Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/10/2013

Trop d'exemplarité tue l'exemplarité...

78058310_o.jpgPlus c'est gros, plus ça passe. Lu récemment une interview de Jean-Paul Agon dans une publication faite pour le TGV (le Nouvel Obs, ou Challenges, je sais plus un truc de 3ème gauche). Le PDG de l'Oréal y déclarait notamment (au milieu d'annonces conquérantes sur son business) : "Tout le monde doit être exemplaire en matière de train de vie. Tous les collaborateurs de l'Oréal volent désormais en classe économique, moi y compris".  Et le journaliste de reprendre tranquillement le fil de l'entretien sans revenir évidemment sur l'aberration précédente... Petite résignation, lâcheté ou fatigue devant l'évidence de l'extension problématique des éléments de langage vantant la sobriété pour tous. 

Jean-Paul Agon a gagné 4 millions d'euros (hors bonus, stocks et autres intéressements, très fort chez le roi des cosmétiques) en 2012. Qui peut penser qu'un homme ayant ce genre d'argent de poche consent à voyager dans la bétaillère ? Qui peut croire aussi, eu égard aux responsabilités qui sont les siennes, l'amenant à voyager partout, tout le temps, parfois deux avions dans la journée, qu'il ne dirait pas lui même "stop, merci, je veux juste me reposer et allonger mes jambes dans la Business". Notons d'ailleurs qu'en termes étymologiques, on ne dit même plus "First", mais "Business", une classe bien plus onéreuse dédiée aux rares qui peuvent se la payer. Rares, pas aucuns ! 

Je me souviens d'une réunion réservée au mécénat culturel face à la crise et je voyais des responsables de grands groupes aux profits indécents déclarer, la voix pleine de componction : "pour des questions d'affichage, il nous est impossible de continuer à soutenir XX". On pouvait déduire de leur phrase que les mêmes impératifs d'affichage les poussait à beaucoup de modestie sur la mise en avant de leur super profits... 

Soit la planète entière est en récession forte, soit ceux qui s'en sortent doivent assumer, sans ostentation ou bunker comme ils le font trop souvent, mais sans honte absolue non plus, car cela ne fait que renforcer la suspicion vis-à-vis de ces élites. Le fameux on ne nous dit pas tout. Personne n'exige d'eux que, tel St Martin, ils donnent leurs manteaux aux pauvres. Mais s'ils pouvaient se contenter de respecter les règles et payer dûment leurs impôts, ce serait un bon début...

21/10/2013

A la sueur de leur frontière

vestige-poste-frontiere-europe-03.jpgOn a beaucoup glosé sur le discours de Toulouse de Nicolas Sarkozy lors de la campagne 2012, où il faisait après Régis Debray (qu'avait lu pour lui Henri Guaino). Des références au livre du médiologue, Eloge des frontières. De façon relativement étonnante, le débat n'est pas tant repris depuis. Du moins au plus haut sommet de l'Etat et de l'opposition. Une espèce de conformisme émollient s'abat sur la question depuis lors. N'en débattons plus, nous sommes 27 et même 28 depuis l'élection de 2012. Des frontières apparaissent partout, le nombre d'Etat-Nations a explosé depuis 1989 et la fin de la guerre froide et aujourd'hui encore les aspirations indépendistes sont fortes. 

L'Europe n'est pas épargnée, avec les catalans, les écossais, d'autres dans l'ex yougoslavie, l'Italie du nord, la Corse chez nous et tant d'autres. De nombreuses voix se font entendre pour le repli sur soi comme voie de secours et on feint d'y voir uniquement une dérive extrêmiste sans voir la détresse sociale qu'il y a derrière. Et on ne parle toujours pas de frontières. J'exagère, on reparle de frontières à l'occasion de Frontex ou du drame de Lampedusa, pour dire qu'il faut continuer à ériger de nouvelles ligne Maginot pour empêcher les pauvres hères de venir chercher une vie meilleure en Europe. N'importe quel démographe s'étrangle pourtant devant la faiblesse des flux migratoires par rapport aux besoins d'un continent vieillissants. Les espagnols et les italiens, aux taux de chômage supérieurs aux nôtres, accueillent le double d'immigrés par rapport à la France. Donc, ce débat fumeux d'un point de vue rationnel enfume 99% de nos débats : trop d'immigration, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde (en occultant la suite "mais nous devons en prendre notre part"), débats d'autants plus vains que sans immigration, l'Europe court à sa perte comme le montrent les courbes démographiques de l'Allemagne ou de la Russie (dans une optique paneuropéenne mais les problématiques se ressemblent). 

Si le sujet ne fait pas débat, c'est surtout que les ploutocrates sont frontièrophobes. Les frontières ce sont plus de normes, de lois, de règles, tout ce dont ils ne veulent pas. L'instrument central de leur dégoût est évidemment l'impôt : fuir les frontières, c'est fuir les terres où l'impôt est jugé trop important pour atterrir en douceur là où les taux sont plus cléments. Or les ploutocrates appuient partout, de Paris à Bruxelles en passant par Londres (pas logique, mais les ploutocrates s'en foutent du bilan carbone) pour cet abandon de cette logique passéiste qu'est la frontière. A ce sujet, personne n'a mieux décrit le cynisme ambiant que Zygmunt Bauman a travers son oeuvre magistrale, la modernité liquide. La modernité liquide, c'est celle qui profite à une poignée grâce à l'abandon : de normes, de valeurs, de frontières et autres. Un retour à la jungle la plus totale qui profitent aux plus forts de lions. Pour les autres, risque d'être mangés ou de ne rien trouver à manger. Il serait tout à l'honneur du politique d'ériger à nouveau des protections pour les moins aguerris des animaux, la frontière protectionniste, au sens économique du terme, doit servir à cela. A part Montebourg, sotto voce, le thème a disparu des écrans radars...

Réinvestir le sujet capital, dans tous les sens, de le frontière, c'est aussi un moyen plus efficace pour faire reculer le front national que de se livrer à de guignolesques palinodies médiatiques sur le dos d'une malheureuse adolescente kossovare où l'exécutif français actuel ne vaut pas mieux, malheureusement que l'ancien... Sorties et contre sorties médiatiques, tout cela réjouirait Guy Debord. L'inoubliable auteur de la société médiatique, mais aussi d'un film et d'un livre avec un immense palindrome latin qui en français donne un bon aperçu de la situation actuel : nous tournons en rond dans le feu et nous nous consumons... (In girum imus nocte et consum (imur igni)

18/10/2013

Sérail sans caravane...

Izadkhast_caravanserail_samanide.jpgIl y a des mots qui vous enchantent pour leur sonorité. "Superfétatoire", "estaminet", "sempiternelle" ou "fanfreluche" m'ont toujours plu avant tout pour leur façon de chanter à mon oreille. Il en va de même pour "caravansérail", dont une petite vérification m'apprend qu'il s'agit du lieu où les marchands (en caravane) font halte. Or, généralement, quand on parle de "sérail" c'est plus pour parler du café de Flore et autres salons avec moquette épaisse que des caravanes ; lesquelles actuellement ont une presse déplorable. Ces gens-là ne veulent pas s'intégrer comme dit notre ami Manuel, lequel n'est que mollement démenti par JM Ayrault qui, pourtant, passe ses vacances en camping-car.

Ces prolégomènes (autre sonorité que j'affectionne) pour dire que dans la primaire marseillaise, la question du sérail préoccupe beaucoup les commentateurs. Eux mêmes ne se posant jamais la question de leur appartenance audit sérail. Non qu'il faille forcément se flageller, mais un tel aveuglement sociologique a quelque chose de désespérant. Ce matin j'ai réécouté l'interview de Samia Ghali sur RTL () par l'ineffable Jean-Michel Apathie. Et bah les bras m'en sont tombés.

Bien sûr, ces histoires de bus et autres transports d'électeurs dimanche dernier ne sonnent pas 100% casher électoralement. Et après ? Edouard Herriot rappelait que la politique, à l'instar des andouillettes, doit sentir "un peu" la merde. Franchement, qui peut penser que l'écart colossal à l'échelle d'une primaire constaté entre Ghali et Carlotti est lié uniquement à ces bus ? Entre une ministre techno, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle se démène avec parcimonie pour son portefeuille et une passionaria des quartiers, n'y a t'il pas une justice à ce que la seconde l'emporte ? Au fond, n'est-ce pas le vrai triomphe d'une démocratie  que de récompenser ceux qui écument les réunions de quartier, parlent aux électeurs et essayent de voir quels sont leurs difficultés quotidiennes, en termes d'éducation, de santé, de transports et bien sûr d'emploi. Et qu'on ne vienne pas me parler la bouche encore pleine de croissants au beurre de "vote communautariste" ou de "populisme électoral". 

Pour qui est, un tant soi peu, habitué aux codes journalistiques, c'est assez vomitif. Tout cela pue la connivence, l'entre soi, la gentrification. Apathie a eu Menucci, Carlotti et tutti quanti au téléphone, tout le monde l'a briefé et lui a expliqué pourquoi il fallait dézinguer la beurette. Les attaques sont d'un bas inimaginables. On imagine pas la même chose pour Cahuzac, un Balkany, un Pierre Bédier ou un Carignon pourtant autrement plus blâmables électoralement mais du sérail. Eux.... 

Ce soir, lors d'une Masterclass dans l'école où je donne des cours, l'excellent politologue Denis Pingaud est venu parler de son non moins excellent livre, l'homme sans com' (le Seuil). Le livre parle des défauts (euphémisme) de la communication gouvernementale d'Hollande. Il nous expliquait que la France est en retard d'un cran sur la nouvelle communication politique où les dirigeants zappent les médias pour s'adresser directement aux citoyens et forcer ainsi les médias à s'adapter à une réalité qu'ils ne goûtent pas forcément. Exemple, Obama tweetant pour demander à ses soutiens de mettre fin au shutdown. On peut discuter longtemps la pertinence et surtout les dérives potentielles de ces nouvelles méthodes. Il n'empêche que devant le conservatisme - et je reste poli - de certains éditocrates devant ceux qui ne sont pas du sérail, on se dit que le fait de pouvoir les court circuiter serait salutaire au-delà de toute expression...