26/02/2013
Le sexe est-il un droit de l'Homme ?
C'est le genre de film que l'on est heureux d'avoir vu en se disant que si l'on y avait pas été invité, on l'eut manqué et cela aurait été une erreur. J'avais été gentiment convié à l'avant première de The Sessions (sortie le 6 mars) au motif, me disait l'attachée de presse, "que le sujet pouvait m'intéresser".
Ha ? En parcourant le dossier de presse, je découvrais que le film mettait en scène, à partir d'une histoire vraie, un homme de 38 ans atteint de Polio et complètement paralysé qui découvre l'extase charnelle grâce aux services d'une assistante sexuelle. Une sujet familial par essence... Dans une vie précédente, je rédigeais un mensuel destiné aux professionnels oeuvrant auprès de personnes en situation de handicap et après avoir fait le tour des sujets d'accessibilité, de droit à la compensation, à la culture et aux loisirs, de tarification et autres insertion professionnelle, j'avais été sollicité par des associations qui souhaitaient me parler du sujet du droit à l'assistance sexuelle. Dire que j'ai immédiatement compris la gravité du sujet et me suis esbaubi serait évidemment un mensonge éhonté. Passée une gêne polie, je remerciais mes interlocuteurs et retournais chez moi en écrivant un article distant, où je pointais l'existence de cette revendication chez certaines associations, mais en me gardant bien de m'associer à cette requête. Je le reconnais franchement, je voyais cela comme une espèce de prostitution charitable, une pratique non vraiment blâmable, mais dont il ne fallait surtout pas parler.
D'autres rencontres, d'autres discussions, et mon avis sur cette question taboue en France a changé. Je ne vois plus nos amis belges ou suisses qui ont légalisé le droit à l'assistance sexuelle comme des étrangetés. Certes, le fait que cette prestation exotique soit remboursée par la sécurité sociale a quelque chose d'étrange ; en période de crise des finances publiques, il semble assez évident qu'il y ait d'autres priorités pour un pouvoir politique en charge de réduire un taux de chômage historiquement haut. Il n'empêche, je suis certain que tous ceux qui iront voir "The Sessions" modifieront a minima leur perception de la question. Les assistantes sexuelles ne sont pas des prostituées, le nombre de séances est limitées afin de ne pas créer de relations, mais d'aider une personne non autonome à découvrir des sensations auxquelles la majeure partie de l'humanité accède. Je ne sais si l'histoire est entièrement vraie mais dans le film le rôle du curé confesseur joue un rôle important : à l'américaine, il lui explique que Dieu fera une exception pour que celui qui ne peut se débrouiller seul accède à toutes les fonctionnalités de son corps. L'assistante est également docteur en psy et Hélène Hunt incarne parfaitement les contradictions et les difficultés immenses induites par une telle occupation professionnelle (qu'elle n'exerce donc que de façon très occasionnelle). Je vois sur le dossier de presse que le film a glané des tas de récompenses du public. Cela me paraît mérité plus que de la part des critiques cinés. Je ne dirais pas que c'est une grand film, mais assurément une fiction qui permet de faire bouger le réel. Ca n'est vraiment pas rien, en 1H34...
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25/02/2013
Le retour des gladiateurs ?
Ave modernita, morituri te salutant. Un dimanche un peu gris, j'apercevais sur les réseaux dits sociaux une vidéo de Stade 2 sur l'extension du domaine de la lutte sans règles. Je cliquais et m'informais ainsi de l'engouement très fort pour les MMA. Pas les Mutuelles du Mans Assurances, mais les Mixed Martial Arts, si vous voulez partagez ma sidération, on peut voir un reportage édifiant là.
Qu'apprend-t-on ? Que de jeunes cadres survitaminés, sur stressés et toujours sur la crête se défoulent joyeusement dans des cages où tous les coups, y compris au sol, sont permis. Bon. Le sujet en soi n'a rien de nouveau. Fascination de l'époque pour la violence, culte de la performance extrême, quoi de neuf sous le soleil ? Après tout, aujourd'hui les étoiles du capitalisme financier expurgent leur haine de leur vie dans des challenges sportifs toujours plus improbables : exit le marathon, cette promenade de santé pour comptables, et vive le triathlon Iron Man, le marathon des sables ou la montée de l'Everest et le passage du Cap Horn en kayak. Pauvre petits soldats qui n'ont plus goût à rien et qui se répandent en larmes dans les bras d'une pute au milieu d'une partouze pour exprimer leur désarroi devant le vide.
Si ce n'était que cela, donc, cela ne vaudrait pas que l'on approfondisse. Mais cette fois, le fabuleux du sujet est que les tenants de cette lutte veulent l'approbation de la doxa : le beurre, l'argent du beurre et l'approbation des dominants. Ils apportent pour preuve de leur bonne foi des règles : "catégories de poids, contrôles anti-dopages, suivi des athlètes". Voilà pour l'habillage. Et évidemment, l'antique argument de la modernité : aux Etats Unis, ils sont reconnus comme des athlètes, ils sont consacrés et en France, vus comme des voyous. Nous serions dans l'erreur.
Dans Fight Club de Fincher ou d'autres films sur ces nouvelles réunions de violence, le fait qu'elle soit le manteau, dans des caves ou autres est justement la base de l'adrénaline. Ils cherchent le défoulement, non la respectabilité. Un sport de voyou pratiqué par des voyous ne peut obtenir l'approbation des honnêtes gens... Valérie Fourneyron, qui s'est rappelé à mon souvenir par le truchement de ce reportage, rappelle à juste titre qu'il ne saurait y avoir d'éducation par le sport avec ces gladiateurs des temps modernes. C'est peut être passéiste, mais j'aime ce côté gaulois contre l'empire Romain qui a juste traversé l'Atlantique...
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23/02/2013
Bonheur privé, malheur public : the other french paradox
Nos canons de rouge du midi qui abaissent le risque d'infarctus, nos siestes améliorant notre productivité, nos 35 heures à la productivité survitaminée sont autant de paradoxe de la nation française. Autant d'éléments qui nous valent de par le monde autant d'admiration que d'exaspération. A cette liste de french paradox à rallonge on peut rajouter joyeusement cette tendance marquée à la flagellation en public lorsque nous célébrons en privé.
Récemment encore, un sondage auprès des personnalités favorites des jeunes français de 15 à 20 ans est venu porter un éclairage cruel sur cet état de fait connu depuis des années que nous nous adonnons à la célébration idiote du top 50 du JDD. Donc, le tiercé de tête élu par notre belle jeunesse est je vous le donne Emile : Nelson Mandela, Omar Sy et Barack Obama.
3 noirs, 3 blacks, 3 idoles modernes. Le nouveau Gandhi (ou Abbé Pierre pour ne garder que des blancs), le nouveau Belmondo et le nouveau Kennedy sont tous les 3 noirs et les jeunes français sont tous noirs. Bien, Mazel Tov, Mabrouk, Hosanna ! Malheureusement, cette appétence d'ouverture de façade se lézarde dès que l'on pense plus global. Subrepticement, on nous instille l'idée que ces classements sont en toc et qu'en réalité, l'heure est au repli sur soi, à l'entre soi, et que ce trio de stars incarnent l'arbre d'espoir qui masque la forêt de malheur. Pire, ils seraient le reflet de notre mauvaise conscience raciste. Le raisonnement ne tient pas.
En effet, le classement ne reflète pas seulement la spectaculaire réussite d'une opération marketing sur le thème "black is beautiful" mais une volonté de mélange infiniment plus forte dans la société que dans ses élites. Ce sont nos élites qui sont clonées et regardent encore la diversité avec un regard effrayé consistant à dire qu'il faut un bon noir et un bon arabe, deux handicapés et quelques femmes pour faire une jolie photo de famille... A rebours de cette attitude vétilleuse, comptable, les français sont les champions du monde des mariages mixtes. Preuve qu'avant que le parlement ne légifère sur l'amendement 31 du mariage pour tous, nos concitoyens avaient de vrais élans d'union véritablement pour tous.
Depuis quelques années, la formule de Brecht fait florès "puisque le peuple vote contre le gouvernement il faut dissoudre le peuple". On en rit, en plaisante, mais au fond la formule sarcastique s'applique avec cynisme : nos élites continuent de pester devant les attitudes d'un peuple qu'elles déplorent car cela va à l'encontre de leurs aspirations. Sans verser dans le stérile qué se vayan todos, on aimerait vraiment que todos acceptent d'écouter plus longuement d'autres idées et d'accepter de descendre du piédestal de leurs certitudes acquises.
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