27/02/2011
Corruption piège à cons...
J'eusse pu dire un mot d'un excellent roman, "les stances à Sophie" de Christiane Rochefort, dont j'ai découvert après l'avoir lu que c'était aussi le titre d'une chanson paillarde et qu'il avait été porté au cinéma avec Bernadette Laffont et Michel Duchaussoy. Rochefort dépeint la bourgeoisie des années 60, celle de la France qui s'ennuie, surtout les filles, surtout son héroïne, Céline qui fera ce qu'il faut pour ne pas rester dans son univers mortifère d'hommes travaillant au plan et planifiant tout de leur carrières à leurs amours...
Bon, ça existe en poche, lisez le donc.
Mais je voulais dire un mot d'un livre dont le titre m'a happé, "la démocratie corruptible", de Pierre Lascoumes. Le genre d'auteur comme les Pinçon-Charlot qui doit son succès à l'air du temps... Il travail sur l'éthique et la corruptibilité des élites, le genre de thème qui lui donnait accès aux très grises presses de sciences-po et soudain, suite à la myriade d'affaires qui ont secoué le pays en 2010, le voilà propulsé dans le saint des saints: la République des Idées...
En 100 pages aussi claires que salutaires, il trace un bien sombre portrait de nos humeurs résignées. Le "Indignez-vous" de Stéphane Hessel doit être interprété après avoir lu ce livre qui, globalement, dit le très haut degré de notre résignation face à la corruption. Mais c'est une résignation à géométrie variable.
J'avais pu toucher ce problème du doigt face à mes étudiants et leur désarmant, "mais monsieur c'est toujours comme ça, les politiques faut qu'ils croquent" auquel je me souviens en avoir un peu marre de n'avoir que de Gaulle et Mendès à opposer... Ce que nous apprend le livre est une qu'une majorité de français a dans le fond une certaine tolérance pour la corruption, tant qu'elle fait prospérer ses intérêts particuliers: les élus locaux qui s'enrichissent mais font gagner leur commune sont appréciés. D'où les réélections triomphales de Balkany, Frêche, Mellick et tant d'autres pourtant poursuivis et condamnés, où à la gestion calamiteuse. Les électeurs se foutent des comptes locaux. Les seuls faits vraiment reprochés sont ceux qui concernent l'enrichissement immédiat, en revanche les logements de fonction, les chauffeurs et les promotions ne posent pas de souci; c'est le règne de Tartuffe "cachez ces avantages que je ne saurais voir"; les pantouflages ne posent aucun souci non plus, mais ça l'affaire Pérol nous a permis de nous recontre in situ...
Là où le livre devient profondément déprimant, c'est à deux niveaux. Primo, la tempérance plus grande encore pour la corruption des élites par rapport au reste du pays, confirmant un sentiment très en vue actuellement: les types ne comprennent même pas qu'on les emmerde (n'est-ce pas MAM, Fillon et autres qui ne voient pas pourquoi on les emmerde, dans le fond) et personnellement, ce qui me fait vomir, les sondages sur les corps corrompus de la Nation: tout le monde tombe violemment sur les politiques alors que les entreprises jouissent encore d'une incroyable tolérance...
Quand on voit les salaires de nos dirigeants et leur management infâme avec les sous-traitants, façon "j'ai ma vertu interne mais maltraite les autres"... Là dessus, je ne diffame même pas, c'est le très pondéré médiateur aux relations avec les sous-traitants qui l'écrit : 36 motifs d'entorses à la loi dans les relations grands groupes / PME, une espèce d'omerta généralisée: http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/02/24/mediate...
13:05 | Lien permanent | Commentaires (2)
25/02/2011
Zemmour du risque...
Curieuse, la folie des éditorialistes autour d'Eric Zemmour. Depuis quelques années, plus on dit qu'il pourrait être viré du Figaro (son poste original) plus il démultiplie ses employeurs: France 2 et I Télé toutes les semaines et RTL tous les jours. Ce n'est plus un journaliste, c'est une réclame ambulante.
Là où je ne suis plus, c'est quand je vois que FOG le défend au nom de la sacro-sainte liberté de pensée, comme s'il était notre nouveau Voltaire. Le directeur du Point convoque Tocqueville et l'histoire pour sauver un type qui, pour ses 50 ans avait organisé une soirée à thème "Napoléon" en reconstituant des décors et costumes (c'était dans "Marianne", j'étais pas sur la guest list) ... Et Novelli, au titre de l'UMP vient de le convier à un débat sur le thème "y a t'il trop de lois encadrant la liberté ?". Mais qu'est-ce qu'ils ont tous à soutenir ce type ?
Vous voulez un polémiste réac ? Prenez Slama ! Vous voulez un parano islamophobe ? Essayez Alexandre Adler... Zemmour doit sans doute son succès au fait qu'il est islamophobe,misogyne, anti-gay, mécontemporain, parano et anti show-biz... Convier Zemmour c'est vouloir se payer un ensemble de musique classique et faute de moyens, prendre un homme orchestre avec la mélodie à l'avenant...
Tout de même, une telle folie laudatrice autour de cet homme mérite que l'on s'y plonge. Tous les patrons de presse, les éditorialistes et un grand nombre de politiques louent "la très grande intelligence" et "l'érudition" de Zemmour. Son comparse Eric Naulleau ose même "s'il critique durement les romans d'aujourd'hui c'est qu'il a été élevé dans l'amour des classiques et voue un culte au beau style; quand on a bu que des grands crus de Bordeaux, le beaujolais passe mal"... Tss, c'est vraiment la preuve que lorsqu'un type vous fait peur, on peut dire n'importe quoi.
Intelligent, je n'en sais rien, je suppose que pour gagner autant d'argent avec une pensée de beauf pareil, il faut une bonne dose de roublardise mais pour le reste, pitié ! Il multiplie les contresens historiques, s'exprime dans un français leucémique et sort toujours trois citations de Chateaubriand ou Saint-Simon avec la classe d'un vendeur d'aspirateur. Je n'exagère pas une seconde et si vous avez un quart d'heure à perdre, vous pouvez faire l'expérience en allant en bibliothèque emprunter un opus du sieur Zemmour; pas la peine de lui accorder des droits d'auteurs... Comment comprendre la pensée de l'essayiste Zemmour ? Il faut lire ses romans... Si si.
Mon facétieux paternel m'avait offert "l'Autre", le roman sur Chirac. Quel blagueur, ce père. En attendant, j'ai ri aux éclats et je ne crois pas que tel fût l'intention de l'auteur. En un roman, on comprend tout l'univers mental de notre polémiste. Les hommes ont le teint "bistre", les mains "calleuses", le torse "étique", les femmes "taiseuses, travaillent dur". Dans l'univers de Zemmour on boit "dur", baise "sec" et s'étreint "virilement"... Ce livre condense tous les clichés stylistiques que la terre ait porté, je pourrais le passer à mes étudiants en cours de première année: "apprenez à éviter les clichés dans un texte: saurez-vous dénicher les 23 qui se trouvent dans cette double page?".
Ma remarque ne vaut pas pour le Lagarde et Michard. Je crois surtout qu'un style aussi caricatural trahit une pensée qui l'est autant et ramène au fond Eric Zemmour à ce qu'il est réellement: un beauf. Un beauf très travailleur et véhément. Celui qui gueule si fort au bistrot que les autres se taisent; même quand il vomit les arabes, les pédés, les gonzesses et les pseudos-artistes... Mais où est donc passé le patron du café qui le fout dehors avec un coup de pompe au cul en hurlant "mais tu vois pas que tu gênes les clients là ?"...
Demain, il y a sans doute des milliers de choses fascinantes à faire, mais surtout à 18h, live from Twickenham, ce sera le crunch !
07:19 | Lien permanent | Commentaires (0)
21/02/2011
Carte postale de Lisbonne
En février, la douce musique lusophone et un brin de soleil avec ou sans carnaval, ravive le sourire du castor.
Trois jours à Lisbonne, donc, c'est court mais bien assez pour recouvrer la pêche quand la grisaille règne à Paris. Passée l'heureuse surprise d'un atterrissage marin, découverte de l'hôtel trop bourgeois pour être honnête. Les soldes sur Internet provoquent de bien étranges surprises, tous les autres clients sont de respectables quinquagénaires, couperosés de frais quand les petits jeunes débarquent avec l'air niais devant la vue de la chambre donnant sur un vaste parc (Edouard VII) et au loin, le RITZ de l'hôtel en lettres argentées...
Tout le monde ayant dit "Lisbonne = fondation Gulbenkian, docilement, nous obtempérons. C'est vrai, c'est fou. Penser que ce bon brave Calouste a tout acheter avec ses sous laisse songeur. Des merveilles abyssiniques, égyptiennes jusqu'à une collection de Manet (le garçon aux bulles) Renoir (Madame Monet), Boudin et autres Corot, c'est dingue. En plus, le mécénat se prolonge aujourd'hui car l'on peut visiter ce très beau musée pour 4 euros... Mais, et il y a un mais, Gulbenkian, c'est bien notamment pour le parc qui abrite le musée, mais ce ne fut rien comparé au choc du Centro Cultural de Belem... Trois heures passées en un rien de temps. Des expos temporaires sur les cartes (big up à la prescience de Houellebecq et son Ged Martin avec ses cartes Michelin) quelques Picasso et surtout, fait rare, de très bonnes vidéos, notamment un film génial du réalisateur de Matrix en 2000, "The Matrix Project" ou des gamins commentent le marché de l'art avec une perfidie et un esprit acerbe jamais atteint sans paraître gratuitement méchant... Et puisqu'on parle de gratuité, le centre est sorti de terre aussi grâce à un mécène et ne fait pas payer l'entrée.
Du coup, en sortant, ébahis, nous traînions et découvrions que le Centre comportait un amphithéâtre dédié au spectacle vivant ce qui me permit de m'initier à la danse, en douceur, puisque le spectacle de Platel se situait à mi-chemin entre les Deschiens et Almodovar pour une odyssée dans les bas-fonds d'un cabaret de travesti avec assez peu de danse et beaucoup d'humanité...
Avec toute cette culture récente, nous négligeâmes les très nombreuses églises historiques pour nous perdre dans des heures de ballade: les quartiers de Lapa et Alfama méritent le détour et le retour et le redétour jusqu'à s'y paumer... Quelques miradors et belvédères, beaucoup d'escapades gourmandes avec des vins blancs moelleux presque mielleux et un retour aux sources pour un castor: beaucoup de poissons. Notamment, en face de Lisbonne, à Cacillas, un resto paumé nommé "al final de ponte" où le pagre et la salade de poulpe valent largement le détour en bateau... Pour en finir avec la bouffe, les cultissimes pasteis de belem méritent tant le détour que nous fîmes plusieurs crochets pour nous en regoberger...
Enfin, la nuit Lisboète est des plus charmantes, que ce soit dans les ruelles serrées du Bairro alto et ses bars très bon marché poussant à la consommation et où tout le monde fume, où à l'inverse, au bar du 30ème étage du Sheraton où la vue à couper le souffle fait presque oublier la mauvaise compagnie de la haute société laborantine qui vient deviser gravement de la crise, des cocktails à 15 euros à la main... La crise, nous l'entendîmes aussi plus joyeuse, au détour d'une ruelle escarpée, les syndicats avançaient en t-shirt noirs, unis et chantant sous les yeux complaisants de la maréchaussée. Sur cette vision inattendue, il était tant de rejoindre le tarmac....
De retour à Paris, la radio rapportait que DSK disait que Nicolas était nul en maths, alors Jean-François répondait c'est celui qui dit qui y est... Soupir, vivement le prochain départ.
Demain, nous tenterons la teinture au brou de noix pour ressembler à François Hollande.
08:35 | Lien permanent | Commentaires (1)