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19/04/2013

Corps social toi même, Patino !

Media-Aces-Social-Media-3-300x282.jpgLa novlangue offre décidément d'infinies occasions de distribuer des baffes comme d'autres les pains, de renverser des tonneaux de vin de messe sur la gueule de ceux qui manipulent ces formules creuses avec une exaltation palpable. "Bien sûr la fusion de différentes entités en une seule a été ressenti avec vigueur par le corps social". Ainsi a répondu le sémillant n°2 de France Télévisions, Bruno Patino alors même qu'un caméraman venait de lui demander posément comment il explique qu'une boîte où les animateurs affichent des marges indécentes pense d'abord à couper dans les effectifs de technicien. Sacrifier l'emploi et la qualité technique des programmes pour ne pas trop affecter quelques susceptibilités de divas emblématiques du "tournant culturel" des chaînes publiques comme Patrick Sébastien, Laurent Ruquier ou Frédéric Lopez...

La novlangue peut nous amuser quand elle parle de ce pour quoi elle est conçue : du business. Le bingo bullshit composé de formules creuses comme "maximiser les opportunités de développement tout en optimisant l'impact" prête à sourire plutôt qu'à pleurer. Mais lorsque celle ci s'aventure dans les eaux sociales, la fable prête moins à rire... Personnellement, c'est ma ligne de partage. Mon bon grain et mon ivraie. Je sais ainsi que je n'ai aucune envie de rencontrer Bruno Patino, comme je sais que j'aurais aimé déverser une brouette de fumier sur ces fumistes esclavagistes grimés en papes du cool de Michel & Augustin... La rengaine facile voudrait qu'ils soient tous comme ça et que les patrons de gauche soient pire que les autres. Tout dépend ce que l'on met derrière. Je suis certain que Joffrin et Demorand manipulent les mêmes mots creux. En revanche, je puis attester d'avoir vu le trouble de certains dirigeants confrontés aux possibilités de devoir licencier. Je pourrais en citer une palanquée, mais un sort vraiment du lot, Christian Nibourel le patron du cabinet de conseil Accenture. Son incapacité chronique à parler de capital humain et autres conneries me l'avait rendu infiniment plus sympathique que les autres. Après "bon sang ne saurait mentir", "ceux qui ne disent pas corps social ne sauraient mentir".

16/04/2013

Un petit pas pour l'homme politique, un autre petit pas trimoine...

patrimoine.gifJe ne sais même pas pourquoi je suis allé lire ce grand déballage. Voulais-je apprendre quelque chose ? Même pas. Pour autant, je suis allé lire le youpi classement des fauchés et des rupins du gouvernement, que j'ai trouvé . Bon. Encore une fois, Spinoza Power, ne pas rire, ne pas pleurer, comprendre. Face au climat de défiance actuel, il semblait urgent de réagir nous dit le président et il fallait donc lancer l'opération transparence. 

Ce qui me surprend le plus depuis que la curée a commencé, c'est la teneur des commentaires. Passe encore sur les philippiques venues de l'opposition, après tout c'est le sinistre jeu dans lequel elle se complaît. Mais les commentateurs ! Les sondeurs, journalistes et autres experts se permettent de parler de l'impôt sur la fortune de Touraine ou Delaunay et Fabius comme si nous étions devant un gouvernement de personnes fortunées... Je n'ai pas vocation à défendre le gouvernement, mais excusez les quand même, les attaques sur leurs supposées fortunes sont justes hallucinantes. A la rigueur, on pourrait parler de leur train de vie, mais est-ce bien l'objet du débat avec la défiance ? 

Sur leur train de vie, lorsqu'on regarde dans le détail, quelle blague. Sur leurs comptes courants, en milieu de mois, j'ai plus que l'immense majorité d'entre eux. Manuel Valls a 108 euros sur son compte en banque. Qui peut croire une connerie pareille ? Ou alors, nous savons qu'il ne paye jamais rien de sa poche. Ni restos, ni sorties, ni ni ni... Tout juste remboursent-ils des prêts immobiliers. Alors oui, ils sont quasiment tous propriétaires, bien plus que la moyenne des français disent les détracteurs. Mais, 1/il n'est pas anormal que des ministres gagnent un peu plus, tout de même 2/ la moyenne d'âge des ministres fait qu'ils ont eu le temps de gagner un peu d'argent ou d'hériter, dans le cas de Michèle Delaunay. Celle-ci est dans le viseur avec ses 5,4 millions de patrimoine, mais personne n'a indiqué que lorsqu'elle en a hérité, en 1983, il valait 10 fois moins !!!!! Nos ministres, à part Fabius, sont des français moyens plus, juste un peu plus âgés qui ont pu acheter des appartements, mais avec emprunts... Comment ces connards de l'Express osent-ils fustiger les "8 ministres millionnaires" ? La principale source de revenus de ces ministres est liée à la spéculation immobilière, la belle affaire...

Au final, ce qu'il y a de proprement obscène, c'est que l'on fait des chikayas pour des sommes dérisoires. Songeons à Berlusconi, à Bidzin a Ivanichvili, 153ème fortune mondiale et premier ministre Géorgien. Sans compter les chefs d'Etats africains, la fortune cachée de Poutine et Medvedev ou les sommes amassées dans le pétrole par les Bush père et fils. Dans tous les gouvernements européens, il n'est pas rare que de vraies grandes fortunes viennent être ministres ou députés. Soient que leur naissance leur ouvre les arcanes du pouvoir, soit, comme pour Poutine et les nababs africains, ils viennent s'enrichir au pouvoir, ou enrichir leurs potes, dans le cas des Bush. Chez nous, cela a infiniment moins cours. Oui Cahuzac était un affairiste venu gagner de l'argent sur le dos du pouvoir. Mais si on veut aller dans une grande opération de transparence de l'argent du public, il faut revenir sur le président précédent puisque le seul scandale est l'argent infini que Nicolas Sarkozy a fait gagner à ses amis de la camarilla du Fouqet's... 

15/04/2013

Sale temps pour les braves

9782264059529.jpgUne quatrième de couv' se livrant à d'audacieuses comparaisons, c'est coutumier. Mais que ces dernières soient justifiées, voilà qui est plus rare. Celle de Sale temps pour les braves, de Don Carpenter nous apprend que l'auteur compte parmi les héritiers de John Fante. Ce dernier étant l'un de mes auteurs favoris, je me jetais dans l'aventure. Dès les premières pages, on reconnaît la justesse de la filiation. Une Amérique dure, pauvre et pas honteuse de l'être, mais lorgnant les plus riches avec avidité. Ici, les malfrats ne sont pas des victimes, pas des sadiques, juste des impatients dépourvus d'imagination et animés d'un désir unique : s'enrichir. Beaucoup.

Le cadre choisi par Carpenter pour planter son roman est très intéressant. Il choisit des petites villes paisibles (Portland, Seattle) pendant les trente glorieuses pour décentrer sa focale et nous montrer les bouges et autres claques. Même quand l'action se déporte à L.A. en fin de livre, pas question de céder aux sunlights et autres face dorée. L'univers de Carpenter semble voué à ne pas sortir d'une noire mêlasse. Tant mieux.

S'il y avait une once de trame policière dans ce roman, on le rangerait dans la catégorie des Hard Boiled Dicked novels, aux côtés de Dashell Hammet, Raymond Chandler ou David Goodis. Des durs à cuire peuplent le roman, voire surpeuplent le roman. En effet, l'univers de petites combines, de menus larcins, de maisons de correction et de prisons avec mitard dans lequel nous emmène l'auteur ne laisse guère de place aux petites natures. Physiquement s'entend. Car les âmes de ces marlous sont plus qu'écorchées et ce ne sont pas les bassines de whisky qu'ils éclusent qui les sauvent. Jack Levitt, le protagoniste s'est échappé de l'orphelinat et a depuis lors vigoureusement défendu sa liberté à grands renforts de mornifles. Les femmes il y pense, les baise, mais leur demande de décarrer quand le soleil se lève. Elles posent trop de questions, les bougres. A force de ne pas croire au travail, à l'amour, à la vie, on n'a peur de rien et cela finit rarement bien.  

Le roman a paru dans les années 60 dans une indifférence certaine aux USA, mais lorsqu'il fut publié à nouveau dans les années 2000, ce fut une consécration internationale. Difficile d'expliquer l'écart de perception critique entre l'une et l'autre époque. Peut être les amours interdites des malfrats étaient elles trop audacieuses pour les années 60. Le bandit à la petite semaine peut bien culbuter toutes ces filles de petite vertu, tout va bien, mais dès lors qu'il s'agit d'évoquer son désir ardent pour un ancien co-détenu, plus complexe. Aux Etats-Unis s'entend, chez nous le roman de Carpenter avec son monde interlope aurait été consacré au même rang que Genet. Chez nos copains Yankees, il fallait attendre que la nation soit mure pour aimer Brokeback Mountain. L'histoire littéraire est remplie d'oeuvres qui n'ont pas rencontré leurs publics, tant pis pour eux et profitons-en, nous qui bénéficions de ce right novel at the right time.