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09/07/2020

Bachelot, le chic sans chèque ne fera pas de choc

Ce matin, Roselyne Bachelot a passé son grand oral sur Inter. Pour quelqu'un qui n'avait rien à dire, elle fut parfaite. Autant Riester était hésitant, frileux, ignare et prudent, elle fut grandiloquente, joyeuse, chaleureuse, enthousiaste et volontaire. On aurait juré Jack Lang. Elle promet de déconfiner la culture. Avec ça...

Dès que les questions étaient vagues, elle brillait, dès que les interrogations se faisaient plus précises et plus chiffrées, elle piquait du nez. La réforme de l'audiovisuel public ? On casse ? On évince France 4 ? "L'audiovisuel public est de grande qualité et il faut tout faire pour le préserver". Avec ça. L'intermittence est un régime précieux, la diversité des festivals fait la richesse de la France... N'en jetez plus, elle a enclenché le ventilateur à lieux communs.

Imaginez Bruno le Maire dire "Air France est un fleuron" sans donner de chiffres d'aide pour une compagnie durablement à l'arrêt. Dire "les restaurateurs sont l'âme de la France" sans fonds de soutien et d'assurance ? Impensable, sans chèque le chic s'estompe. Or, la culture est, avec les professionnels de la Nuit, les derniers à ne pas reprendre. Quatre mois sans travailler. Une éternité... Et c'est pas fini. Alors les compliments sucrés vont rapidement amener une colère forte. Ne pas oublier la crise des intermittents en 2003 qui coûta son siège à Aillagon et déboucha sur des accords de progrès pour le secteur entier, Donnedieu de Vabres ayant obtenu le chéquier qui va avec le portefeuille ministériel. Sans doute Macron et Castex ont ils estimé que Bachelot était suffisamment fine politique pour zigzaguer et gagner du temps auprès des impécunieux. Calcul risqué. 

Hier Dupond Moretti était confit de joie alors qu'il ne parlait même pas, fait rare. Il écoutait Jean Castex annoncer que le budget du ministère de la justice sera augmenté dès cette année. On attire pas les mouches avec du vinaigre et Dupond qui avait juré ne jamais vouloir devenir ministre a sans doute accepté à la condition expresse de cette augmentation. Bachelot, non. Calcul très risqué.

Le Ségur s'achève bientôt, évidemment que l'hôpital a besoin d'argent. La justice aussi. La culture aussi, sans oublier l'éducation, grand oubliée de ces derniers mois. Pendant qu'eux gèlent, les 500 premières fortunes de France ont encore grossi de plus de 3% en un an. On parle de 730 milliards à elles seules. Soit 22 milliards sur un an. Ces seuls profits, qui ne correspondent pas au 1/10ème des détournements de fonds publics passés (légaux, c'est bien le drame, ils n'en restent pas moins injustes) suffiraient à financer les failles de l'été. Misère.

La langue de bois destinée à masquer un chèque en bois nous prépare une gueule de bois électorale. Tant de bois plutôt que de l'huile de palme, ça sera la seule contribution écologique de ce gouvernement... 

 

07/07/2020

Le macronisme est une filmographie de Lelouch

Comme le Covid 19, le macronisme alimente beaucoup de chroniques quotidiennes, d'essais cliniques ratés (les municipales) de fake news (il y aurait des macronistes de gauche), d'espoirs (il pourrait se réinventer), mais au final, c'est une belle saloperie de droite dont tout le monde redoute que la prochaine vague soit plus meurtrière encore. 

En écoutant Alexis Kohler (que ses conflits d'intérêts grands comme un porte-avion n'ont pas chassé du secrétariat général de l'Élysée) décliner la composition du nouveau gouvernement, je me suis dit que vraiment, le macronisme était une filmographie de Lelouch. Comme lui, il a, au culot et malgré un passé navrant (le CICE, l'extase devant Uber, la loi sur les autocars, le bilan du conseiller économique et ministre Macron n'est pas emballant emballant...) réussi un coup de maître : "un homme et une femme" pour l'un, écarter la brute (le Pen) et le truand (Fillon) pour faire rentrer le bon petit à l'Élysée, pour l'autre. Ce joli coup de jeunesse reste une anomalie de carrière dans les deux cas.

Depuis cinquante ans, Lelouch multiplie les navets avec une constance, une régularité, une abnégation et une incapacité à remettre en question son cinéma qui force, si ça n'est le respect, du moins l'admiration. Macron l'imite sur trois années seulement, car tout s'accélère. Et quand ils touchent le fond, ils tentent des coups de casting, pour renouer avec leur glorieux premier coup. Lelouch a fait "un homme et une femme, vingt ans après", et aussi "les plus belles années d'une vie", troisième volet cinquante ans après ; dans le macronisme, ça serait le grand débat qui se voulut une reprise de la Grande Marche de 2016-17 et le chimérique "acte 2" qui n'en finit pas de ne pas revenir.... Lelouch a aussi prétendu s'être fait voler un scénario, forcément génial ; Macron avait une révolution sociale et écologique, empêchée par le Covid... Et puis il y eut "homme femme, mode d'emploi" avec Bernard Tapie et Ophélie Winter qui n'est pas sans rappeler les choix d'hier avec Eric Dupond-Moretti et Roselyne Bachelot...    

Depuis cinquante ans, Lelouch désespère critiques, producteurs et spectateurs, de n'avoir pas su se taire après une belle première inspiration. Macron nous aura lassé, du grand public jusqu'à ses fans, en trois ans seulement. Deux années de chabadabada supplémentaires, ça va être infiniment long.  

05/07/2020

La haine

Hier, nous sommes allés dîner dans un de ces micro-restaurants transfigurés par le déconfinement, avec le droit à une terrasse très étendue, sur une place piétonne accolée à un square. Du vert sous les yeux, pas de bruit de voitures dans les oreilles, un régal pour les papilles dans les assiettes, la soirée s'annonçait parfaite. Et puis j'ai dévisagé mes commensaux. Pas de doute possible, Sibeth Ndiaye et Cédric O dînaient à quelques mètres de nous. La menteuse en chef assumée et le petit télégraphiste 2.0 faisaient basculer mon humeur de primesautière à ténébreuse.

En les voyant, je repensais à la lettre de François Ruffin à Emmanuel Macron dans le Monde, le 4 mai 2017, juste avant son élection "vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï dans les classes populaires". Ça n'était pas audible, nous étions à deux jours du second tour d'une présidentielle où Macron était le dernier rempart face à Le Pen. Deux jours plus tard, tout le monde retiendrait les 66% du président élu, pas le fait qu'il ne réunissait pas, loin s'en faut, 50% des inscrits. Seule la France qui va bien l'avait élu. Elle le confirma aux législatives, le soutint aux européennes pour le lâcher aux municipales, les bourgeois de centre ville préférant EELV. La bascule démocratique engagée en seulement trois ans est vertigineuse, en voix. Des millions de dégoûté.es pour qui personne au pouvoir n'a jamais un mot, jamais une décision qui irait dans le sens de leurs revendications.

Des millions de personnes qui ont défilé contre des réformes anti-sociales, parfois en chasuble jaune, parfois derrière des pancartes réclamant la justice sociale, la justice écologique ou le respect de la justice tout court. Rien. Pas un mot et pas un geste pour toutes ces souffrances. La réforme des retraites, suspendue pendant la pandémie, revient déjà au triple galop. Les férias sont interdites cet été, mais la macronie rend hommages aux toreros en agitant mille chiffons rouges. Vendredi, Macron a remplacé Edouard Philippe par Jean Castex, l'architecte de la T2A et à l'origine du délabrement accéléré de l'hôpital public par une accélération de la logique de gestion... Ces choix relèvent de l'insulte permanente, renforce le sentiment d'impunité totale dont se goberge ce pouvoir, persuadé d'être invulnérable car seul rempart au RN, et persuadé aussi que le "front républicain" sera éternellement majoritaire dans ce pays.

Ruffin a eu raison avant les autres. La macronie est haïe comme aucun pouvoir avant. A les voir, je sentais monter des bouffées de haine, j'avais envie d'aller leur hurler dessus et je pense que sans leurs enfants, je l'aurais fait. Contrairement aux curés et aux entraîneurs de patinage artistique, il est pour moi acquis que jamais ô grand jamais, on ne touche aux enfants.

Pendant les manifestations des gilets jaunes, nombre de permanence de députés ont été vandalisés, parfois caillassés, parfois des départs d'incendies. Marlène Schiappa a eu le droit à un rassemblement d'énervés devant ces fenêtres. Benjamin Griveaux une intrusion au trans palette dans son ministère... La haine transpire, mais elle transpire d'autant qu'elle reste sans effet. L'impunité et l'absence de prise en compte du désespoir populaire est dans toutes les décisions. 

La haine est mauvaise conseillère. Elle peut pousser à la claustration, ou au contraire à des votes de colère, des actions de colère. La haine brouille la raison. C'est toute la différence entre un Ruffin qui reste au niveau et mène une contre attaque digne et programmatique et Juan Branco qui attaque sous la ceinture. Il ne faut pas céder à ses facilités et tendre la main aux colériques de toute part. Contrairement au film la Haine, Jusqu'ici tout ne va pas bien. Pas bien du tout. Pour autant, le reste est toujours valable : l'important, ça n'est pas la chute actuel, mais l'atterrissage qui peut encore ne pas être un crash.