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19/10/2014

A la recherche de l'objet perdu

montre-gousset-mecanique-style-retro-karakoram.jpgCe matin, j'ai jeté mes baskets jaunes. Depuis plus de trois ans que je les possédais, je les ai si souvent mises, qu'elles étaient devenues quasiment une prolongation naturelle de mes jeans. Je les ai tant usé qu'il était illusoire de vouloir les reprendre, rapiécer, réparer. Par extension, impensable de donner ces loques. L'issue inévitable ; la poubelle. Par respect pour cette brave paire, je respecte une espèce de délais de viduité et ne me vois pas aller en quête d'une nouvelle paire de baskets jaunes. 

Au-delà d'elles, c'est la civilisation de l'objet qui m'interroge en ce dimanche ensoleillé. En matière culturelle, la dématérialisation s'étend d'année en année. Plus personne n'a de disque ou de CD (les vinyles repartent en Angleterre, mais il s'agit d'une tocade pour favorisés, la majorité compressent du fichier téléchargé), les DVD vont connaître le même sort. Les livres résistent bien plus, mais d'une certaine manière, le papier baissera aussi. On peut louer des vélos, des voitures, des ordinateurs, des matelas ; l'extension du leasing comme mode de vie n'en est qu'à ses balbutiements. Quelques titres de propriétés (appartements ou maisons secondaires, actions pour les gogos, assurance vie), marquent des différences notables, mais ce sont du papier ou un lieu de vie, pas un objet. J'ai bien conscience de débiter des fadaises 1000 fois mieux analysées par Beaudrillard et Pérec, mais la sociologie prend des grands ensembles en considération quand je m'interroge avec angoisse sur la permanence d'objets dans ma petite vie à moi.

Je n'ai pas de montre à gousset, mon père ne m'a pas légué de rasoir coupe-chou ou ma première cravate. Quelques livres rares qui survivront aux déménagements (une édition très chouette des Misérables, une originale de La théorie de l'ambition... d'Hérault de Séchelles), une photo de mariage d'une immense photographe et deux trois affiches, mais hormis cela ? Un bureau et une table. Fort chouette. Qui me suivront toute ma vie. Mais tout le monde n'a pas la chance d'avoir un grand père qui fut antiquaire et qui lui a légué des pièces d'une qualité exceptionnelle et d'un design intemporel. Pour ceux qui n'ont pas ma chance, quels objets traversent les époques ?

Une astuce peut être d'acheter des pièces reproductibles, à défaut d'être uniques. Ainsi de Gainsbourg (qui devait pouvoir se payer quelques antiquités) qui achetait 17 paires de Repetto blanches chaque année pour faire survivre leur caractère immaculé. Une toutes les trois semaines. Mais hormis cela, où retrouvera-t-on ces objets qui durent un demi-siècle ? Même si l'heure est à l'éco-responsabilité, elle est aussi au changement permanent : écoutez les pubs vous dire que les montres ou la vaisselle, c'est bien quand ça change. Pour les plus bobos, on les recycle ou recustomise, mais on ne les préserve pas en l'état. La seule solution pourrait venir des Makers, ces amateurs du faites le vous même (ou do it yourself) qui trouveront eux mêmes les matériaux nécessaires à recréer des objets immortels comme des diamants. C'est une perspective qui me rend heureux. Et en attendant, m'en vais chiner des baskets jaunes. 

13/10/2014

Eric Zemmour n'existe pas

Eric-Zemmour_Baltel-Sipa.jpgDans l'absolu, on ne devrait plus écrire une ligne sur cet accident idéologique de l'époque qu'est Eric Zemmour. Dans un univers saturé de mauvaises nouvelles, où l'on ne met pas assez en avant toutes les merveilles produites, s'acharner sur l'idiot utile du PAF n'a pas de sens. Sauf que le barnum médiatique autour de lui le rend incontournable. De façon inexplicable. Il est absolument partout, sur tous les plateaux les plus prestigieux et on l'oppose à des intellectuels reconnus, partisans sans doute, mais sérieux, comme Jacques Attali ou Edwy Plenel. Inexplicable. 

La situation de Zemmour dans les médias fait penser au mot de Godard, "l'objectivité c'est 5 minutes pour Hitler, 5 minutes pour les juifs". Cet homme, Zemmour, est systématiquement humilié par toutes les rubriques "décryptages", dont on dirait qu'elles ont été inventé pour lui. Il se trompe avec plus de constance qu'Alain Minc, c'est dire, mais tant pis, on continue de le présenter partout comme "le pourfendeur du politiquement correct" et à l'inviter en ce nom. Pardon, mais, un Alain Soral et ses thèses débiles et complotistes a le droit de propager ses idées sur internet, liberté d'expression oblige, mais les animateurs et journalistes un peu sérieux ne perdent plus de temps à l'inviter. Le minimum de décence prévue par la loi. On peut proposer à des économistes qui souhaitent la flat tax (même taux d'imposition pour tous) de parler, on peut discuter avec des pros gaz de schiste, les militants la manif pour tous ont la parole, mais Eric Zemmour ? Sans déconner.

Voilà ce qu'il professe lui même ce matin en interview :"La France propose un univers symbolique qui castre les jeunes hommes depuis 30 ans, sauf les rappeurs noirs qui ont le droit d'exhiber leur virilité". Ensuite, "Arrêtons le grand remplacement de nos banlieues. Certaines banlieues françaises sont devenues des républiques islamiques" Cette thèse du grand remplacement chère à Renaud Camus et Jean Raspail est d'une ignominie sans nom, même au FN ils ne veulent plus le prononcer, mais comme c'est Zorro, on le laisse dire...Il rajoute aussi des beautés telles que "Pétain a sauvé les juifs" et là, normalement, il faut tout couper, arrêter, soupirer et s'en aller, mais non... Inexplicable, par la raison. Mais la raison de l'audimat à ses raisons que la raison mentale ignore.

"Moi, je n'ai peur de rien", ose le bravache Zemmour. C'est assez faux... Il a peur des femmes, des immigrés, des religions, du progrès. Bref, de son ombre. Il se vante partout d'être un homme de lettres, mais a peur du style. Il y a quelques années, j'avais subi la lecture de son roman. Les paysans avaient les mains "calleuses", le teint "rougeaud", les femmes "des hanches larges et des seins lourds", les noirs étaient "vêtus de capuche et musculeux". Un condensé de clichés rarement observé de mémoire de lecteur... 

En somme, il pense faux, écrit mal. Pourquoi donc est-il invité partout ? Parce qu'il parle vite. Et qu'il tranche. La farce de sa fausse engueulade chez Ruquier le prouve. Il se prend le bec avec Léa Salamé qui l'invite deux jours après sur Inter... On l'exhibe partout en feignant de se pincer le nez, mais on l'exhibe, il a l'onction : chroniqueur multicarte sur des médias dominants (le Figaro, RTL), il est notre fasciste sortable, notre ami Ricoré des débats. Encore une fois, il professe "le grand remplacement", mais avec le sourire. Marine le Pen dirait cela, elle se disqualifierait. Tous les irresponsables qui l'invitent à parler de son tissu de conneries maquillé en essai devraient s'interroger sur leur responsabilité dans la puanteur du débat d'idées qu'ils morigènent de toutes leurs cordes vocales ? 

10/10/2014

Une tyrannie mortelle pour la République

la-tyrannie-des-parents-d-eleves-de-anna-topaloff-996427794_ML.jpgPourquoi payer attention à un livre supplémentaire soulignant le malaise de l'école ? Combien encore dénonçant dans de grands élans réactionnaires, l'incapacité de nos écoles à enseigner, transmettre, mais trop se concentrer sur l'éducation ? Combien de nouveaux opus sur la décadence de nos profs gauchisants ou de nos élèves incapables d'apprendre ? Vous n'y êtes pas. Le responsable incriminé dans le livre est le parent d'élève. Et après avoir refermé le livre, on se dit plutôt qu'on vient de lire un essai sur la débandade absolue de la République.

Que nous apprend Anna Topaloff, que 55% des enseignants ont adhéré au service de la MACIF proposant un "accompagnement psychologique pour les enseignants victime d'agression de la part de parents d'élèves". Derrière cela, toute une accumulation de faits, anecdotes, qui tous, relatent la déliquescence de l'édifice républicain. Sans vouloir être grandiloquent, ce que l'enquêtrice nous narre des plaintes parentales contre les profs qui refusent de comprendre que leurs mômes sont des génies, contre les proviseurs qui ne donnent pas ce qu'il faut à la cantine et toute une litanie d'entorses plus pernicieuses les unes que les autres, mais qui confirment la statistique initiale : une défiance généralisée dans le commun et une fuite en avant dans l'individualisme.

Dans les écoles défavorisées, les profs sont trop souvent absents et lorsqu'ils sont là, reçoivent parfois des coups de pression d'étranges grands frères pour monter les notes. Dans les écoles huppés, on harcèle les profs qui refusent de s'esbaubir devant le génie des rejetons et on hurle à la mort avec menace sur le proviseur quand un prof rate deux cours... Dans ces conditions, et on ne le dit pas assez, les profs auraient de bonnes raisons de démissionner et heureusement ils ne le font pas. Mais ils auraient leur raison, ce d'autant que la haine parentale, s'arrête là. A moins que, comme le suggère la conclusion "ils aillent à l'entretien d'embauche de leur enfant pour négocier le premier salaire"...