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14/09/2012

Le langage de la preuve, une langue à rendre vivante d'urgence

attali.jpgMalheur anticipé à qui place ses pas dans ceux de l'exemplarité. Quelle délicate quête que celle des chevaliers blancs. En politique, la chose est connue, on invoque toujours les figures tutélaires de de Gaulle ou Mendès, mais la République des petits copains continue à l'évidence. Hollande ne fait pas exception à cette règle écoeurante et la valse des nominations dans le secteur culturel va nous navrer tant le PS a d'amis à placer... A peine s'ils regarderont les bilans des caciques à expulser : si Mathieu Galey à l'INA a un bulletin de notes déplorable et peut partir sans broncher, comme expliquer le licenciement anticipé d'Henri Loyrette, à l'action unanimement reconnu à la tête du Louvre ? 

Les méfaits ont déjà commencé dans le domaine de la santé, du médico-social plus exactement. Moins médiatique, mais tout de même. Michel Laforcarde, remarquable praticien a la tête de l'ARS (agence régionale de santé) du Limousin a été prié de faire ses cartons pour aller en Aquitaine et laisser sa place à Philippe Calmette, directeur de la FEGAPEI et grand professionnel du réseautage, mais à l'intelligence opérationnelle plus que discrète. Pour avoir interviewé plusieurs fois cet homme, je peux vous jurer que s'il sait à quoi ressemble le quotidien des personnes handicapées qu'il prétend défendre, je suis curé... Allez, passons.

Un plus grand malheur va s'abattre sur nous que ces quelques chaises musicales : nous n'avons pas résolu le problème Attali. Après avoir conseillé Mitterrand et écrit 150 livres sous Chirac (dont 2 hilarantes biographies de Marx et de Gandhi, à un an d'intervalle, chacune faisant 800 pages....) l'homme a produit 316 mesures pour la croissance sous Sarkozy (pousser à une France des taxis et des coiffeurs...) il revient sous Hollande pour sortir 316 mesures de croissance (étonnant) et désormais une mission sur l'économie positive.

Si vous lisez le Monde ou écoutez France Inter, depuis un mois, ils vous gavent de pub pour le LH Forum de l'économie positive, au Havre. J'ai tout plein d'amis qui y interviennent. Et d'ailleurs, les organisateurs m'ont demandé de venir animer des débats, ce que je me suis bien gardé d'accepter. D'abord, pour des raisons pratiques : ils me préviennent au dernier moment et c'est au Havre, donc pas facile à caser dans l'agenda. Sans compter que j'ai horreur de venir les mains dans les poches et j'aurais été mal préparé. Enfin, ils ne payent pas. Et ça, c'est choquant... Entendant nous bien, j'ai mes causes et il m'arrive d'animer des débats, réunions ou autres gratuitement, mais pas quand les organisateurs ont Hollande, Mosco, une dizaine de gros partenaires et autres... Pire, une amie a planché avec les équipes du LH Forum, les a aidé à trouver de nombreux intervenants, à travailler sur le narratif et n'a même pas été invitée en retour. Peut-on prétendre prêcher pour une économie responsable quand on se comporte soi même comme un maquignon ?

Car le problème est que derrière ce colloque fondateur pour eux, on retrouve Planète Finance, l'organisme d'Attali, boîte qui tourne principalement avec des stagiaires de scpo exploités pour 400 euros par mois à 65h par semaine et où les investisseurs n'osent se plaindre de peur de s'attirer les foudres d'Attali. Et c'est cet homme aux actions faisandées qui va rendre une mission sur l'économie positive, quelle déchéance ! Pour rendre ses actions crédibles, il faut impérativement parler le langage de la preuve, ce que font les adhérents du MOUVES (http://www.mouves.org/ ) en lieu et place d'Attali...

Ha vraiment, donner cette mission à Attali, autant demander à Bernard Madoff une mission sur la finance éthique...

12/09/2012

Privilège, de lecture.

jonathan-dee-les-privilc3a8ges.jpgJe m'étais dit que la prochaine note de blog ne serait pas un compte rendu de livre, mais je ne savais pas dimanche en débutant un roman de près de 400 pages que je l'aurais fini le soir même, littéralement happé par la fresque familiale courant sur plus de 30 ans, de Johnatan Dee. 

A propos de l'auteur, j'ai appris il y a peu qu'il était l'un des "événements" de cette rentrée littéraire et après avoir été emballé par celui ci qui date de 2010 (en poche 10/18) j'irais forcément musarder du côté du nouveau. C'est d'ailleurs en musardant que j'avais débusqué celui-là et ô honte avoué, en regardant la jaquette : prix Fitzgerald. J'ignorais l'existence de ce prix, mais l'auteur m'a toujours emballé tant je l'ai trouvé brillant dans sa description mordante de l'élite déliquescente américaine. La 4ème de couv' m'indiquait que le titre n'était pas une antiphrase : nous serions à nouveau parmi les yuppies, version 2000. Enfin je dis ça, jamais une date dans le roman. Mais entre les téléphones portables, internet, les noms d'actions par dérivés et autres activités spéculatives on voit bien que nous sommes plongés dans une contemporéanité mais l'auteur se garde bien de nous accabler de détails, préservant son punch pour le style.

Dee écrit comme boxe les poids welters, toujours sur la pointe, en sautillant toujours. Il esquive tous les coups trop lourds assénés par les descriptions, les dates, et autres digressions politiques ("la politique dans un roman c'est un coup de pistolet au milieu d'un concert" écrivait Stendhal) pour nous entraîner, nous aspirer et in fine nous imposer son rythme. Nous nous étions habitués à voir les enfants du couple bien installés dans l'enfance et les voilà jeunes ados. Dans le même temps, les parents ont déménagé, rajoutant une piscine intérieure et un jet privé sans que jamais nous ne sortions du domaine du plausible, c'est l'autre force de Dee. Il parle de ceux qui possèdent l'infiniment grand (une fortune qui dépasse les ordres de grandeur financier mais l'on voit juste que la famille n'y pense plus) en rentrant dans des détails innocents, des soirées dans des bars, des discussions avec leurs enfants pour qu'on les sente vivre. La mère qui a arrêté de bosser pour élever ses enfants à en devenir hystérique à l'idée de rater la seule cause dans laquelle elle s'est investie et le père qui s'est assigné un objectif : mettre sa famille à l'abri au point que jamais ses enfants n'aient à travailler au risque que cela se retourne contre lui. Tout cela est admirablement ourlé, magnifiquement agencé, parfaitement maîtrisé et entièrement dégraissé; on évite le piège classique des 100 ou 200 pages superfétatoires.

Je n'en jette plus, renfilez le en librairie, si Fitzgerald et Jay Mc Inerney (première période) vous emmerde, passez votre chemin, sinon offrez-vous un privilège de lecture.

09/09/2012

A la recherche du bonheur perdu

images.jpegEntre deux piles de romans de la rentrée qui me font toujours de l'oeil (et en plus je dois aller acheter le premier roman de François Cusset dont les essais m'ont bluffé), Daniel Cohen est venu occuper mon samedi après midi ensoleillé avec une légèreté inhabituelle pour un livre d'économie.

Lire Daniel Cohen relève d'un plaisir coupable. Un peu comme dire qu'on aime le style et ne pas dédaigner la lecture d'un petit Douglas Kennedy. Car Cohen a suffisamment de casseroles pour être actionnaire majoritaire chez Teffal: soutien actif d'Hollande, conseiller de la banque Lazard (de l'immense Matthieu Pigasse) il a conseillé Papandréou pour le rachat de la dette grecque. Son CV a donc tout pour l'inciter à jouer profil bas vis vis à de la crie actuelle et pourtant il ne cesse de dénoncer les abus du capitalisme financier dans ses livres... Sauf que contrairement à un Jacques Attali, Cohen n'en fait pas une histoire personnelle : il n'est pas donneur de leçons et n'avance pas des énormités telles que "j'ai dans mon bureau un catalogue de 316 mesures pour relancer la croissance" comme l'a osé récemment Jacquot Attali. Non, Cohen démonte avec gourmandise les travers de l'économie et renvoi prudemment pour la partie solutions vers la lecture d'Amartya Sen et ses capabilités. Cette modestie, même si affectée, rend la lecture de ces livres très agréable. Il poursuit ici les réflexions amorcées dans la prospérité du vice sur les 1000 facettes déformées du capitalisme actuelle. Il nous dresse un portrait de la nouvelle économie mondiale façon Otto Dix avec des gueules cabossées.

Autre mérite de ce livre, de même que Paul Valéry semble avoir écrit pour livrer des sujets de dissertations aux lycéens (ce qui ne m'empêche pas d'adorer Monsieur Teste), Daniel Cohen est une bénédiction pour les profs qui manipulent l'actualité dans leurs cours. Ses textes regorgent toujours de bons mots, d'anecdotes savoureuses, d'exemples parlants. J'espère que ma mémoire ne me trahira par de trop lorsque je me retrouverais dans mes étudiants et que ceux ci voudront débattre de la crise. Des conseils pour maximiser le bonheur, des statistiques surprenantes sur les médaillés de bronze aux jeux olympiques plus heureux que ceux d'argent. Les bronzistes se disent qu'ils auraient pu ne rien avoir quand les argentés regrettent toujours leurs médailles d'or envolées...

Du coup, les 200 pages s'avalent comme une douceur de boulangerie (un financier ?) et on le referme un peu plus convaincu que l'homo economicus, shooté à la compétition plus qu'à la coopération est un taré et que ce n'est pas demain l'auberge même plus espagnole, fermée pour cause de crise. Ca ne va pas changer le monde comme disait Joe Dassin, mais ça aide à mieux le comprendre et en deux heures en plus. Demain, nous remettrons le nez à la fenêtre du monde sur ce blog parce qu'avec celle-ci, ça fait 6 notes de suite consacrées à des livres ici