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19/07/2020

Garder l'énergie pour les ennemis de classe

Cette semaine, 3 personnes que je connais et estime, trois personnes peu suspecte d'amitiés à droite, m'ont boursoufflé avec une déclaration de Mélenchon, trait d'humour sur les assassins de Jésus, supposément antisémite (le trait d'humour...). Naguère, la même mouvance intellectuelle relayait des tribunes où un signe "=" était posé entre Virginie Despentes et Eric Zemmour. D'autres, encore, s'interrogent sur les motivations profondes de François Ruffin, de l'ego de Piolle ou encore du choix de l'écriture inclusive par la nouvelle équipe municipale de la mairie de Lyon. L'énergie déployée par la gauche pour taper sur les copains est une prouesse qui ne cesse de m'épater.

Mais l'énergie n'est pas infinie, illimitée. Le temps et la gnaque perdu à pointer ces narcissisme de petites différences ne sera pas retrouvé pour Macron, Castex, Darmanin, Darmanin, Darmanin. Pour une relance économique aveugle à l'écologie, pour une relance culturelle sans autre moyens que de la bonne volonté, pour un Ségur de la santé insuffisant. Ceci devrait consacrer 100% de l'énergie des sympathisants de gauche. Ça n'est pas le cas. Tristesse.

On pointe les travers de l'autre pour savoir si on peut s'allier, si on a en commun, si on est d'accord. On cherche, dans des recoins intimes et moraux, des désaccords. Je trouve cela désespérant, car au fond il n'a jamais été aussi simple de sonder ce qu'est la gauche : c'est celle qui est en désaccord fondamental avec la droite, celle qui, à l'heure du bilan et des choix refuse le projet de droite. Et la différence ne se fait pas sur une lettre anti-raciste, une réflexion sur un accent ou un point médian. Faut revenir aux fondamentaux, à la protection des plus défavorisés et des moins dotés, au partage : ressources naturelles, richesses, temps, travail. Partage, justice, la gauche. Le reste on s'en cogne.

Je vois fleurir des tribunes pour Taubira et autres postures morales. Elle parle admirablement bien, outre l'éloquence elle aime la poésie, fut remarquable de bout en bout sur les débats éthiques. Mais elle est restée pour le CICE, pour la loi travail, la loi Macron de dérégulation, seul un projet même pas débattu (la déchéance de nationalité) lui offrait une occasion en or pour partir avec élégance. Mais il reste que 4 ans de mesure de droite ne l'ont pas fait sourciller... Idem depuis 3 ans avec les macronistes, Marlène Schiappa, Pompili, Dusopt et les député.e.s peuvent se réclamer de la gauche jusqu'à après demain : exit de l'ISF, flat tax, réforme retraite et assurance chômage, loi asile immigration, ils signent des textes de droite très très dure. 

On peut se moquer de Hulot, Montebourg et Hamon mais ils sont au moins partis pour incompatibilité de ligne, de projet, de vision. Pas pour incompatibilité d'humeur. Ils ont acté qu'à un moment, il ne faut plus rien attendre des ennemis de classe. 

La gauche est toujours minoritaire en voix, dans ce pays. Elle gagne toujours par effraction, Front Populaire ou Mitterrand, elle empoche le magot sur fond d'exaspération sociale avec une base électorale faible. La même est jouable dans deux ans : mais à condition de ne plus s'agresser et de partir du constat que si on est toutes et tous uni.e.s face aux ennemis de classe, sur un malentendu c'est jouable. 

17/07/2020

Le bon Griveaux, la brute Dupond et le truand Darmanin

Sans la Covid, peut-être gloserions nous encore de ce court métrage de Benjamin Griveaux qui mobilisait tous les analystes politiques du pays en février dernier. Fidèle à Pierre Bayard qui parle des livres qu'il n'a pas lu, je crois que ce film que je n'ai pas vu n'aurait pu postuler à Cannes, ni au Mobile Film Festival qui se tiendra cette année avec comme thème l'empowerment féminin. C'est donc râpé.

Pour autant, ça n'a rien d'illégal. Rien de provocateur à l'encontre des violences sexuelles. Hormis pour le couple Griveaux (et pour la récipiendaire qui n'avait peut être rien demandé...), cette vidéo n'a rien de dérangeant. Rien. Pourtant, il est à peu près exclu que ce monsieur puisse un jour revenir en politique dans la lumière. Député jusqu'en 2022, voudra t'il se faire réélire ? Pourra t'il être investi ? Rien n'est moins sûr. Idéologiquement, Griveaux est tout ce que j'abhorre : entrée en ultra libéralisme par la gauche avec DSK, il a bossé pour une boîte de crapule (Unibail Rodamco) qui bétonise, enlaidit et spécule. Il a monnayé son influence et intrigué, intimidé. Ce type est répugnant. Mais si tous les types répugnants et affairistes doivent déserter la politique, ça va résonner creux dans les palais.

Dupond, c'est plus limite. Il danse sur les frontières du légal. C'est son métier, il est brillant, donc il sait comment rester dans les clous de la légalité, mais ça reste osé. De son "#Metoo est un mouvement rétrograde et pleurnichard" à son "Je n'aime pas qu'on parle de "lanceurs d'alerte" car ça les anoblit, de mon temps, on les appelait les balances", ses provocations sont des pelletées de sel sur des plaies béantes. Beaucoup plus malin que Zemmour, Rioufol et autres, il sait comment passer entre les gouttes. Que Belloubet ne fasse plus le job de Garde des Sceaux, c'est un understatement comme on dit en bon français, mais donner son poste à un provocateur né quand François Molins était disponible, c'est un choix que l'on qualifiera de brutal...

Et Darmanin, enfin, le truand aux deux affaires où il a avoué, dans les deux cas, avoir eu des relations sexuelles avec des femmes qu'il ne connaissait pas avant, qu'il n'a pas revu après, mais pour qui il a écrit une lettre pour l'une (pour effacer une condamnation) et passer un coup de fil pour l'autre (pour obtenir un logement). Encore une fois, peut être sera t'il blanchi des accusations de viol, mais c'est tout sauf une oie blanche. C'est plus qu'un margoulin, c'est une petite ordure qui choisit ses victimes, organise et orchestre leur disqualification en tant que victimes et empli d'un tel sentiment d'impunité qu'il ne voit pas pourquoi ces agissements devraient l'inciter à se mettre dans l'ombre. Au contraire. Alors même que l'enquête était réouverte le 11 juin dernier, il convoquait le JDD pour clamer son envie de Matignon, trépigner comme un beau diable au point qu'on lui offrit Beauvau en lot de consolation...   

Dans une France très passionnée, très clivée, on oppose argument et contre argument avec le même poids. Dans le Monde, les tribunes rappelant les faits sont réduites au même espace que celles qui tartinent des paragraphes creux sur le thème "présomption d'innocence" (pas le sujet) et "stop à la chasse à l'homme" (you cannot be serious). Cette mise dos à dos, égal à égal, profite évidemment à Darmanin qui est certes l'objet d'une haine de certains groupes, mais qui a reçu des témoignages de soutien du Président, du Premier Ministre et de tous ses collègues jusqu'à Schiappa qui a battu le record du monde de couleuvres avalées.

En somme, Griveaux a juste fait le con, mais rien de mal : blacklisté. Dupond a un lourd passif, intronisé. Darmanin a nui, humilié et terrorisé ses victimes, la question de sa promotion à Matignon voire plus haut se pose. Sur ce constat assez désespérant sur le genre humain, je m'en vais boire des coups... 

15/07/2020

Le macronisme est une langue de boeuf aux hormones

D'Orwell à Cécile Alduy en passant par Klemperer et Eric Hazan (et son délectable LQR), nombre d'essayistes ont pointé avec justesse, avec minutie, avec finesse, drame, ironie et distance comment la langue peut tout truander en politique, y compris faire passer les vessies pour des lanternes, le Beaujolais Nouveau pour de la Côte-Rôtie et le programme de Ronald Reagan pour Le Nouveau Monde progressiste. 

Le changement de cap, l'acte II, III, IV - on ne sait plus tant il n'y a jamais d'entracte au théâtre macroniste- a évidemment été accompagné d'un changement de vocabulaire pour que le spectateur-élécteur s'y retrouve. Exit la croissance aveugle, vive la croissance verte, mais pour se démarquer des vilains Khmers Verts d'EELV qui les ont humilié aux municipales, vive "l'écologie du mieux, pas celle du moins", sous-titrée par Castex "la croissance écologique, pas la décroissance verte". En 2016 une loi votée disait précisément "à chaque grand projet d'infrastructure nouveau, il faut respecter le principe ERC : éviter, réduire, compenser. Ne pas faire si ça n'est pas nécéssaire et si ça l'est, veiller d'abord à diminuer et à compenser les impacts sur la biodiversité". Les moratoires sur les centres commerciaux, le non abandon de la Montagne d'Or, l'encouragement au Lyon Turin et moult autres exemples prouvent que ce sain triptyque n'est, hélas, pas respecté. La croissance écologique ne dit rien à l'impérieuse priorité de sobriété. Comme on ne veut pas voir cette réalité au dessus de tous les autres, on renvoie les tenants de la sobriété à un caractère pusillanime et on affole les braves gens avec le mythe du "retour à la bougie". Sarkozy disait déjà la même chose, Madelin, Mathieu Laine aussi.... On peut le tourner dans tous les sens, rien de neuf dans le discours, trop de produits neufs dans les faits.  

Pour l'emploi. Exit les seules baisses de charges pour les jeunes, on vante une relance forte via l'insertion et le service civique pour "faire face à la crise" avec 300 000 contrats. Sur le papier, c'est joli, mais les contrats aidés sont passés de 450 000 à 133 000 en 3 ans. Manque à gagner ? 317 000. Le plan Marshall de crise ne nous ramène même pas au niveau de 2017. Pourrait-on plus nous prendre pour des jambons ? 

Pour la relance, Beria ne maquillerait pas les chiffres avec autant de talent. 100 milliards de relance, 20 milliards d'écologie.... Des chiffres qui incluent les prêts à Air France, à Renault, à Airbus, aux assurances (légitimes, hein) aux secteurs massacrés par la crise. Ça n'est pas une relance, c'est un barrage, une digue. Comme pour la recette du pâté d'alouette, on met un cheval de prêt et une alouette de relance, on appelle ça un plan de relance...

Un référendum pipé (juridiquement, ça ne tient pas) sur l'écocide dans la constitution et on se veut "plus dans la dialogue" quand on continue à mépriser et contourner les syndicats (le Ségur de la Santé ne faisant pas exception) ressortir un commissariat au Plan et on se veut futuriste et souverainiste en laissant Sanofi fermer des usines vitales, en France...  

La langue macroniste n'est même plus une insipide langue de bois, c'est une langue de boeuf, débordante d'OGM, immangeable et mortelle. Plutôt sauter un repas que de continuer à manger ça.