02/11/2014
Les charognards de l'info
On ne le dira jamais assez, mais l'objectivité est une quête plus ardue que le Graal. Mais à tout le moins, on doit pouvoir se débrouiller sans trop de souci pour atteindre la neutralité. Depuis quelques jours que se noue un drame autour du barrage de Sivens, on est à même de se pincer devant le malin plaisir par de très nombreux journalistes, télés comme radio pour amalgamer à souhait et faire monter une tension nauséabonde.
Bien sûr, on aurait aimé que les réactions des hiérarques du PS suite à la mort d'un botaniste, incarnation paroxystique du pacifisme, soit plus dignes. Qu'ils soient de suite auprès de la famille du défunt, rappellent que c'est un drame de mourir pour défendre ses convictions et avouent sans fard que les forces de l'ordre se sont rendues coupables d'un tragique accident. Point. Non, ils ont préféré surfé sur une ambiguïté inutile pour ne pas taper sur les flics. Bon. C'est lamentable, mais avec le PS, nous n'en sommes plus à ça près.
Depuis, des rassemblements pacifiques se déroulent partout en France. En marge, des anars stupides viennent dans le but évident et unique de casser. Du manifestant, du flic, de la boutique. Pas une once d'idéal écolo là-dedans. Pourtant, les images les montre avec gourmandise aux côtés des manifestants, comme s'ils en étaient les mauvais génies. De qui se moque-t-on ? Ils n'ont rien à voir avec le combat contre un barrage. Et tous les éditorialistes, la bouche en coeur "le mouvement se radicalise, cela vous inquiète-t-il" ? Le pauvre Michel Sapin est bien emmerdé pour répondre. Pire, la même question à Laurent Wauquiez donne une réponse sans nuance : "oui je suis inquiet car le pouvoir semble illégitime et cela risque de mener vers des explosions de violence". Le journaliste d'RTL, par le sang alléché "vous sentez monter cette violence". Wauquiez, "oui, elle s'exprime au grand jour dans ces manifestations".
On récapitule : quelques centaines de connards, qui, comme dans toutes les manifs ces derniers temps (Mariage pour tous, Gaza...) n'ont rien à voir avec l'objet de la manif, mais viennent pour foutre le boxon. Les journalistes les assimilent goulument à des manifestants et décrètent qu'il y a radicalisation et affaiblissement du pouvoir en place. On devrait leur retirer leur carte de presse comme à d'autres leur permis. Avec stage de réinsertion à traiter de la dépêche AFP honnêtement. Charognards...
19:47 | Lien permanent | Commentaires (0)
28/10/2014
Congélation, piège à cons.
1 million de personnes qui descendent dans la rue pour empêcher les homos d'avoir accès à la PMA quand tant d'hétéros y recourent chaque année. A entendre les marcheurs, ils hurlaient aussi contre "l'ouverture de fermes à GPA en France, sur le modèle indien". A date, ça n'existe pas en France, il s'agissait donc d'une marche prophylactique. Fort bien.
Dans ce cas, pourquoi n'y a t'il pas eu 2 millions de personnes pour marcher contre les décisions américaines de congélation d'ovocytes pour les salariés d'Apple, Facebook, Google et d'autres entreprises de la Silicon Valley ? Trop loin, trop privée comme initiative, trop futuriste, trop anecdotique ? Aucun des arguments avancé ne pourrait trouver grâce à mes yeux. Cette nouvelle est proprement vomitive.
Séparons d'emblée le grain de l'ivraie et la médecine neutre de la folie managériale. Si l'on vous dit que vous avez une maladie dégénérative pour vos ovaires ou votre sperme et que l'on vous incite à en congeler avant que les choses n'empirent pour mettre de côté un maximum de chances d'avoir des enfants avec vos gamètes, c'est une chose. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Là, donc, des entreprises ont proposé d'avancer des frais médicaux de l'ordre de 20 000$, pour congeler leurs oeufs. Un nouveau registre sémantique de l'ordre du festif est de sortie, les Eggparties où se réunissent les femmes, la Eggbank où on les dépose... Comme toujours avec les américains, la chose se produit sans conscience préalable : on peut, donc faisons ; où est le mal ? La, les psys vous diraient où est le mâle mais c'est un autre sujet...
Décision vomitive à double titre, donc. D'abord, parce que cela entérine cette dangereuse dérive dans une religion scientifique que l'on observe de plus en plus Outre-Atlantique et chez Google. L'idée que tout se remplace, s'implante, se modifie, se congèle, sur commande, sans jamais penser à la psyché, à la culture, à l'humain qui n'est pas préparé à cela... Si la science le peut c'est forcément bon. C'était bien la peine de se libérer de l'emprise religieuse pour replonger aussi idiotement dans une autre croyance aussi folle et dangereuse, si ce n'est plus. Il suffit de lire les déclarations de Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo et importateur de cette pensée scientiste en France, qui pense que demain nous pourrons recruter les meilleurs sur leurs QI, de façon prédictive, dès 7 ans, qui pense qu'on pourra traiter le cancer en quelques clics (99% de la communauté scientifique le désavouent et 1% espère accéder à ses subsides) et autres billevesées. Quand on lit des conneries pareilles, on se réjouit tout de même que Chirac ait inscrit le principe de précaution dans la Constitution même s'il fut largement attaqué là dessus. Merci Jacquot !
Second hoquet vomitif, donc, l'emprise du capitalisme triomphant quand tout le monde l'annonce moribond. Quel plus fort emblème du capitalisme que la domination masculine ? Depuis des années, tout le monde dénonce un modèle de management, une conception et une organisation du travail qui profite aux hommes parce que ceux-ci sont plus enclins à tout sacrifier pour leur carrière. Notons pour en connaître beaucoup qu'ils ne sont ni plus brillants, ni plus compétents ni meilleurs, juste plus disponibles. Nombre de jocrisses expliquent la sous-représentation féminines chez les dirigeantes par les quelques semaines passées en congés maternité et par leur moindre disponibilité post partum lié au fait qu'elles s'occupent des enfants. Deux remarques : 1/ Ou sont les pères ? 2 / Moins disponibles pour quoi ? Qui pense vraiment que la présence est un marqueur d'efficacité ? Ridicule... Tout le monde sait ça, il fallait donc enfin que l'on torde ce modèle en proposant des réformes de fond qui interdisent les réunions trop matinales ou trop tardives et on fait l'inverse. Pour glorifier un modèle à bout de souffle, on entérine ce qui perd et l'étend à tous en espérant que les femmes prendront la relève de l'armée des prêt à tout pour le boulot. Ca me fait penser à des poulets à qui l'on tranche la tête mais qui continuent à courir. Si c'est vraiment ce qu'ils cherchent... Le vaccin contre le côté obscur de la force n'existe pas, restons vigilants.
09:39 | Lien permanent | Commentaires (2)
26/10/2014
A-t-on encore le droit à un physique de radio ?
Long décryptage média dans le Monde, avant-hier. Sujet : l'avenir de la radio. Et il semblerait que ce dernier passe par... la vidéo. Un non sens historique déjà dénoncé avec force dans une chanson politique des Buggles, "vidéo killed the radio star". Malgré l'autorité scientifique du groupe, nous nous enfonçons dans l'hérésie...
Heureusement pour nous et comme toujours dans l'histoire des médias, ceux-ci se superposent les uns sur les autres, sans se tuer. On va encore beaucoup au cinéma après l'invention de la télévision. On lit encore de la presse et des livres après l'invention d'Internet. Chacun s'adapte et crée des formats uniques, pour que l'on continue à y trouver une originalité. La presse écrite avec décryptage, analyse, recul, bref celle qui ne singe pas le flux continu d'Internet, continue de se vendre. Cette évidence est actuellement mise à mal avec la radio qui, sans qu'on lui ait rien demandé, singe Internet et la télé. La vidéo devient de plus en plus prégnante jusqu'au ridicule. Ridicule parce que des plans fixe sur un studio a un intérêt discret.
La raison pour laquelle la radio mue aujourd'hui est que les jeunes ne l'écoutent plus assez. Si les matinales des quatre grandes généralistes (Info, Inter, Europe 1, RTL) rassemble encore plus de 25 millions de personnes et donnent donc le La de l'info à venir pour la journée, il n'y a pas assez de jeunes qui écoutent. Ils regardent la télé les saloupiots. Et comment on les récupère ? En mettant des images sur la radio puisqu'ils veulent des images. CQFD...
C'est navrant au-delà de tout, cette propension à détester la fiction. A haïr l'imaginaire, à vouloir tout formater. On sait que la parole politique à la radio diffère de celle à la télé. Sans caméras braqués, avec un peu plus de temps, on peut plus se lâcher. Pour entendre des choses originales, il faut écouter la Matinale de Culture où les mêmes responsables parlent de façon beaucoup moins corseté qu'ailleurs. Regardez les rediffusions d'Europe ou d'RTL et vous verrez le raidissement en marche. Les tics, les éléments de langage, les tenues apprêtées.
Une vanne un peu stupide circulait parmi les rédacs de journalistes "tu as un physique de radio" par opposition à un physique de télé. Au-delà de la boutade, la radio offre le droit à l'indifférence sur l'apparence, le droit de ne pas être conforme à des canons toujours un peu enfermant. Jean-Claude Ameisen n'aurait pas fait carrière à la télé, même Taddeï est bien plus fascinant en radio ("le tête à tête" son émission sur France Culture malheureusement déprogrammée) qu'à la télé. Plus libre, plus inventif. C'est une telle évidence que je ne conçois pas que d'imbéciles patrons de radio aillent à l'encontre. Le sémillant Mathieu Gallet nouveau patron de Radio France n'a pas "vendu" autre chose lors de son grand oral : digitalisation avec vidéos à outrance pour les revendre. La radio qui vend son âme en images... Ils sont vraiment devenus fous, mais cons surtout. Espérons qu'ils réécouteront les Buggles et reviendront sur ce contre-sens historique.
08:40 | Lien permanent | Commentaires (4)