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18/02/2013

Le livre dont un algorithme est le héros

P1000993.JPGSans l'opiniâtreté convaincante de la libraire, je n'aurais pas pris le livre. Couverture apocalyptique, mise en page minimale et écriture comprimée, l'objet n'était guère attractif. Heureusement, l'éditeur attentif a bien fait son boulot et l'intrigue m'intriguait (ce qui, convenez-en, est mieux que le sujet me sujétait). Enfin, le livre était placé sous le patronage d'Henry Ford : "il est appréciable que le peuple de cette nation ne comprenne rien au système bancaire et monétaire. Car si tel était le cas, je pense que nous serions confrontés à une révolution avant demain matin". Sages paroles qui me donnait envie de lire la brève, suite.

Le livre fait 111 pages. Il peut donc concourir au prix de la page 111 avec un sérieux avantage, c'est la conclusion. La page 112 du livre pourrait emporter le prix de la page 112 (qui existe aussi, je ne sais plus lequel des 2 a la primeur) dans la catégorique "plénitude de vide". Le narrateur est un algorithme. Heureusement pour nous, cet algorithme pense et écrit comme un homme ce qui nous permet de tout comprendre au histoire de trading haute fréquence. Comprendre que les sommes en jeu nous dépasse, que les enjeux sont colossaux et qu'il n'y a absolument aucune logique, aucune rationalité et, truisme, aucune humanité dans cette finance des machines.

On sort de ce bref opus choqué par la brutalité du monde, désireux d'adhérer à l'ONG Financewatch et prompt à se dire que l'écartèlement en place publique pour ceux qui spéculent sur les matières premières n'était peut être pas une mauvaise chose...

On en sort également décillé sur l'incapacité à réformer certaines logiques actuelles, puisque proprement inhumaines. On entend mieux la crise des responsabilités puisque les machines ont réussi à cramer 600 milliards d'euros en 44 minutes sans qu'aucun humain ne soit jugé coupable. Enfin, on en sort déprimé en constatant que ces horreurs qui auraient épouvanté Asimov n'ont pas bougé d'un millimètre après Lehman Brothers. La prochaine crise couve donc, au frais, dans les datas centers...

15/02/2013

Pourquoi ne pas monter la majorité à 28 ans ?

1889881247_1.jpgL'histoire s'écrit parfois avec un réalisme plus cru dans les romans. Lisant Les Déclassés de Jean-François Bizot, publié en 1976, mais dont l'intrigue commence au milieu des années 60, je me mis à réfléchir sur la jeunesse à travers les âges.

On suit le héros, Hugues, démangé par son bas-ventre au-delà de toute expression et de tout autre sujet. Comme souvent à 17 ans, il n'est pas très sérieux, mais prend ces choses là très à coeur. Par la suite, il réussit un concours d'études d'ingénieur et on le voit trimer en usine, parler dans des réunions avec des ouvriers, militer, défiler. L'hygiène n'est pas la première de ses priorités, alors. Une vie âpre qu'il mène seul. Les parents d'Hugues disparaissent dès les premières pages et il s'en sort sans eux. Pourtant, vers la centième page, on nous apprend qu'il devient majeur. Le quotidien de ce jeune homme était si autonome que j'en avais oublié qu'il fallait alors 21 années pour faire d'un jeune français un adulte au sens légal du terme. 

Depuis, grâce à la modernité de VGE, il n'en faut plus que 18. Lorsque la question ressurgit dans le débat public généralement, on pense à nouveau à un abaissement de cet âge. Les Verts et autres mouvances progressistes proposent d'avancer la majorité à 16 ans. Debout la gauche ! Notez, elle est rejointe, voire dépassée sur ce point par nos amis droitiers qui proposent d'abaisser la majorité à 12 ans. Enfin, pour les délinquants. Oui, à 12 ans on est plus un môme qui suce son pouce, mais une ordure en puissance, un malfrat, un dur un tatoué un vrai de vrai. Il est donc certaines circonstances où l'on est prêt à émanciper notre belle jeunesse hexagonale. Pour le reste en revanche ? Moyenne d'âge du premier CDI ? 28 ans ? Compliments ? Premier appartement occupé seul sans aide parental ? Tabou ? Je ne parle pas de l'achat...

Ce phénomène a été illustré par Chatilliez dans Tanguy. Film qui n'a fait rire personne en Espagne ou en Italie, où les Tanguy ne sont pas les exceptions que l'on pourrait présenter dans une fiction, mais la norme. Avec la crise, nombre de jeunes ibères qui avaient pris leur envol ont du retourner, penaud, au bercail familial. Difficile de se sentir adulte en la matière. 

En France, la précarité des jeunes fait moins débat, en dépit du fait que ladite jeunesse fut la priorité de la campagne d'Hollande François. Pour l'heure, les perspectives ne sont pas à l'embellie et ce ne sont pas les emplois d'avenir qui endigueront à eux seuls cette réalité crue : 25% de chômage, 50% dans les quartiers classés politique de la ville. Aussi, chers camarades socialistes, je vous offre cette mesure gratuite qui calmerait le jeu pour un temps : passez la majorité à 28 ans. Et quand des jeunes de 26 ou 27 ans vous demanderont ce que vous pouvez faire pour eux, vous aurez le loisir de leur répondre "ne faites pas l'enfant".

13/02/2013

Qu'est-ce que le temps juste ?

316fKIoIw+L._SL500_AA300_.jpgIl m' fallu surpasser le mépris que m'inspirait la 4ème de couv' pour lire l'essai de Guillaume Poitrinal. "Plus vite, la France malade de son temps" annonce sur sa 4ème de couv' une équation aussi simple qu'inepte : si la France produisait en 355 jours ce qu'elle produit en 365, elle gagnerait 3% de croissance. 

L'argument spécieux a de quoi mettre en rogne lorsqu'on songe aux ravages absolument colossaux provoqués par l'accélération des rythmes de travail et de production ces dernières années. L'homme n'est pas essayiste, mais PDG d'Unibail Rodamco, premier opérateur d'immobilier commercial en France. Je feuilletais rapidement, repérais qu'il citait à plusieurs reprises Accélération d'Hartmut Rosa. Bon point pour lui. Je lui donnais sa chance, bien m'en pris.

D'abord le garçon est cohérent : il faut aller plus vite et les 180 pages en tout petit format s'avale en deux trajets de métro raisonnables. Merci à lui pour cette concision. 

Ensuite, la thèse évoquée en 4ème de couverture a sans doute été rédigée pour des motifs commerciaux (je vous jure, cela arrive...). Poitrinal n'est pas un fou et enjoint l'individu moderne a prendre le temps de décompresser (ouf), ce d'autant que depuis la publication du livre, il a démissionné de son poste de PDG pour prendre du temps pour sa vie. Ce genre de détails a son importance. Pourquoi ce titre, alors ? Puisqu'il cite Rosa, qu'il reconnaît les ravages de l'accélération du management par le stress et que lui même ne veut pas être emporté par ce cyclone de la modernité ultra-rapide ? Parce qu'il a bossé chez Unibail, promontoire parfait pour observer les incohérences temporelles... Et l'auteur de partir de l'Etat de la France à partir des incroyables lenteurs qui bloquent des chantiers pour faute d'agréments administratifs. Il dépeint des scènes hallucinantes sur la toxique montée en puissance des normes qui envahissent le métier et rendent impossible toute implantation de bâtiment. Entre son entrée dans le métier en 1992 et 2011, le code de l'Urbanisme avait gonflé plus vite que la grenouille devant le boeuf : près de 2000 pages. Poitrinal revient sur toutes les occasions ratées (Ile Séguin, Hôpital Laennec) pour peu de sauvées (Fondation Vuitton) pour expliquer tout ce que la France pourrait perdre à l'avenir face à des investisseurs lassés par ces lenteurs. Lenteurs inexplicables dans un monde ou tout est passé à la vitesse supérieure. 

L'accélération de la diffusion des techniques médias est peut être ce qui m'a le plus marqué : 38 ans pour que 50 millions de personnes dans le monde s'équipent de la radio, 13 ans seulement pour que le même nombre d'humains accèdent à la télé, 4 ans pour Internet et... 80 jours pour un Ipad. Dit comme cela, il faut reconnaître que cela devient assez dingue. Dans ces conditions modernes, les lenteurs administratives qui empêchent les créations peuvent rendre fou. Ce d'autant que les bâtiments qui ont pris le temps de voir le jour ne sont pas nécessairement plus beau pour autant : Pompidou et le Stade de France sont deux très belles réalisations sorties de terre en un temps record, le Front de Seine vers Beaugrenelle est une verrue dans la ville qui a pris du temps pour pousser... 

Les chiffres et exemples cités par Poitrinal méritent réflexion. Personnellement, je me rappelle le moment où, salarié, une association médico-sociale m'a demandé des travaux de rédaction et de leur facturer. Je déclinais poliment en disant qu'ils m'inviteraient à bouffer. Ils se fâchèrent et je dus me constituter auto-entrepreneur pour mon plus grand futur bonheur. Cela me prit quelques clics. Je ne savais pas, alors, combien la chose était précieuse et rare en France. Devenu indépendant pur et simple j'ai, depuis, découvert l'inertie de l'administration en France, les quintuples papiers dans tous les sens et je suis bien heureux en ces conditions que ma société compte un employé et pas un de plus parce que ce bordel pourrait inspirer un Proust néo punk : à la recherche du putain de temps perdu à l'URSSAF... C'est d'ailleurs la conclusion de Poitrinal qui revient à ce bon vieil adage populaire "le temps, c'est de l'argent". Il le complète (ou l'enrichit, c'est selon) par "le temps administratif perdu, c'est de l'argent foutu en l'air. Retrouvons le temps juste". Là, je simplifie, il le dit plus finement et mieux. Pour ça, il faut le lire. Ca prend un peu de temps, mais fait gagner en réflexion. Une réflexion utile et actuelle, puisque le politique garde les clés des horloges : que ce soit avec les lois sur le temps de travail avec un possible retour aux 39 heures hebdomadaires ou l'actuelle réforme des temps scolaires. Reste à voir quelles portes ces clés-là ouvrent...

Demain, nous nous émerveillerons devant toutes les gentilles initiatives de nos amis du marketing pour célébrer ce jour de l'amour au milieu de 364 jours où la passion peut choir...