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31/05/2020

L'assaut final, terrassons cette crise !

Par un malicieux clin d'oeil à Jacques Lacan, la survie de ce qui fait l'essence du pays - les bars et les restos - passera donc par l'extension de leurs terrasses. Lacan ajouterait qu'il faudra faire preuve de convivialité car ça n'est pas seul qu'on descend les bouteilles, mais ensemble qu'on les co-vident. 

Mardi, les bistrots vont rouvrir pour la plus grande joie de toutes et tous, mais il ne faut pas se mentir, ils sont en guerre. Économiquement, aucun secteur n'a été autant touché. Le 14 mars à 20h, les restaurateurs apprenaient leur fermeture pour minuit. 15 000 euros de produits frais perdus, donnés aux banques alimentaires pour la nourriture et même jetées pour les fûts de bières... Jeté dans aucun gosier, des images plus insoutenables que Manuel Valls face à son téléphone lors d'un remaniement ministériel. 15 000 euros perdus, des assureurs aux abonnés absents et une réouverture fortement entravée, la faillite est proche pour beaucoup beaucoup de ces établissements. On parle, pour une écrasante majorité, de TPE sur la brèche, loin des chaînes comme Starbucks ou McDo qui harcèlent et fliquent leurs salarié.e.s et fraudent le fisc. On parle d'échoppes familiales, d'affaires de potes, de "projet de vie" pour employer une expression qui paraît désuète face au cynisme de la start-up nation, mais qui correspond à une réalité sociologique. C'est dans ce secteur que l'on retrouve des "maisons" présentes depuis des décennies, voire des générations (salut à toi, Chartier), où les taulier.e.s sont immuables. Avouez que dans un monde du travail où votre conseiller.e bancaire change tous les 18 mois, comme votre assureur, la personne à l'accueil de votre club de sport... Un peu de stabilité ne gâche rien. Sans repère, le monde se vide.

La vieille Europe est une vieille Europe des cafés, le monde entier vient ici pour cela. Aux États-Unis, vous vous rappelez sans doute de sympathiques fêtes privées, dans des jardins, autour d'un barbecue. En Europe, vous vous souvenez vaguement d'être rentré.e.s en titubant sur une piazza toscane, d'avoir déambulé de guingois dans des rues espagnoles et évidemment de vous être entraîné pour le marathon Blondin, en France, où l'on remplace les 42 kilomètres par 42 bistrots, avec un verre dans chaque. Inutile de dire que contrairement à l'épreuve joggante, celle buvante à un taux de finisseur.euse.s très faible.... Le grand auteur n'était pas myope, mais avouait ne pas pouvoir se passer des "verres de contact" et il ne les éclusait pas chez lui. Récemment, France 2 a rediffusé "un singe en hiver" où Gabin et Belmondo se mettent une muflée homérique, pendant 48h. Une cuite qui changera leur vie, dans le bon sens. Les soirées où l'on ne se souvient pas de tout sont pourtant les plus mémorables....

Mardi, les terrasses rouvriront et il y aura peu de places. Dans cette guerre, le sabotage sera ce petit café siroté pendant 2H. Ca n'est pas illégal, mais pas solidaire : 2 euros de chiffre pour 2h de présence, c'est la mort annoncé des échoppes. Le temps est venu d'être solidaires avec les bistrotiers. Muriel Pénicaud incite les français à sortir et consommer. Ha ? Consommer quoi ? Des produits superfétatoires, des emballages superflus, des gadgets pour armoires déjà trop pleines ?  Nous avons deux fois plus de vêtements que dans les années 80, la priorité ne peut être celle là... Les gadgets technologiques à l'obsolescence annoncée avant de sortir ? Itou. Aller en terrasse, c'est soutenir ce qui fait le sel de la vie, c'est retrouver des moments rares avec celles et ceux qu'on aime, c'est faire gonfler notre compte épargne souvenirs, celui qu'on ouvre en fin de vie en se disant qu'on peut partir tranquille. 

Nous sommes en guerre, il faut choisir ses résistant.e.s, une bande façon affiche rouge, rosé et blanc, sans oublier l'orange Spritz. J'ai nombre de gars sûrs à qui je ne demanderais même pas si on reprend la même, nombre de copines qui, sans en avoir l'air, garde toujours les pieds des mouettes au sec. Tous ces paris que l'on a fait avant les municipales, il faut en honorer les dettes avec rab de conso. Par charité, je ne donnerai pas les noms, mais mon ami qui m'a juré que jamais Hidalgo ne serait maire et celui qui m'avançait que Benjamin Griveaux serait le futur locataire de l'hôtel de ville peuvent raquer sans attendre le 28 juin, car ça urge. Les fonds sont bas. Alors dès le 2 juin, lançons-nous tous dans la plus délectable et joyeuse des batailles et trinquons d'un ironique "santé" jusqu'à la fermeture. 

25/05/2020

Griveaux / Dussopt, le monde à l'envers

Une semaine déjà que Médiapart a sorti un article sur Olivier Dusspot, exempt de tout conditionnel, avec aveux du forfait par le ministre en exercice. Aucune reprise média, aucune réaction politique même, cela ressemble à un enterrement en temps de Covid, à l'abri des regards. 

Il y a trois mois seulement, Benjamin Griveaux se retirait de la course à la mairie de Paris moins de 24h après des révélations sur une vidéo sans doute dispensable, mais en rien illégale. 

Nous ferions bien de méditer ce monde à l'envers, cette morale mal placée. Eu égard au sujet de la vidéo de M. Griveaux, je n'ose dire que nous sommes dans le deux poids, deux mesures, ce d'autant que je ne dispose d'aucune information à ce sujet concernant M. Dusspopt...

Plus sérieusement, les faits sont accablants : deux lithographies de Garrouste, un des artistes français les plus prisés, offert par le dirigeant de la SAUR, après que celui-ci a gagné le marché de l'eau locale. La SAUR reconnaît, Dussopt concède "une maladresse" pour des faits qui remontent à il y a 10 ans... Ce garçon a la reconnaissance tardive... Suite au marché, le prix de l'eau avait explosé pour les administrés, +77%. Socialiser les dépenses, privatiser les toiles. Pour se défendre, les accusés avancent que ces lithographies valent "2 500 euros" et personne n'y trouve rien à redire. C'est acceptable, 2 500 euros, un peu mesquin ! Et personne ne songe à vérifier en interrogeant quelques experts, quelques commissaires priseurs sérieux, on parle d'un ministre en exercice, cela en vaut la peine !

Nous sommes sur une affaire Guéant inversé : pour maquiller un virement de 500 000 euros son compte, l'ex ministre de l'intérieur avait dit que cela provenait de la vente de deux toiles de maître hollandais, en réalité évaluées à 20 000 euros maximum... Un rapport de 1 à 25. Ca vaudrait la peine de vérifier pour Dussopt, parce que 1 200 euros pour une lithographie de Garrouste, artiste ultra prisé, mécéné et lui même mécène, reconnu en France et à l'étranger, je tousse un peu. Ca prendrait quelques heures d'avoir une vérification sérieuse : si les toiles valent 50 000 euros, nous sommes tout de même en présence d'une corruption très importante. 

Lors de ces trois années aux affaires, Griveaux aurait dû être emmerdé sur son rôle dans l'opposition au moratoire contre l'extension des centres commerciaux, décision entachée par un gigantesque conflit d'intérêts avec ses dernières fonctions exercées avant 2017, directeur du lobbying d'Unibail Rodamco. Ça n'intéressait personne et ce genre d'infraction aurait pu continuer des années. Il est tombé d'un coup, et sans doute pour toujours, pour avoir eu une attitude puérile en diable et être tombé sur des aigrefins numériques qui aiment à se faire passer pour Robin des Bois. Je comprends qu'on se moque de lui, qu'on le vanne, qu'une telle séquence puisse entamer sa crédibilité publique, mais cela mérite 1000 fois moins la fin de sa carrière publique que ses hors jeu répétés en fonction des bétoneurs.

Selon toute vraisemblance, après les municipales, un remaniement aura lieu. Si Olivier Dusspot figure toujours au gouvernement, nous pourrons nous dire que nous avons atteint le pire selon Charles Péguy. Que nous nous serons habitués à la corruption endémique. Je laisse le mot de la fin à l'auteur : "le pire, c'est d'avoir une âme endurcie par l'habitudeSur une âme habituée, la grâce ne peut rienElle glisse sur elle comme l'eau sur un tissu huileux... Les honnêtes gens ne mouillent pas à la grâce" .

 

23/05/2020

Le goût du noir

Depuis dix semaines que nous ne parlons que du virus, une chose doit faire consensus : l'épidémiologie est une science molle, très très molle. On ne sait pas des tas de choses. On observe, mais on peine à expliquer. Pourquoi New-York est toujours une morgue à ciel ouvert et qu'il n'y a aucun mort à L.A ? Pourquoi seuls les vieux meurent en Europe et un peu plus de jeunes au Brésil, pourquoi la pandémie n'a pas du tout pris en Afrique, fors au Nigéria ? On sait pas. Pourquoi le virus s'éteint rapidement dans certains pays, plus lentement dans d'autres, on ne sait pas. Aussi, les modélisations bâties peuvent prêter à sourire. Sur le nombre de "vies sauvées par le confinement", sur le nombre de "cas contacts possibles" et autres, nous sommes sur une échelle de précision de 1 à 5 au minimum. 500% d'écart. Est-ce bien raisonnable de fonder l'alpha et l'omega de nos décisions collectives sur des prévisions plus floues que celles des Marabout ? A l'évidence, non. 

L'épidémiologie est une science très sérieuse quand elle regarde dans le rétroviseur, pas devant. On sait observer les déplacements, les foyers, les oscillations qu'il a réalisé, pas ce qu'il deviendra. Et cela ne fait pas débat, l'expérience de ces dix semaines montre que, systématiquement, les projections se sont plantées dans les très très très grandes largeurs. Il faudrait donc peut être arrêter de donner du crédit aux projections et d'arrêter de jouer à se faire peur et regarder beaucoup plus dans le rétroviseur, non pas pour se rassurer, mais pour comprendre ce qui nous est arrivé. "Le problème ça n'est pas de savoir si nous aurons une deuxième vague, mais quand elle arrivera", "attention, l'ouverture des restaurants peut être catastrophique", et tutti quanti. On ne sait pas, mettre le monde sous cloche pour des dangers potentiels, ça n'est pas très sérieux. 

De la même manière que l'on invite quasi systématiquement des libéraux orthodoxes pour parler d'économie, on donne largement la parole aux virologues broyant le noir. Concernant l'économie, la chose est très largement documentée, Acrimed et autres observatoires médiatiques montrent très bien comment on nous vend 90% d'Elie Cohen, Nicolas Bouzou et autres, pour 10% de Piketty et de Lordon. Il serait beau de faire le même comptage avec optimistes et pessimistes de la virologie. Hier, sur Inter, à 7h, c'en était caricatural : une fenêtre s'est rouverte et en 5 minutes, 4 épidémiologistes, tout aussi compétent.e.s et diplômé.e.s que les autres expliquaient pourquoi ils étaient à peu près certains que nous assistions à la mort du virus, que ce dernier pourrait revenir à l'automne, bien sûr, mais que là, il était en train de mourir. 4 en 5 minutes dans un journal. Contre des grandes interviews toujours accordées aux prêcheurs d'apocalypses. 

Jean-François Toussaint, professeur de physiologie à Paris Descartes, ne regarde que dans le rétroviseur, lui. Ce qu'il voit c'est que le virus circule infiniment moins "il a disparu à 95% par rapport à fin mars". Il dit aussi que, dans cinquante pays l'épidémie est terminée. Il dit enfin que nous sommes à la fin de la DEUXIÈME vague, la première remontant probablement, très probablement à l'automne dernier quand cela circulait, entre Chine et Europe, fin 2019, mais avec moins de cas violents. Cela change tout de même considérablement la donne. Libre à chacun de goûter la flagellation et les infos intimant à la claustration, mais que l'on cesse de parler de consensus des experts en la matière. Personnellement, je continue à suivre ce cher Professeur Toussaint, lequel explique que les lieux ouverts, où l'air circule, sont infiniment moins dangereux. Fermer les parcs et jardins, ça n'est pas de science, c'est de la politicaillerie de sous-sol. Honte à vous, Olivier Véran.