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07/02/2021

Homo sapiens sapiens confinus

-Hier, je suis rentré chez moi vers 19h, les rues étaient pleines de gens.

- Ha, c'est étonnant, puisqu'à 19h, tout est fermé. 

- Que veux-tu Vincent, peut-être voulaient-ils simplement rentrer chez eux, ou encore se déplacer, marcher, discuter. Peut-être même vivre.

- Vivre, quelle drôle d'idée quand même... 

Je m'en tirais par une pirouette, mais, malgré moi, je m'étais sincèrement demandé pourquoi les rues seraient pleines à 19h. Pas par peur du gendarme, mais puisque tout est fermé, à quoi bon sortir ? Toutes les salles de spectacles, concerts, théâtre, danse et autres, mais tous les troquets où on allaient avant, après, à la place. Ce que mon pote me répliquait était qu'on pouvait confiner la consommation, l'économie, on ne peut pas empêcher (en démocratie, du moins) les populations de donner un semblant de logique à leur existence. Marcher, quand la privation d'activité physique constitue le mal paradoxal du 21ème siècle avec un nombre de malades de claustrations qui explosait déjà avant le Covid et tendance évidemment soulignée par la pandémie. Parler, quand l'isolement et la solitude gagne du terrain sans jamais en rendre. 

Aucune étude, mais alors aucune n'a jamais trouvé de contaminations importantes en extérieur. Aucune. Mais les conseillers qui ont été possible d'imaginer un "effet noël" (qui ne vint jamais) un "effet jour de l'an" (pas plus) et imposèrent un tour de vis contre "l'effet apéro", veulent montrer qu'ils luttent en imposant, en sanctionnant, en nous renvoyant au coin. Cohérence de la sanction ? Aucune. Qu'on en appelle à la responsabilité de ne pas faire des fêtes privées, de de pas faire des dîners tassés, des réunions nombreuses, bon. Mais empêcher toutes et tous les célibataires de voir un.e autre personne, à quoi bon ? Interdire des micro dîners aérés, à quoi bon ? Il n'y a pas de cohérence...

Pour une expo star où l'on serrait tassés en diable, on ferme tous les musées alors que dans 99% des cas, on pourrait les ouvrir sans rien de rien y craindre (il suffirait de mettre une jauge devant la Joconde). Pour un amphi bondé en droit ou en médecine, on ferme les facs alors que l'écrasante majorité des cours pourraient se tenir et devraient se tenir pour éviter un inéluctable décrochage mental, moral, scolaire, de nos étudiant.es... Et ainsi de suite, ad nauseam.

L'homo sapiens sapiens confinus à sa cohérence que la cohérence ignore... 

02/02/2021

Économie à 92%, mon cul

Un statisticien est une personne qui peut avoir la tête dans un four et les pieds pris dans la glace et dire qu’en moyenne il se sent bien.”. J'ai repensé à cette plaisanterie éculée en entendant l'économiste de l'OFCE Eric Heyer vanter la résilience de l'économie française car "après un premier confinement où l'activité s'était contracté de 30%, elle ne s'est contracté que de 8% lors du confinement de novembre. Donc, elle tourne à presque plein régime". Et les intervieweurs et lui de deviser sur ces 92% avant, heureusement que la spécialiste de la dette Anne-Laure Kiechel ne rappelle que cela ne veut rien dire car les boutiques alimentaires, de bricolages ou de jeux vidéos font des années records, quand le monde de la culture et les restaurateurs en sont à envisager la corde comme seule issue... 

L'anecdote est assez révélatrice du traitement trop souvent global de l'actualité sociale et économique par temps de Covid. En 2008, les banques étant à terre, toute la chaîne de financement de l'économie souffrait et, fatalement, tous les secteurs étaient plus ou moins touchés (sauf le recouvrement et les entreprises d'expulsions de logements avec impayés...), on pouvait regarder des grands indicateurs avec intérêt. Mais là, cette année, c'est une crise déclenchée où l'on décide de qui peut continuer, qui ne peut pas ; qui est "essentiel" ou "superflu" pour reprendre un distinguo précédent... Regarder la contraction économique du pays à un sens pour l'INSEE, pour les personnes chargées de calculer les rentrées fiscales ou, au contraire, les dépenses et prestations sociales qu'il faudra sortir, c'est tout. 

Pour le reste, du sectoriel, du sectoriel, encore du sectoriel. 92% dans un pays riche, c'est mieux loti que nombre de cas, il n'y a pas de quoi s'alarmer. On n'est pas malheureux quand on est à 92%... C'est très rassurant, 92%. Mais alors que le chômage partiel commence à refluer en termes d'indemnisation, que nombre de personnes jettent l'éponge devant des PGE irréalisables, l'évidence est là : quand on va arrêter le respirateur artificiel des aides, le coeur de nombre d'entreprises culturelles, touristiques, industrielles, ne repartiront pas. Faut arrêter de dire 92% comme on rassure des malades de cancer en stade terminal avec des statistiques positives sur leur maladie en général sans parler de l'irrémédiable évolution de leurs tumeurs en particulier... 

01/02/2021

Privé de tout, y compris de vie privée

On parle beaucoup des "restrictions" ou des "limitations" sanitaires. Des termes empreints de raison, de rationalité. À table, quand on a la chance de pouvoir la garnir, il est de bon ton de savoir s'imposer des limites, faute de quoi on ne rentre plus dans nos vêtements et on roule sous la table. Aussi, on nous présente les mesures actuelles comme raisonnables, comme un peu moins d'hédonisme, à peine un sacrifice. En réalité, on est privé de tout, y compris de vie privée et ça a de de quoi rendre, littéralement, fou.

Au premier rang des privations, celle de travail. Je pense aux centaines de milliers de personnes, peut être plus littéralement empêchées de faire leur travail et de gagner leur vie avec cela. Dans le lot, il y en a sans doute qui n'aimait pas leur poste, leur chef et autre, même elles et eux, à choisir, préféreraient reprendre, retrouver la sociabilité du quotidien, des repères et une justification sociale dans un monde où notre rapport au monde est surdéterminé par notre profession. Et puis il y a la majorité, celles et ceux qui aiment, qui adorent leur job et qui ne comptent pas leurs heures. Ironie sombre, dans les entrepôts Amazon où la haine du taff est forte et l'emploi souvent subi, on est à 100% de présent.es, chez les ami.es du spectacle ou de la table, métiers choisis, privé de dessert, de plat, et même d'entrée. Et évidemment, à cette déprime profonde, s'ajoute la détresse sociale, chaque mois plus prégnante : même dans un État comme le nôtre où les amortisseurs sociaux sont puissants, le compte n'y est pas. Le maintien de l'intermittence ça ne sont pas les cachets, le chômage partiel ne compte ni les pourboires ni les extras qui représentent des sommes importantes pour toutes ces professions. Misère. 

Du côté de celles et ceux qui travaillent, le premier flic de France a bien rappelé que la priorité c'est le télétravail. Un rapport de 2017 des Nations Unis disaient que 25% des travailleurs sur place éprouvaient du stress au travail contre... 41% pour les travailleurs à distance. Et pour cause... Personnellement, je me sens très libre à distance, mais 1/ Personne n'a de prise hiérarchique sur moi 2/ Je n'ai aucune pression financière 3/ j'ai été formé à ce que je dois faire donc je n'ai pas besoin d'interactions pour rendre mes travaux... C'est le cas de 1% des gens. Le complexe du petit.e chef.fe est évidemment exacerbé par ses situations, où la frontière vie pro vie perso n'existent plus avec des mails à heures délirantes, indues, week-end inclus et les subordonné.es se sentent obligé.es de répondre presta. Pour celles et ceux qui ont encore un travail, la vie se limite à ça. Misère bis, pas financière, mais misère quand même. 

A part les soignant.es, (et encore...) et on les comprend, personne n'a intérêt aux privations que l'on subit. Les vieux veulent pouvoir vivre leurs dernières années en profitant des derniers plaisirs qui leur reste ; emmener des petits enfants goûter dans un café, aller à un spectacle. Les jeunes veulent vivre leur jeunesse à plein poumons et quoi de ne plus normal et nous voulons une vie plus étendue que travail, famille, patrie, puisque la dernière astuce pour limiter le virus, c'est de fermer les frontières. A défaut de Pétain, on pète un câble.