13/04/2013
Un contrat de génération pour tous
Au fond, il aurait fallu croiser les deux mesures : le mariage pour tous et le contrat de génération. Pas pour en faire un mariage de génération, mais bien un contrat de génération pour tous.
Je ne reviens pas sur il matrimonio per tutti que tout le monde voit bien, mais l'autre projet, mal packagé puisqu'on dirait la nouvelle garantie Darty propose grosso modo aux boîtes qui ne virent pas un vieux de les exonérer de charges si elles embauchent en plus un jeune. Je voudrais croire que cela entraîne un changement culturel profond, dans les pratiques des DRH comme dans la perception de la population pour que nous mettions fin à ce double cancer social : le chômage des jeunes, à 25% et 50% dans certaines zones, et le taux d'emploi des séniors le plus faible d'Europe. Pour les premiers, une installation de plus en plus tardive dans la vie, une autonomie repoussée et une méfiance accrue à l'égard d'un monde économique et politique qui les maîtrise. Pour les seconds, un spleen infini, une précarisation accrue avec l'angoisse renforcée de ne plus rien y pouvoir, de ne plus être capable de s'en sortir puisqu'on sait que ne retrouvera pas de revenus complémentaires et est donc tributaire des subsides publics. Alors, on se ratiocine et on a peur de tout.
Hier j'étais à Strasbourg dans une salle incroyable, le Royal Palace. 1200 personnes réunies pour la convention régionale de la Croix-Rouge. Une ambiance incroyable et des centaines de héros ordinaires aux crânes chenus. On comptait les juniors sur les doigts d'une main estropiée. Un drame. Tant de belles valeurs, de belles actions, de beaux projets et su peu de porteurs de flambeaux prêts à prendre la relève. Privilège de l'animateur, je m'installais à déjeuner à l'une des rares places restantes parmi les VIP. Un octogénaire dont la mise impeccable et le maintien à table imposaient le respect, me fit un compliment sur ma prestation du moment qui me fit rougir aux oreilles. Je ne le reconnaissais pas, mais après quelques instants, au détour d'une anecdote, il m'expliqua comment il ordonna à Milosevic d'ouvrir les prisons. D'autres anecdotes folles peuplèrent le déjeuner et pour cause : dans la Galerie des Glaces de ses souvenirs, 110 chefs d'Etat rencontrés dont le Pape, j'avais trinqué avec un excellent vin blanc avec Cornelio Somarruga, ancien Président de la Croix Rouge Internationale. Je m'en veux de ressortir le poncif sur "un vieux qui meurt c'est une bibliothèque qui brûle", mais tout de même. Le patrimoine des souvenirs de ce sage est considérable, les conseils qu'il peut transmettre sont un patrimoine considérable. Et personne n'est là pour récolter les fruits...
Bien sûr, les torts sont partagés. Il ne faudrait pas dire que les angéliques anciens sont incompris de jeunes égoïstes. Au contraire, en s'accrochant au strapontin de pouvoir après l'heure et en battant froid la jeunesse, certains grands dirigeants (politiques ou associatifs) ont écoeuré la relève et accentué la guerre de tranchées. Je maintiens qu'un contrat de génération pour tous, la transmission de savoir et l'envie de faire serait la plus belle des idées. Deux signes hier, me donnaient envie d'y croire. D'abord les étudiants de l'IFSSI de Metz, jeunes infirmiers engagés puis le Président Mattei qui renonçait à briguer un troisième mandat alors que la clarté de son discours témoignait d'une fraîcheur d'esprit manifeste. Le Président exhorta ses troupes à embaucher des jeunes en service civique, cette splendide idée de Martin Hirsch, pour renouveler le sang de la Croix Rouge. J'espère que ces premiers bourgeons aperçus hier ne sont que les premiers parmi des centaines d'autres et que la révolution intergénérationnelle est en marche !
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11/04/2013
2 France qui sont dans un berceau...
Ces deux livres n'ont, a priori, pas grand chose à voir. Pourtant si on les lit à la suite, on sent qu'on vient d'achever un diptyque de la France de 2013. Celle de tout en haut et le reste, qui ne peut s'élever comme cloué au sol par une espèce de fatalité.
"Le destin au berceau" de Camille Peugny, n'est peut être pas le meilleur livre de cet excellent sociologue qui s'était fait connaître avec des travaux sur le déclassement, mais qui peine dans ce livre à dépasser le stade du constat.
Ce dernier est implacable et connu, il souligne avec force tableaux, courbes et autres synthèses, à quel point les enfants des classes populaires sont engluées dans leur classe dangereuse et à quel point il leur sera délicat de s'élever. Le système français favorise une élite qui en plus de ses avantages socio-culturel, bénéficie à plein d'orientation judicieuse, de soutien scolaire et de contournement de la carte scolaire, quand leurs homologues défavorisés subissent une ghettoisation scolaire, l'impossibilité d'accéder à des aides et une orientation défaillante... Tristes tropiques, certes, mais pas d'autres horizons pour rêver. Peugny, socialiste de première heure, n'a d'autres destins à proposer que ce qui se dit actuellement, sans jamais impliquer la société civile. Dommage. Le terrible constat reste.
L'autre livre est plus inattendu. Son auteur, Hervé Hamon est un spécialiste de l'école et se sort plus que bien d'un exercice original : dresser une galerie de portraits de "dominants". Economiques, bien sûr, y compris dans le champ de l'édition, politique ou syndical, ceux qui ont le pouvoir sous toutes ces formes. Peu de femmes dans ce livre, peu de personnes non qualifiées ou alors des fonceurs, peu de non Gaulois d'origines. Conforme à une idée de la France d'en haut dont Hamon nous dit à la fin "qu'elle va se battre pour garder ses privillèges et qu'elle a toujours triomphé de ces anciennes batailles". Et il faut croire Hamon qui a fait preuve de beaucoup d'empathie et d'écoute dans ses portraits brossés où l'on sent, à peine larvée, son exaspération devant certaines réponses ayant trait à l'argent. Il n'obtiendra d'excuse, de repentance ou de colère de personne. Riboud dit qu'il faut payer ses impôts, Beffa appelle à une diminution du pouvoir des actionnaires, Pigasse prône une plus grande solidarité internationale, mais aucun n'explique que l'explosion des inégalités, notamment par le haut, est nocive. On voit que l'acuité de coeur est une chose, mais qu'elle ne préserve pas de vies, de destins entièrement hermétiques à ceux qui occupent Peugny.
En fermant les deux livres, on pense forcément à "La vie est un long fleuve tranquille". Dans la comédie satirique, tous se retrouvaient dans leurs différences et apprenaient à rire de leurs tares. La France n'est pas une comédie de Chatilliez et les couffins ne risquent pas d'être échangés car les enfants d'en haut ne naissent plus dans les mêmes cliniques que ceux d'en bas...
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08/04/2013
La démocratie, ce grand cadavre à la renverse
Il y a quelques semaines, je discutais avec Yannick Jadot, ex directeur de campagne d'Eva Joly, ex directeur de Greenpeace, ce qui lui donne une double fine expertise sur les causes désespérées. Il me fit part du nouveau chef d'oeuvre en péril qui l'inquiétait : la démocratie. Député européen, Jadot n'a pas besoin de sillonner le continent pour aiguiser son analyse : chaque semaine à Bruxelles il voit débarquer des bataillons d'élus dépités de la tournure des événements dans leurs pays.
L'Italie a récemment affolé les compteurs et se retrouve sur la sellette. Grillo fut proche de s'emparer du pouvoir tout seul. Si Bersani ne réussit pas rapidement quelques tours de magie, il pourrait réussir son coup avec un programme promettant les 20H hebdomadaires, des expulsions musclées pour ceux qui ne correspondent pas aux canons d'italianité et autres baroqueries. En Hongrie, Orban s'assoit joyeusement sur les mises en garde de l'Union et continue patiemment à museler la presse. En Grèce comme en Suède, les extrêmes montent. Chez nous, les sondeurs se livrent à des calculs d'apothicaires pour dire qu'il ne faut pas tirer la sonnette d'alarme et que, mis bout à bout, front national et front de gauche ne représentent pas plus d'1/3 des sondés ce qui... ... ... ... (mettez ici tout le bullshit sondagier que vous voulez). Mais comment ces tanches peuvent-ils être hermétiques à ce point à une réalité confondante : plus de 50% d'abstentions pour la majorité des élections, seule la présidentielle obtient un léger sursaut, mais à quel prix ! On gave le malade pendant 6 mois, on le shoote à grands renforts d'overdose médiatique et alors, mécaniquement, le peuple se rend aux urnes. Mais il n'est que lire deux secondes le qualitatif d'Institut un peu sérieux comme le travail mené par Denis Muzet pour voir les mots associés aux politiques "dégoût, défiance, impuissance" triste troïka...
Curieux paradoxes des pays riches : nous crevons d'obésité quand il y a un milliard d'affamés, nous abritons des millions de chômeurs et quelques millions de travailleurs sursollicités et nous crevons de défiance envers nos dirigeants élus librement en nous permettant d'aller donner des leçons de morale à tous les pays vivant sous le joug d'autocrates. Problèmes pour nos dirigeants, incapables de dépasser le présentéisme et le court termisme, ils ne savent plus envoyer que des seringues hypodermiques politiques pour tenter d'apaiser le peuple quelques temps. Mais ce ne sont pas des sédatifs qu'il faut aujourd'hui, mais bien un vrai changement de modèle. Même si elle a beaucoup servi, il faut encore une fois s'appuyer sur la finesse d'analyse politique de Francis Blanche : il faut vaut mieux penser le changement que changer le pansement...
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