembre. Chaque année, un jeune premier a ce privilège, c'est ainsi que l'on eut récemment Marien Defalvard (en attendant le second) ou Tristan Garcia (dont les fictions successives sont bigrement décevantes mais qui est, paraît il, un philosophe lu et commenté en Russie à tout juste 30 ans). 

Toujours des hommes, jamais de femmes (je pourrais faire un très long post sur la mysoginie de la critique après que ce que j'ai lu de mieux en cette rentrée sont deux femmes, Cécile Guilbert et Claudie Huntziger et que si la première a un peu la faveur des gazettes, l'autre...) jeunes et ambitieux par le propos de leur livre. Ce ne sont pas des romans mettant en scène l'amour d'un jeune pompier pour une boulangère à Chateauroux, alors même qu'un écrivain de belle trempe doit pouvoir faire un superbe livre avec cette trame. Garcia narrait les années 80, musique, sexe et maladie. Deflavard voulait imaginer une vie d'un homme déménageant sans cesse pour montrer la France éternelle. Bellanger, lui, ambitionne de brosser trois décennies de changement perpétuel en matière de communication. Cette accélération souvent dénoncée qui a vu les relations entre les hommes augmenter de façon exponentielle à mesure que, paradoxalement, nous nous éloignions les uns des autres. Cette contradiction est toute entière contenue dans la figure du protagoniste, Pascal Etranger - clone à peine grimé de Xavier Niel - qui s'impose comme un tycoon de l'univers de la communication tout en menant une vie d'anachorète.

Hier après-midi, j'ai ouvert ce livre de près de 500 pages (m'enfin écrit gros) et une petite insomnie aidant, l'ait fini ce matin. Autant dire que la lecture ne rebute pas, les yankees diraient que c'est "page turner". Je concède une dilection forte pour un sujet qui se rappelle à moi au quotidien, mais pas seulement, l'histoire coule d'elle même, on veut connaître la suite. Et puis, l'auteur a le sens de la mise en scène. Il y a, notamment, une scène ou l'avatar de Niel prend l'avion avec Sarkozy et ou notre ex-président lui sort une tirade plus vraie que nature. Bien. C'est intelligent, érudit à souhait, bien construit et pourtant sans faire la fine bouche, impossible de crier au chef d'oeuvre avec la meute.

La meute s'est passé le mot, d'ailleurs : Bellanger est Houellebecquien. Un qualificatif attribué grégairement au motif que l'auteur a consacré un essai au grand dépressif des lettres et que le romand parle beaucoup de cul de façon glauque. Bon, mais le parallèle est idiot. Bellanger n'a pas 124 mots de vocabulaire et il n'érige pas sa misanthropie en diable. Il vaut beaucoup mieux que ça. En refermant le livre, un parallèle s'impose par rapport à la rentrée précédente s'impose : Bellanger a traversé l'Atlantique. Ce n'est pas de Houellebecq, ou même Defalvard & co qu'il faut le rapprocher mais bien de Johnatan Franzen, qui avec "Freedom" avait retracé la chronique des années Clinton/Bush/Obama 1... Comme Franzen, Bellanger écrit comme on conduit sur l'autoroute : en ligne droite, sans temps morts, sans modulation de paysages non plus et donc sans surprise. Avec un grand éditeur, "la théorie de l'information" ferait 200 pages de moins et il trouverait un sens à sa fin : exactement comme pour Franzen, il ne savait pas comment trouver une sortie à son autoroute et explose la barrière de sécurité pour une sortie de piste absurde. L'auteur ayant l'air d'être malin en diable, peut être se relira t'il comme cela: ayant bluffé tout le milieu avec son "roman monde", peut être reviendra t'il avec un roman village, mais l'ambition démesuré d'émouvoir son lecteur.