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21/08/2017

"Pas d'angélisme", d'accord, mais que voulez vous, au juste ?

 Comme après chaque attentat, avant que les cadavres n'aient le temps de refroidir, le rubicond de la décence est allègrement franchi par une foule hétéroclite de donneurs de leçons en prévention du terrorisme. On trouve pêle-mêle, l'écrivain Kamel Daoud dont tous les thuriféraires transposent ses propos sur l'Algérie à la France sans recontextualiser, les fachos socialement acceptables du Printemps Républicain (Laurent Bouvet et Céline Pina en tête) et les mauvais perdants de la campagne de Fillon qui jurent que Saint François, lui, aurait arrêté les infidèles avec la technique de Saint Henri ; le bazooka sur Ramblas... Tous ont des motivations différentes, mais un même terme pour disqualifier l'adversaire, nous serions "angéliques" face au terrorisme. En termes de procès, c'est une lapidation sans jugement. Et pour cause, le procès en angélisme est une impasse rhétorique. Je ne connais personne qui trouve justifié les actes des barbares terroristes, personne qui se permettrait de dire que les conditions sociales précaires (ce qui n'est, d'ailleurs, pas toujours le cas, nombre de terroristes appartiennent à la classe moyenne) des assaillants soit une motivation suffisante, personne qui puisse trouver une justification aux pratiques de l'EI, en clair. Par ailleurs, depuis que l'Europe est régulièrement frappée, les contrôles aux frontières sont renforcés, les écoutes policières démultipliées, les arrestations préventives (et arbitraires) ont explosé, rien "d'angélique" dans ces pratiques. Ce procès paranormal est une esquive : plutôt que d'assumer qu'ils piquent toutes leurs idées et leurs mots à l'extrême-droite ("frontière passoires", "justice laxiste", "racailles inassimilables", "expulsions des radicalisés") ils détournent l'attention avec un écran de fumée : nous serions atteints du syndrome de Stockholm et aimerions nos bourreaux. Il ne faut pas refuser ce débat de l'intérieur : quand on nous qualifie "d'angéliques", il faut exiger des explications sur ce qu'il conviendrait de faire. Je crois que nombre se tairont, finiront par reconnaître que la douleur les égare et leur faire dire n'importe quoi. D'autres expliqueront calmement qu'une jeune femme avec un foulard est une terroriste en puissance, à tout le moins une complice et qu'il faut fermer les mosquées, laboratoires de haine, interdire l'enseignement de l'arabe ou d'appeler son enfant "Mohammed". Toutes ces horreurs ont déjà été proférées depuis 2015, et par des personnalités en vue. Refuser ce débat, c'est laisser un mouchoir sur une plaie. L'accepter, c'est affronter quelque chose de laid, mais la situation sera claire et on saura quel remède employer.

20/08/2017

Castaner d'opérette

Qu'on l'aime ou non cette radio, RTL a sans conteste le droit d'être qualifié de média sérieux. On peut leur reprocher d'avoir des chroniqueurs comme Eric Zemmour, une vision très partiale de l'actualité économique et sociale, mais ils ne sont pas fantaisistes pour autant. Aussi, lorsqu'ils publient sur leur site un long article intitulé "comment Castaner est devenu l'incontournable du gouvernement", ma curiosité fut piquée et je l'ai lu avec délectation. Un modèle du macronisme, du "en même temps" ; de cette permanente valse à deux temps où l'on nous demande d'applaudir à tout rompre le demi pas en avant et de ne rien dire des cent pas en arrière... Incontournable il l'est, pour deux raisons. D'abord c'est le job qui veut ça. Vallaud-Belkacem puis Le Foll furent très exposés aussi en tant que porte-parole, rien de neuf. Ensuite, aux côtés de ministres et de députés novices, il brille par son expérience de la campagne et dispose de plein de trucs et astuces pour affronter les plateaux, martingales qu'il distille Volontiers. Et en même temps, il est incontournable pour Le monceau de gaffes proférées : sur le Général de Villiers, la baisse des APL, sur la "pensée complexe de Macron", sur la tenue de Rihanna, l'écologie et j'en oublie des tas, Castaner dit littéralement une énorme connerie par jour. Sans jamais cesser de sourire aux journalistes qui le guignent comme les chats suivent un livreur de poissons maladroit. Ca va très bien à Macron et à Edouard Philippe qui disposent en Castaner d'un paratonnerre qui prend seul la foudre. Il y a du Homais, chez Castaner, bien sûr, mais plus que cela. "Que de choses il faut ignorer pour agir" écrivait Paul Valéry. S'il avait connu Castaner, gageons qu'il aurait ajouté "et pour être porte-parole de ce gouvernement".

18/08/2017

Se former à la lutte contre les peurs irrationnelles : un beau projet pour l'Europe

En ce lendemain d'attaques terroristes, traiter la crainte de ces barbares "d'irrationnelle" pourrait relever de la provocation et pourtant... Les habitants de Cambrils quand les 5 terroristes ont été abattus par la police n'ont pour l'immense majorité pas été témoins de la scène, ni confrontés directement aux ceintures d'explosifs, n'ont pas dû esquiver la voiture folle. Il n'empêche, après une nuit sans doute blanche, il serait insultant de qualifier leur angoisse "d'irrationnelle", ce qui est pourtant le cas, statistiquement. Statistiquement, il y aura par exemple plus de morts sur les routes de France un week end d'août que les 13 victimes d'hier. Statistiquement, d'ailleurs, les morts liés au terrorisme depuis le début du siècle et en incluant le 11 septembre sont 1/ infiniment moins nombreux en occident que dans le monde Arabe et en Afrique, ce qui ne nous empêche pas de croire que les terroristes luttent principalement contre nous. 2/ infiniment moins nombreux que nombre d'infections (les moustiques tuent bien plus que les terroristes) d'accidents ou de catastrophes naturelles, toutes choses qui occupent une part très marginale dans le Panthéon de nos peurs. Les terroristes ne gagneront jamais les guerres, au sens militaire du terme. Même face à des Etats amputés militairement, politiquement et financièrement comme l'Irak ou la Syrie, les avancées de l'EI n'ont pas duré. C'est d'ailleurs parce que la guerre est perdue là-bas que les plus désespérés nous attaquent avec des armes de désespérés, des voitures-béliers dont les chances de survie sont celles de Tiwyn Lannister face à la Montagne... En revanche, les terroristes gagnent du terrain dans la guerre des idées. On se déshabille presque entièrement par millions dans les aéroports, les biberons passent au détecteur, les poussettes sont inspectés au peigne fin, demain on exigera des curés qu'ils relèvent leurs soutanes car le propre du Malin est de tromper l'ennemi... le business sécuritaire prospère : caméras, herses, grillage, tasers et autres... les dénonciations, fausses alertes, arrestations arbitraires explosent. Ce sont autant de défaites collectives. l'Europe entière (touchons du bois pour l'Italie) a été frappé ces trois dernières années et l'Europe entière s'est trouvé une explication double à ces malheurs : l'Islam et les migrants. Stigmatisation et punition des deux semblent être le seul mantra de nos dirigeants comme outil de "lutte contre le terrorisme" avec un succès très relatif (merci d'éviter le couplet sur les attentats déjoués, ils le seraient tout autant sans discours et mesures haineuses). Ce faisant, on ne fait que renforcer la baudruche irrationnelle, de l'entretenir en soufflant sur les braises. C'est une chose d'avoir peur après l'événement :
- tous les parisiens se souviennent distinctement de leur effroi quand ils sont descendus dans la rue, le 14 novembre 2015 - c'en est une autre de vivre avec en permanence. Ca ne peut être un projet de société. Ni français ni européen. On dit souvent notre continent en manque de projets commun : être le continent de l'accueil, de l'échange et de la fraternité serait pourtant un créneau magnifique. Après Charlottesville, les US sont mal placés pour nous dammer le pion, c'est indéniablement une chance à saisir.