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17/04/2014

La moindre des choses

51M3V7YS3HL._SL500_AA300_.jpgA peine le générique de fin apparaît-il à l'écran que l'on se demande quelle part de réel a été coupé dans le documentaire de Nicolas Philibert, La Moindre des choses. Déjà, dans deux de ces films précédents, être et avoir ou La maison de la radio j'avais été frappé par les coupes sombres dans le côté obscur. Philibert filme la lumière, la vie et la joie et jamais les empoignades. Si on peut à la rigueur imaginer que celles-ci ne surviennent jamais dans une classe d'école primaire, impensable qu'elles n'émaillent pas le quotidien de la Maison de la Radio ; quand un rédac chef pousse tel sujet ou biaise tel autre en demandant des témoignages plus ceci ou moins cela. Et cet embellissement du réel, autre forme de "mentir-vrai" irradie La Moindre des choses, superbe film sur la clinique de la Borde. 

Une plongée d'1h30 chez les fous, les psychotiques et autres formes de pathologies mentales très lourdes où l'on n'assiste à aucun cri, aucune crise où l'un des patients veut tout faire sauter, c'est peu plausible. Mais si l'on excepte cette faille qui après tout relève d'un choix artistique, tout dans ce film est emballant. Marquant, poignant, déconcertant, tout va à l'encontre des idées reçues et autres clichés généralement véhiculés par les médias. 

La clinique de la Borde institution psychiatrique unique qui accueillit Guattari pendant toute sa carrière est un enclos du Loir et Cher (Michel Delpêche n'est pas dans le film) où l'on tente une autre approche de la psychotérapie. Le film montre sur un ou deux mois la préparation d'une troupe composée de patients et quelques soignants et qui donneront une représentation de Witold Gombrowicz. Un spectacle que j'aurais aimé voir. Une pièce fort bien choisi car elle souligne merveilleusement comme le théâtre de Ionesco ou les écrits d'Artaud que le fou n'est pas toujours celui que l'on croit. La caméra de Philibert souligne peu, ne met pas de sous-titre, n'angle pas les choses. Il saisit des scènes et les laisse se raconter d'elles même sans que l'on sache d'où viennent les propos tenus.

Au point que l'on est parfois incapable de dire si les personnes qui témoignent sont des patients ou des soignants. Vraiment, on en est là. Et c'est merveilleux. J'ai eu un faible pour Jacques, l'homme qui apparaît sur le DVD et qui manipule le langage comme personne. Conscient d'être malade, il aime la Borde car il se sent "protégé entre nous. Et toi Nicolas (Philibert) tu es maintenant plongé, entre nous". Son rapport au théâtre est émouvant en diable, il se rappelle des pièces précédents qu'il a joué et pourquoi elles l'ont marqué et au travers de son récit, on aimerait voir d'autres documentaires filmant ces histoires là.

La thérapie médicamenteuse est filmée comme cela. Deux plans très cliniques sur des soignants remplissant d'imposants piluliers, des milliers de cachets dans des petites boîtes. C'est tout. On ne s'appesantit pas, les images parlent d'elles mêmes. De même qu'on ne souligne pas l'absence, de proches, de familles. A l'évidence la Borde est un lieu confiné où les patients comme les visiteurs de l'enfer de Dante, ont laissé toute espérance de se lier au reste du monde. Sauf lors de la représentation de la pièce où quelques centaines de riverains (?) se sont déplacés pour applaudir chaleureusement une représentation admirable en ce qu'elle montre le perfectionnisme raisonnable. Les costumes sont très travaillés, les bruitages et musiques itou. Les soignants ont fait leur travail et la merveilleuse metteur en scène également. Juste avant de monter sur les planches, celle-ci se tourne vers toute la troupe et leur dit "bravo pour tout ce que vous avez fait. Allez-y à fond, ne vous tracassez pas pour le texte, si vous faites des entorses, il se relèvera le texte, mais allez au bout des choses et surtout amusez vous amusez vous et bonne chance". Et ils s'amusèrent, le public aussi. Et l'on ne peut s'empêcher, quand on voit cela, de soupirer devant notre conformisme à tous. Les gourous de la "disruption" à tout crin, des pédagogies alternatives présentées par Powerpoint devraient aller faire un stage auprès de cette metteur en scène, admirable enseignante. Sans doute pense t'elle comme le dit le titre, qu'elle se contente de faire la moindre des choses, en attendant de passer à la suivante. Sans doute est-ce la meilleure façon de transmettre. 

14/04/2014

Opposer une ligne économique plutôt qu'une ligne Maginot au FN

big-soldats_maginot.jpgPar acquis de conscience professionnelle, je me suis infligé l'intégralité de l'émission "Des paroles et des actes" avec Marine le Pen. Soit 2h30. La dernière fois, c'était Manuel Valls et j'ai du tenir 20% du temps. Ras le bol. De tout. De Manuel Valls, évidemment, mais aussi de cette mauvaise émission, malheureusement de service public, avec ce Homais du journalisme, David Pujadas et toutes ces séquences formatées. Ces duels attendus. Soupir. 

Ma première phrase est donc mensongère. Par acquis pro j'ai regardé l'émission, mais par divine surprise, je suis resté devant l'écran jusqu'au bout. Par pouvoir voir Nathalie St Cricq et Jeff Witenberg se faire humilier ou Alain Lamassoure foncer tête contre tête avec la Présidente du FN pour un fastidieux duel. Pas non plus pour voir la navrante altercation avec Mourad Boudjelal. Je le concède, ça fait donc encore beaucoup de déchets. Néanmoins, ce qui m'a enchanté, c'était la confrontation avec un chef d'entreprise, un syndicaliste et un député PS, Yann Galut. Devant ces adversaires moins huppés, la présidente du FN a ployé et même plié devant le soldat socialiste, inconnu du grand public. Pourquoi ? Parce qu'il a bossé minutieusement et pas cherché à briller. Il ne voulait pas s'offrir le zapping avec une phrase qui aurait fait mouche. Sa stratégie consistait à gagner aux points plutôt que de chercher un improbable KO qui ne vient jamais avec le FN.

Sans doute cette belle victoire est elle justement lié à la personnalité de ce député. David contre Goliath. Député de près de 50 ans, il a défendu des immigrés et fut l'avocat de SOS racisme, mais il n'a pas voulu centrer son propos là dessus. Car il a vu ses aînés se ramasser des gamelles à faire la morale. Eriger d'improbables digues avec morgue. Front Républicain. Il a vu aussi les compilations télé et tout ce qu'on disait des duels avec les personnalités du Front National, Jean-Marie comme Marie. Brillants tribuns, ils poussent leurs adversaires à faire de la surenchère verbale, de l'hyperbole. Plein de lyrisme, les assaillants entament ce que précisément les frontistes leur reproche : une déconnexion du réel. Des attaques idéologiques et uniquement cela "êtes vous Républicain ?", "Moi, Madame, j'aime mon pays"... "Mais, l'Europe, Madame, l'Europe !". Toutes intonations théâtrales qui tombent à plat...

Yann Galut ne saurait probablement pas faire cela, quand bien même il voudrait. Tout avocat de formation qu'il soit, c'est un orateur médiocre, sans présence physique particulière. Il n'en impose ni par le verbe, ni par les épaules. Au début de l'affrontement, Marine le Pen se repaît, elle a gagné par avance croit-elle. Mais rapidement, elle déchante puis dévisse. Galut lui montre ses incohérences, ses limites, ses failles. Montre à quel point elle rase gratis : retraite à 60 ans + embauches de fonctionnaires par centaines de mille (à la sécurité) + baisse des taxes sur l'essence +++... Et en contrepartie pour des économies : lutte contre l'immigration (Ha ?) et lutte contre la fraude sociale, dont tout le monde sait qu'elle compte pour environ 1/10 ème de la fraude fiscale... Quand bien même nous aurions une fraude sociale égale à zéro, cela ne compenserait même pas la baisse sur l'essence. Mais alors Marine ? "Je n'ai pas une vision comptable de l'économie" a t'elle répété 10 fois, comme un mantra. Merci Yann Galut, tu ne fut pas spectaculaire, mais bigrement efficace. Pour les européennes, c'est trop tard, mais pour 2017, li faut revoir encore et encore ta prestation.

13/04/2014

Marcher, à perdre la raison

Paris_colmar.pngAprès cette nouvelle manif, les paroles de Jean Ferrat peuplent ma tête. Marcher, à perdre la raison, marcher à ne savoir que dire et n'avoir que toi (la gauche) d'horizon. C'est une chanson triste, mélancolique en diable, mais moins que cette manifestation depuis si longtemps annoncée. Au rassemblement, place de la République, il y avait de la sono et du monde. Pas assez. Mais plus qu'assez.

Pas assez pour renverser le gouvernement Valls, sa politique austéritaire, ses 50 milliards d'allègements. Pas assez pour faire croire à des lendemains électoraux victorieux pour une gauche non libérale. Mais plus qu'assez pour sentir le ras le bol, voir la vivacité de la rancoeur. Dans le détail, comme dans les manifs sans appel précis, très politiques, l'assemblée était assez monochrome. Très blanche, plus vieille et masculine que pour des manifs circonstanciées. Les cortèges en faveur du mariage pour tous étaient autrement plus représentatifs du pays aujourd'hui. 

Concernant les mots d'ordre, je ne sais que dire. Il semblerait que nous étions tous réunis pour nous opposer à l'Europe des patrons, à l'austérité et à la précarité des jeunes. Bon. Pourquoi pas. Je crois pouvoir ajouter sans trop choquer que nous étions également tous contre le racisme et la guerre. Ca n'est guère suffisant... Surtout, cela vous enfonce dans les ornières de la dénonciation, par essence insuffisante. 

Les marches de la campagne 2012 avaient ceci de galvanisant qu'elles s'appuyaient sur un programme, "l'humain d'abord" avec une règle verte écologique, des modes de productions alternatifs, l'investissement massif dans de nouveaux segments d'emplois. Bref, des propositions. Hier, bernique. Il s'agissait donc de pousser un long gémissement même pas pensé. Le pic au moral fut atteint lorsqu'une militante hirsute a voulu me vendre une publication qui titrait sur "l'emprise de la bourgeoisie"... PFFF... N'étant pas dans la détestation de moi même, j'ai passé mon chemin. Cette semaine, une stat effroyable a paru soulignant que les 67 personnes les plus riches de la planète possèdent autant que les 3,5 milliards les plus pauvres. Le même genre de phénomène est à l'oeuvre en France avec une hausse continue de la fortune des 0,01% pour qui la rente rapporte autant, si ce n'est plus que le travail ou même le risque... Difficile de croire dans ce cas que les forces de la finance sont mises à mal. Mais nul revendication d'opposition au trading haute fréquence, à l'inhumanité d'une économie qu'il faudrait supplanter. Une chanson prenait la défense des gentils détenteurs du RMI contre le vilain FMI. Je vois bien l'idée de la rime, mais outre que le RMI n'existe plus depuis 6 ans, cette vision archétypale de trop eu raison de ma marche. Je mettais la flèche et rentrais en faisant un crochet par le mur des fédérés. Le souvenir de cet idéal me remettait du baume, parce que des marches comme ça ne vous donne pas envie de faire un grand bond en avant...