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30/05/2010

La vraie musique du politique...

20070926hirschinside.jpgMartin Hirsch veut qu'on l'appelle Martin. Pas monsieur le Président (Emmaüs) ou le Haut Commissaire. Il veut écrire lui même ses discours, limite son salaire pour qu'il corresponde à celui d'un simple haut fonctionnaire. Il a une peur phobique des ors de la République qu'il cotoie pourtant depuis des années. Du coup, il a préféré quitter le gouvernement, ne plus avoir de chauffeur et autres avantages. Il sera resté trois ans sans faire de vague dans le Canard Enchaîné autres que pour les lazzis qui couraient dans son dos quand ses collègues gouvernementaux trouvaient qu'il était temps que "l'emmerdeur" déguerpisse.

Je manque d'objectivité pour parler de Martin Hirsch; il a accepté de préfacer mon livre sur l'insertion et cela m'a amené à passer quelques moments avec lui et on je me doute que ces rencontres biaisent mon jugement. Néanmoins, je ne pense pas me gourer en disant que c'est l'un des rares hommes politiques animés par des convictions si fortes qu'elles confinent à la foi. C'est d'ailleurs le principal reproche qu'on peut lui adresser, il veut incarner l'intérêt général au lieu de se laisser dépasser par lui; il a fait de la lutte contre la pauvreté sa croisade, le but de son existence et veut à tout prix être celui qui réussira à la faire reculer... Un léger cas d'Hubris, certes, mais un hubris bienveillant.

Dans un livre à paraître dans deux jours, Secrets de fabrication (Grasset) il se livre à un exercice aussi rare que salutaire; dire la vérité de l'action politique. Les dogmatiques jugeront que l'homme a fait trop de compromis, que ce bouquin montre bien comment il a pactisé avec Sarko tout ça pour mettre en place le RSA en avalant des tas de couleuvres. Je trouve au contraire plutôt rassurant de voir qu'on peut être loyal sans être dupe. Il ne pourrit pas celui qui lui a confié le job, question d'éducation, mais tacle vigoureusement Boutin, notamment quand il raconte comment il a mis la pression à Fillon pour que ce dernier obtienne la tête du dircab' de Boutin, qui profitait un peu trop des Palais de la République. D'autres en prennent pour leur grade, mais pas tant dans le clan politique que chez les dirigeants d'entreprises.

Sinon, pour connaître les gens avec qui il a travaillé, notamment l'extraordinaire Emmanuelle Wargon, sa dircab', je ne doute pas qu'ils aient mis en place des choses intéressantes et je comprends leur engagement: ce n'est pas parce que les types au pouvoir ne sont pas vos copains qu'il faut dire "pouce, on revient dans 5 ans", en attendant les pauvres... Voilà son idée, celle que droite ou gauche, peu importe, tant qu'on peut peut mettre en place des actes qui contraignent l'entreprise... Le postulat est presque séduisant, si ce n'est que les moyens du politique sont liés à de l'idéologie et qu'une politique libérale de lutte contre la pauvreté. Mettre en place le RSA dans un pays ou les salaires augmentent de 9% en 10 ans vs 46% pour les 1% et 240% pour les 0,1% c'est être heureux de démazouter la marée noire de Louisiane pendant qu'on donne des coups de hache dans les tuyaux afin de permettre au pétrole de s'écouler plus vite...

Sinon, on retrouve beaucoup de fulgurances, de la part de l'instigateur de l'action tank du social business et quelques scuds violents contre Noel Forgeard: Hirsch lui demande pourquoi les très riches ne donnent en moyenne que 0,6% de leur fortune alors que leurs revenus ont explosé. Forgeard lui répond sans rire que ce qu'ils consomment (les très riches) a aussi beaucoup augmenté: ventes à Dourot, immobilier, montres... C'est pour moi l'acmé et la limite du livre. Hirsch a eu sous le nez l'avidité et l'avarice de cette nouvelle caste qui pollue le monde : les ultra-riches. Limite dans la mesure où il a refusé de vouloir voir (alors qu'il le sait) que l'idéologie est un moteur trop puissant pour tenter de lutter contre la pauvreté. Il n'en reste pas moins qu'en refermant le livre, on est plutôt rassurer de voir que certains croient à ce qu'ils font et s'engagent vraiment pour une cause et il y reviendra...

Demain, vous je ne sais pas, mais moi j'achèverai le moi de mai en faisant ce qui me plaît: regarder les balles jaunes rebondir.

28/05/2010

Le serpent du travail se mord la queue...

31321962e3a9405e03ba6c0bda5ae811full.jpgFoxconn Technology. Fournisseur des acteurs de téléphonies mobiles Nokia et Sony en Chine. Onze suicides en quelques semaines. Quelques journalistes français, pas à une luxation de l'épaule près, à force d'enfoncer des portes ouvertes, parlent de "France Télécom chinois". En plus, il s'agit du même secteur d'activité, ainsi tout le monde est heureux, on tient notre coupable. D'ailleurs, je ne sais plus quel Servan-Schreiber le dit "le monde va trop vite" dans un essai éponyme qui à mon humble avis mérite d'aller avec une lenteur sénatoriale caler une commode bancale...

Le parallèle est tentant et l'occasion trop belle de stigmatiser les nouvelles technos. Le virtuel, l'insanité du virtuel, ces entreprises déconnectées qui tuent car le travail n'y est pas vrai.... Carabistouille.

Vous trouverez des experts sans cravate (dans les nouvelles technos, les experts n'ont pas de cravate, ils la remette pour parler pétrole ou chômage) pour vous expliquer gravement que les salariés, trop vieux (c'est à dire plus de 35 ans...) ne sont pas capables d'appréhender les mutations technologiques de notre époque, le "gap" par rapport au monde ancien et patati... Bernique, oui.

Ces onze suicides, chez les chinois, m'inspirent une infinie mélancolie. La colère c'était avant, quand on se révoltait. Quand les syndicalistes chinois mourraient  d'une balle dans la nuque pour avoir exigé des conditions de travail décentes pour leurs camarades de galère. Ce mode de dialogue social abrupt, et pas seulement de pomme, a fortement contenu les velléités de relève... Désormais, les damnés de la chaîne sont des maillons esseulés et quand leurs patrons ont trop tiré sur leur corde, ils l'empoignent et se pendent avec.

Fort heureusement, le travail ne conduit pas qu'au suicide. Mais n'est-il pas proprement insane d'imaginer que Nabot Léon a été élu avec un programme visant à "remettre la France au travail" sans dire de quel travail il s'agit ? Car au-delà des suicides, les burn out, les dépressions, les altercations, les micro-grèves se multiplient et les salariés s'enfoncent sans issue dans une servitude volontaire, quand ce n'est pas une aliénation volontaire.

En dînant avec une amie trentenaire et nullipare bien qu'en couple depuis des années et désireuse de repeupler la planète, elle m'expliquait que dans son agence, ce n'était simplement pas pensable. Elle serait congédié pour faute grave, ou on maquillerait. D'ailleurs, il semblerait que dans sa même agence, une de ses camarades, même âge, même parchemins enluminés des grandes écoles et même brio a démissionné. Pour rien, pas d'autre poste ni de perspective, juste l'envie d'aller en monastère sans foi, réfléchir à l'absurdité de son monde.

Son cas est navrant, mais ne nous apitoyons pas sur cette jeune fille qui bénéficie encore du seul luxe à l'heure actuelle (je sais de quoi je cause) : le choix. Les autres, de plus en plus nombreux, n'en ont pas et subissent ce discours martelé jour après jour, édito après édito: le travail est un privilège. Et puisque c'est un privilège, on accepte les horaires à rallonge, les rémunérations sans rallonge et les oukases de petits chefs eux même l'ulcère menaçant dès que les grands chefs rôdent... C'est véritablement la fin d'un cycle: travail sans conscience n'est que ruine des salariés.

Demain, qu'est-ce qu'on fait ? Je pense que les salariés s'en carrent du care mais préfèrerai une Commune (les Grenelle, ils en ont soupé) de la vie au travail. Mais, la classe politique tient bon et les renforts arrivent: aujourd'hui l'Ipad et à compter du 11 juin, la coupe du monde du foot, viendront les vacances et en septembre, il faudra penser à acheter une nouvelle trousse à Téophile et une salopette à Leïla...

Demain, du coup, nous entamerons le week-end par un détour par la place de Grève en écoutant Just a perfect day, en regrettant que ça ne dure pas plus...

26/05/2010

Le dernier des Savage

Le-dernier-des-Savage.gifJe me souviens d'un portrait en 4ème de couv de Libé. Le sémillant, le brillantissime, l'incontournable Christophe Barbier. Philippe Lancon qui faisait le portrait se demandait comment le jeune loup pondait ses 5 éditos quotidiens, se piquait de théâtre et dînait chez Carla. A un moment, il souriait "jamais de romans, inutile selon lui". C'est acquis, je ne serai jamais Christophe Barbier, je ne dirigerai pas l'Express à 35 ans, mais si ça devait être possible à condition de renoncer aux romans, non merci. Les gens n'aimant pas les romans m'angoisse. Accepter de perdre pied, de ne pas être toujours dans le vrai, voir le vraisemblable, la vie quoi. D'ailleurs, ceux qui vous disent que Belle du Seigneur n'est pas crédible niveau romance mais qui comment benoîtement l'affaire Madoff...

Bref, ces derniers temps j'étais happé par le mal du temps: je lisais des tonnes d'essais. Pour le boulot, s'entend. 3 sur la régulation des drogues, deux sur les nouvelles précarités au travail et un sur les entrepreneurs sociaux. Le tout dans la semaine.... Les concepts qui s'entrechoquent et pourtant, la mauvaise conscience de pas en faire assez... J'avais essayé en ce saint dimanche de retourner au roman, mais la revanche des otaries de Vincent Wackenheim s'avéra de ce point de vue décevante... Furetant dans une librairie d'ancien du Boul Mich, je tombais sur le livre en vignette. J'avais adoré 30 ans et des poussières mais d'autres opus du golden boy m'avait agacé avec toutes ces descriptions de costards, lignes de coke vu par les deux narines et partouzes envisagées par tous les orifices. M'enfin, entre lui et un Max Gallo, je tentais le coup.

Grand bien m'en fit. Les 400 pages trépassèrent dans la journée, quel pied ! Loin de moi l'idée que la littérature française est rabougrie (elle va très bien, la vraie, merci pour elle)  et l'américaine pétante de santé, mais il y a effectivement, quelque chose du meilleur yankee dès les premières pages.

Le fameux facts facts facts 1er commandement de leurs journalistes qu'on retrouve là. La psychologie accompagne les descriptions, quand trop de mauvais romans français semblent être en mode "lecture" trois pages, puis "pause" les deux suivantes ou l'auteur nous inscrit les sous-titres psychologiques... Là, Mc Inerney ne nous prend pas pour des dindes, mais nous prend par la main pour que nous suivions, halluciné, l'odyssée de Will Savage, dernier rejeton d'une grande famille blanche du Sud, épris des négresses et de Soul, de Blues... Il incarne l'âme damnée du jeune Patrick, qui n'est pas né nanti, lui, et rêve de conformisme américain sans pouvoir se départir d'une admiration sans borne pour les conneries de son cothurne de prépa. La dernière phrase, magnifique, mais je vous laisse la découvrir, arrive alors qu'on aurait bien commandé double dose... Après ça, va falloir s'accrocher pour rivaliser et pas sûr que incognito d'Hervé Guibert y parvienne, laissons lui le bénéfice du doute.

Demain, nous nous demanderons pourquoi les colombiens ont Marcus le prof, les anglais Nick Clegg et nous Bayrou, les 3ème hommes se suivent...