11/11/2009
Devient-on coureur de fond pour éviter de le toucher ?
Je ne sais pas pourquoi je cours. Comme ça. Et peut-être quand j’aurais l’âge de Murakami, moi aussi, j’essaierai d’écrire mon autobiographie en coureur de fond, mais pour l’heure, je ne vois pas de raison précise autre que le besoin. En parlant de besoin, interrogeons nous une seconde sur la surmultiplication de courses caritatives, type la course des héros de juin prochain qui font du battage sur le net. En clair, on passe de coureur de fond à coureur de fonds.
Mais le fond restons-y et regardons la lame qui arrive : en vingt ans, la France s’est peuplée d’une immense tribu de petits lapins Duracell (pas de mauvais esprit sur le premier d’entre nous) qui courent partout. De plus en plus équipés, entraînés et encensés par la doxa, on aime nos joggeurs et on les loue. Néanmoins, l’effort étant aussi naturel à l’homme que l’ouvre-boîte aux pingouins, il convient de se poser la seule question qui vaille : après quoi, ou devant quoi coure-t-on ?
Coluche aimait à défendre la connerie des sportifs en rappelant que le temps qu’ils passent à courir, ils ne le passent pas à se demander pourquoi ils courent. Bon, mais c’est un tort. Bien sûr, un dentiste qui vous opère ne réfléchit pas à la cause de son acte, il s’exécute (ou vous exécute, c’est selon). Mais vous, quand vous mettez votre short alors qu’il fait nuit noire, et que le vent qui va s’engouffrer sous votre t-shirt est si glacial que des stalactites gelées apparaîtront sous vos tétons, vous pourriez tout de même vous demander la raison ou la déraison qui vous pousse à jogger.
Il y a trente ans, pour le premier marathon de Paris, on ne trouvait guère que 1500 fadas pour accepter de subir le calvaire qui a quand même coûté la vie au premier qui a bouclé la distance. En 2007, il y avait 35 000 zozos hilares au départ et on avait du refouler les autres, raisons de sécurité oblige. Désormais, tout le monde court, le matin, le soir, le midi pendant la pause, c’est à se demander s’il reste des marcheurs… Encore que, lors du premier marathon, les coureurs mettaient 3H30, aujourd’hui, ils mettent 4H16 en moyenne, car tout le monde s’amuse à l’idée d’un marathon, mais passé quelques kilomètres, ils rigolent moins encore qu’en écoutant Michèle Alliot-Marie.
Alors, bien sûr, la réponse vous arrive dessus avec la force de l’évidence : pour maigrir. Ridicule, l’écrasante majorité des joggeurs sont minces. Un peu comme le dingue qui plante des drapeaux pour éloigner les girafes, si vous leur objectez qu’ils sont minces, ils répondront « bah forcément puisque je cours ». Vous n’insistez pas, c’est ridicule. S’ils étaient gras, ils ne joggeraient pas, un coup à se faire mal.
La seconde hypothèse embrasse la première, sur les pieds évidemment. Pour rester en bonne santé… Ri-di-cule. Regardez à chaque course il y a un type qui fait un AVC, pas ceux qui vont à la chasse aux champignons. Sans compter toutes les entorses, tendinites, élongations et autres articles du catalogue des horreurs. On serait tentés d’être d’accord avec Churchill, « no sports » la base de la longévité. D’ailleurs, regardez tous ces vainqueurs du Tour de France qui meurent prématurément…
Si ce n’est pour maigrir, pour rester en forme ou autre, on peut être tenté de sociabiliser. Si vous n’avez pas réussi avec meetoc, le club de Bilboquet et vos cours de peinture à l’huile, le jogging peut être une autre piste… Mais c’est une piste noire, un peu désespérée tout de même, car il n’est pas dit que vous développiez des amitiés profondes sur la base de conversations ahanées et entrecoupées de puissants râles et par force crachats. Non. Par ailleurs, il y a une majorité de coureurs solitaires. Font-ils cela pour comprendre ce fameux besoin exprimé par M « être en tête avec soi même » ? Peut-être, mais sans doute est-ce plutôt parce qu’il est aussi délicat de trouver un partenaire de sudation à son rythme qu’une chemise à sa taille le dernier jour des soldes.
Qui plus est, quand on naît ni éthiopien, ni kenyan, on sait que l’on court pour l’honneur et la gloriole, on peut oublier les breloques. En somme, on se dépasse par pure philanthropie personnelle, pour passer le temps et pour transpirer. Et en ces temps d’extrême utilitarisme, voilà une nouvelle on ne peut plus louable.
21:27 | Lien permanent | Commentaires (15)
10/11/2009
Génération 5 M
Vendredi dernier, j'écrivais un petit post de rien du tout pour dire que j'aimais le papier, pas au point d'en manger, mais suffisamment pour lire. Je citais un blogeur nommé Versac. Juste nommer. Sans lien hypertexte, sans publicité tapageuse, rien. Juste nommer. Deux heures après l'avoir publié, je recevais un long commentaire dudit Versac poings crispés sur son capital image, prenant un marteau-pilon pour écraser une mouche. Car enfin, soyons sérieux, je vous aime tous, vous qui venez quotidiennement sur ce blog, mais d'après les stats ça fait quoi ? 100 pékins par jour. Ceci incluant ceux qui cherchaient du porno zoophile et autres requêtes farfelues. Avec tout le respect que je me dois, mon blog n'a pas encore exactement l'influence du Monde.
Pourtant, malgré l'insignifiance de la remarque, le blogeur Versac a tenu a prendre le temps de répondre, de lire, de vitupérer. Qu'en penser? Soit des amis de ce Versac lisent ce blog et lui ont signalé dans la minute, mais le temps de réactivité comme on dit dans le 100m est trop impressionnant pour valider cette hypothèse. Je ne suis pas un geek, loin s'en faut, mais je vois quand même encore comment on peut mettre en place des alertes google sur son propre nom. Pour certains sujets, je suis moi même en veille avec des alertes google, quotidiennes, sur des thèmes qui m'intéressent (les tabourets chromés, une passion d'enfance...). Et donc ce Versac doit avoir des alertes sur son nom, mais surtout, il a dû demander une instantanéité pour pouvoir répondre instantanément aux philippiques sur son nom.
C'est ça, la génération 5 M: moi même maître de mon monde, pour reprendre la célèbre formule des Guignols à propos de Jean-Marie Messier. Je ne veux pas verser dans les thèses de Finkielkraut sur le tout à l'ego du oueb, ce serait un peu facile, mais tout de même, les bras m'en tombent. Que l'on sache à peu près ce qui sort sur vous quand on tape votre nom sur google, pourquoi pas ? Que le premier internaute qui ne s'est pas googelisé me jette la première bière. Mais être en vigilance permanente pour commenter des commentaires n'est-ce pas aberrant ? Où est le nivellement dans tout ça ?
D'ailleurs, faisons un peu de psycho à distance. Dans quelques minutes, je publierais ce post et donc, le fameux Versac recevra une alerte sur son Iphone, son Blackberry ou autre laisse électronique portable qu'il a forcément pour ne jamais se couper de ce qui se passe. Alors, il pourra être en train de manger un petit dèj, de profiter du ciel bleu ou de rencontrer des entrepreneurs numériques comme lui, il recevra une "alerte". Alors, que faire ? Répondre comme la première fois ? Bah oui, car il faut rappeler à tous les béotiens du oueb comme moi, qui ne comprennent pas les nouveaux enjeux stratégiques du monde, le capital image, l'immatériel numérique, la puissance de la renommée... Vous êtes un homme du passé, Castor ! Avec un argumentaire précis, il découpera au laser mes arguments pour rappeler qu'on ne badine pas avec l'ego, la réputation, son honneur monsieur.
Ou alors... Ou alors, il sait lire et dans ce cas, il voit bien qu'il ne faut pas répondre. Comme disait Montaigne, "il n'est réplique si piquante que le mépris silencieux ". Et toc. Ne pas répondre, prouver que cela n'a aucune importance. Ce que la presse devrait faire quand les hommes politiques balancent des conneries grosses comme eux pour faire évoluer l'agenda médiatique sur ce qui les arrange et s'éloigner des problèmes. En voilà un truc qui serait intelligent.
Seulement voilà, ledit Versac (encore une fois, j'ai rien contre lui en tant qu'individu, il ne m'intéresse qu'en temps que symptôme, lui comme les Loïc le Meur et autres incarnent une génération 5 M, qui croient sincèrement avoir pris le oueb comme on prend la Bastille et être par là, les derniers aventuriers du monde. C'est leur épilogue à la fin de l'histoire de Fukuyama, après la capitalisme, y a les entrepreneurs du web et après on peut vraiment fermer le ban) pensent sincèrement que contrôler ce qui se dit sur la toile, c'est le nec plus ultra de la communication politique (admettons) et même de la pensée politique. Et là, il y a des LOL qui se perdent comme on dit en ligne. Une différence, tout de même, entre les deux blogeurs cités, Versac est assez modeste dans son propos, il accorde juste une importance absolument inconsidérée à la petite musique du oueb, mais ce n'est pas celui des deux victime d'hubris...
Dans une vie antérieure (il y a un ou deux ans, mais en temps internet, c'est l'ère glaciaire si on les écoute, poussez vous poussez vous, l'histoire accélère) Versac animait un excellent blog où il parlait de fond. Aujourd'hui il le touche, et j'espère il en touche (des fonds) : dans le fameux débat chez Taddei où il s'opposait à Tapiro, il a vraiment affirmé que Jean Sarkozy avait reculé car le oueb avait rigolé. Que des milliers d'internautes s'étaient mis à rigoler ensemble et que donc son capital image était trop écorné que ce n'était plus stratégique d'insister. Bon. C'est ça, la génération 5M, je parle, je meuble et j'avance ainsi mes pions dans mon univers et peu importe que mes postulats de base soient faux, l'important c'est de raisonner et avancer.
C'est ça qui explique qu'aujourd'hui un Luc Chatel, excellent vendeur de shampoing, pense sincèrement qu'il est capable d'être ministre de l'éducation car il parle d'éducation. C'est la même logique qui autorise Manuel Valls à se présenter à la primaire. Or, politiquement, qu'est-ce que Manuel Valls ? Rien. Absolument rien. Toutes ces idées neuves ne sont pas justes et toutes ses idées justes ne sont pas neuves. Mais les médias le suivent, donc il existe, donc il monte, un jour même, il ira chez Drucker et là, on convoquera trois sondeurs, deux experts en image et deux éditorialistes qui expliqueront qu'il a "la stature d'un présidentiable".
Ce qui est un peu (pas de catastrophisme tout de même) désolant dans ce courant du 5M, c'est que lorsque l'on est soi même maître de son monde, que l'on contrôle et verrouille son petit pré carré, son réseau et ses sphères d'influences, aussi larges soient-elles, on est tout de même ontologiquement INCAPABLE de se mettre dans une idée de service public, au sens littéral. Au service de son public, de son audience oui, mais du public, non. Et c'est bien navrant. Le fait que tous les politiques se mettent à facebook et Twitter (avec ou sans fautes d'orthographes à la Estrosi mais là n'est pas le débat) participe exactement de la même logique.
Comme dirait un ami très cher, ces éminences numériques comme ces politiques qui les imitent ne sont pas forcément stupides (encore que, Valls et Estrosi...) mais ils mettent véritablement leur intelligence au service de la médiocrité...
Demain, nous profiterons d'un jour férié pour ne pas avoir de plan établi.
10:34 | Lien permanent | Commentaires (3)
09/11/2009
Mauvais titre / Bon livre
Oui, mais alors non.... Après un week-end qui m'a vu me coucher dimanche largement après l'heure à laquelle je me lève d'habitude le lundi, je ne suis pas d'attaque pour me lancer dans un inventaire forcément déceptif sur tous les bons ou mauvais titres par rapport aux ouvrages afférents. Disons juste que Jubilations vers le ciel est un titre admirable, même si bon Yann Moix nous a surtout prouvé dernièrement que s'il n'a pas écrit que des conneries, c'est parce qu'il en a aussi filmé.
Le seul livre au sujet duquel je voulais parler, c'est Manuel de survie dans les dîners en ville (Seuil). Mauvais titre car franchement, impossible de recaser tous les passages dans vos dîners en ville. Mondain frénétique moi même, bon en fait pas vraiment mais suffisamment pour que ma tante (merci tantine) me l'offre, je l'ai dévoré hier (et aussi, en fait surtout cette nuit, parce que mes côtes mes faisaient souffrir le martyr et je ne trouvais pas le sommeil). C'est une bouffée salutaire à la veille de commentaires lénifiants de conformisme sur la chute du mur (ou sont passés les anticommunistes secondaires ? seuls les primaires commentent. Bon dieu, BHL au réveil, j'en avais encore plus mal aux côtes...).
Que trouve t'on dans ce livre? Rien. Enfin, si, des digressions, rien que des digressions sur des idées philosophiques éculées que l'on retrouve généralement dans les dîners en ville (d'où le titre). Mon passage favori est le chapitre "faut-il relire Carl Schmitt?" Ou l'on défend l'idée que ceux disent ça sont des cuistres pour trois raisons,
1 : "faut", et bah faut s'en méfier.
2 : "RElire", souvent suspect
3 : qui est Carl Schmitt à part un célèbre cuisiniste ?
Sinon, j'ai appris ce qui m'a fait sourire et renforcé dans mon anticléricalisme viscéral, que le principe de la taxe carbone pollueur/payeur était hérité des papes Jules II et Léon X avec la vente d'indulgences (un meurtre, 8 ducats, un viol, 7 ducats...). Je connaissais les indulgences mais n'avait jamais fait le parallèle et désormais je pourrais le ressortir dans mes dîners en ville quand je tomberais sur un thuriféraire du Grenelle de l'Environnement (rare...).
Demain, nous conviendrons que l'avenir de la jeunesse sent le roussi. Le club des incorrigibles optimistes est certes un excellent titre, mais c'est un ouvrage de 757 pages qui aurait mérité que l'on coupe 300 et que l'on travaille beaucoup le style des 450 restantes... Alors, pourquoi lui donner le Goncourt des lycéens quand Albin Michel (l'éditeur) était le grand oublié de la saison des prix littéraires et laisser ainsi planer un parfum de soufre sur ce prix... Les jurés ont ils reçu des Iphone de la part d'Albin ? Mais que fait la presse ? Ah, oui, elle est à Berlin, là où l'histoire s'écrit....
16:17 | Lien permanent | Commentaires (4)