25/08/2014
Ce satané problème du chef à gauche
Bien sûr, on pourrait convenir d'emblée que Valls et Hollande ne sont pas de gauche et arrêter là. Mais puisque nos institutions les reconnaissent quand même un peu de ce côté là, on peut ajouter leurs noms à la liste tristement longue de ces dirigeants politiques de gauche qui ne savent pas être des chefs. Des tueurs.
Je lis que l'entourage de Valls jappe qu'une "ligne jaune a été franchi". Tu parles, Charles. Virer Montebourg et Hamon ? Ils évoquent plutôt "une clarification". On va avoir le droit à quelques chikayas, des moulinets, mais rien. Car le fait est que depuis plus de deux ans, on peut dauber sur ces chefs là... Qui n'en sont pas, au sens politique du terme : ils n'inspirent pas le respect suffisant pour qu'on évite de leur marcher dessus. Hollande s'en fout franchement, il a trop l'habitude. Pendant 10 ans à la tête du PS, les lazzis et quolibets étaient son quotidien. Le pauvre homme a depuis longtemps été habitué de ne pas être pris au sérieux... Il n'y avait donc rien à attendre et sauf cataclysme, cela durera jusqu'en 2017.
Ce qui m'amuse (autant que ça me navre) c'est de voir que Valls aussi est un cow boy en carton pâte. Pas d'épaisseur, de la raideur en toc. Les grands chefs à plume en politique ne prennent jamais le temps de sortir la sulfateuse, ils intiment l'idée que ça pourrait gronder et tout se calme. Qui aurait critiqué ouvertement Sarkozy bien sûr, mais aussi Chirac ? Quand Sarkozy avait fait le mariole avec Balladur, 5 ans de goulag. Balladur ? Rayé des cartes. Ad lib. Idem pour Sarko ; s'il a fait des dizaines de malheureux avec ses remaniements ministériels, aucun responsable politique de premier plan ne s'est opposé au Président. Le plus véhément fut sans doute Devedjian et quand on voit ce qu'il a ramassé...
Si Valls était doté de cette aura là, jamais Montebourg ne se serait permis ce truc énorme : convoquer le Monde dans son bureau pour expliquer que Valls fait une politique de crétin... Et là, Manuel est face à un dilemme chiffré : ayant dévissé de 9 points dans les sondages en un mois (pour le plus grand plaisir d'Hollande qui résout du même coup l'éventualité d'une primaire dans son camp pour 2017), il commence à payer son volontarisme sans ligne. La droite déchante face au bad boy, mais c'est surtout les sympathisants de gauche qui le quittent. Attaquer l'aile gauche n'est donc sans doute pas l'attitude la plus intelligente à inventer.
Ce problème de leadership pose des problèmes plus pénibles que les querelles d'ego. Elles témoignent de l'absence d'une ligne claire. Sous Mitterrand ou sous Jospin, les critiques existaient, bien sûr, mais restaient sous le boisseau. L'aura de Jospin faisait cohabiter Mélenchon et DSK dans le même gouvernement. 35h et CMU pour le second, quelques privatisations pour le second : une synthèse, quoi. J'espère qu'Hollande et Valls ont profité de leurs vacances pour réviser leur histoire et en tirer les conséquences...
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24/08/2014
Et si la donne changeait ?
Il se passe quelque chose au royaume de France où l'on aime à dire que tout est pourri. Plutôt que de me lancer dans une ode de groupie, je me contenterais des faits. Un samedi d'août à Amiens, alors qu'il fait soleil, 900 personnes réunies dans un amphi pour écouter 2 philosophes et 2 économistes parler de la crise pendant plus de 2h et demie... La photo à gauche en est tirée. Plein à craquer, nous avons commencé (j'animais) avec une demie heure de retard, le temps d'ouvrir le second amphi... Et il y avait encore des ateliers en parallèle.
Ces premières journées d'été de Nouvelle Donne m'ont fait du bien au moral. Une foule nombreuse, attentive et studieuse, curieuse aussi (une heure de questions) et surtout déconnectée des enjeux électoraux immédiats. Ce parti crée il y a six mois a des résultats modestes dans l'absolu (3% aux européennes) mais très importants si on les rapporte à la jeunesse du mouvement. La barre des 10 000 adhérents franchis en si peu de temps interpelle sur le vide à gauche. Le PS, premier parti de France, c'est 120 000 militants, dont 3/4 d'élus ou de personnes travaillant directement avec le parti... Là, j'ai vu des personnes de toutes âges, très mixtes (plutôt très blanc, soyons honnêtes) venir échanger, proposer et ne jamais baisser le niveau. Des ateliers, des propositions sans formule, un premier livre à 70 000 exemplaires, un second sur le chômage prévu à 100 000. C'est cette intransigeance avec l'exigence qui m'a séduit.
Le leader du mouvement, Pierre Larrouturou, est très abordable. Pour avoir dîné avec lui, je n'ai pas reconnu le portraitisé dans la presse, souvent dépeint par ses camarades du PS qui le déteste... Bien sûr il est possible qu'il pense à 2017, mais contrairement à d'autres, non seulement il dit que ce n'est pas le sujet, mais il les énumère sur le fond : démocratie (lutte contre l'abstention), emploi, partage du temps de travail et des richesses, transition énergétique.
3% c'est trop peu pour peser sur le PS, mais celui ci est dans un état cataclysmique et s'enfonce dans la rhétorique thatchérienne du il n'y a pas d'alternative... Il faut lui en apporter une et une seule, rassemblant toutes les forces de gauche. Ce que j'ai vu ce week-end ressemblait bien à des fondations de reconquête. Plus qu'à construire. Pour m'avoir redonné de l'optimisme cher Nouveaux Donniens, merci.
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23/08/2014
Le gouvernement de la gauche incantatoire
On a beaucoup critiqué le gouvernement précédent pour ne proposer "que de la com". Trop de poudre aux yeux, de réformes survendues, de fausses promesses. Le MEDEF l'accuse de ne pas avoir vraiment libéralisé l'économie française et la gauche l'accuse d'avoir euphémisé des réformes lepénistes. Bon. Les historiens politiques jugeront ces gouvernants là. Mais les commentateurs pourraient apporter un autre éclairage sur l'actuel, celui de la gauche incantatoire. Celui qui n'a plus que les formules creuses pour sauver sa morale, de gauche.
La démarche de Cécile Duflot manque d'élégance, assurément. Quand on assume de travailler dans un gouvernement pendant aussi longtemps, on ne crache pas dans la soupe par la suite. Ca n'est pas poli. Pas très cohérent non plus. Elle est assurément une sale gosse. Pour autant, on ne peut lui nier d'avoir commencé ses critiques alors qu'elle était encore en poste, contrairement à un Hamon qui avale couleuvre sur couleuvre avec le sourire... Par ailleurs, dans sa charge contre le gouvernement Valls, elle déclare quelque chose d'assez irréfutable : "quand on insulte les grévistes, qu'on stigmatise les Roms et les immigrés, quand on dénigre l'impôt, qu'on reprend les propos du MEDEF sur les entreprises, qu'est ce qu'on a encore de gauche ? Manuel Valls qu'est ce qui le sépare de Sarakozy sur le fond ? S'il était si sûr de ses valeurs, il n'aurait pas besoin de répéter toutes les 3 phrases, "je suis de gauche". Effectivement quand on a honte, on crie le contraire. Les homos honteux s'époumonent pour faire croire à leur hétérosexualité... Camarades socialistes, ce n'est pas une honte d'être de droite, mais sortez du placard !
D'un point de vue rhétorique, ce qui est embêtant, c'est que nos amis reprennent la martingale de Thatcher : there is no alternative. Vous êtes avec nous, ou contre nous. Notre programme, notre politique est la SEULE. De Sapin à Valls, de Cazeneuve à Hollande, le pire n'est pas leur politique (c'est dire) mais la véhémence avec laquelle il essaye de faire croire qu'il n'y en a pas d'autres possible. J'imagine bien que c'est pour réduire l'espace à droite pour 2017, mais d'un point de vue idéologique, c'est déplorable. Pour éviter la sinistrose de rentrée, m'en vais à Amiens aux journées d'été de Nouvelle Donne où je suis sûr d'entendre des tas d'alternatives.
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