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14/07/2011

La langue, cette grande oubliée de nos débats identitaires.

f1b441cf.jpg En ce jour de fête nationale, revenons quelques instants sur le fondement de notre identité nationale, inexplicablement oublié du débat de mauvais goût de 2010 : la langue. Revenons y, une fois n'est pas coutume par une initiative de la Fondation pour l'Innovation Politique, think tank très droitier dirigé par Dominique Reynié et Nicolas Bazire. Passé cet a priori, force est de reconnaître que leur documentaire, intitulé "Français singulier pluriel" est d'excellente facture défiscalisée (le propre des think tank). Il a été réalisé par 3 étudiants qui s'interrogent sur la place du français dans la Nation France; quelle importance a t'elle pour les nouveaux arrivants, pour les rapports sociaux? La place du français dans le monde m'a laissé plus sceptique, mais l'ensemble des 22 minutes se regarde sans déplaisir :

http://www.youtube.com/watch?v=WTLBwR7Pe6M

La fin, donc, est plus technocratique et ravira les amateurs de Max Gallo et de Chevenement puisque l'on apprend que le français régresse en Europe à cause de l'anglais. Pas un mot sur le fait que l'anglais est un dénominateur commun et que personne en France ne déplore jamais la perte de vitesse de l'allemand, de l'italien ou même de l'espagnol qui monte pourtant en puissance dans le reste du monde.

Pour le reste, les témoignages de profs, notamment l'excellent romancier et prof (je ne peux ajouter de qualificatif pour l'enseignant, je ne l'ai pas eu) Thomas Reverdy sont plus percutants. Reverdy, donc : "les ados restent des jeunes gens, plein de vie, éventuellement perturbateurs. Mais ils ne posent pas problème. Prof de lettres c'est un combat contre la société, le temps de cerveau disponible, les soldes, la méfiance des acteurs économiques, c'est tout cela, qui rend la chose difficile".

Il faut les voir les jeunes étrangers apprenant le Français car "c'est utile en préfecture" pour immédiatement revenir sur tous nos clichés. La langue est aujourd'hui plus maltraitée par nos élites que par ceux stigmatisés par ces mêmes élites. Le débat de 2010 avait voulu souligner que les gaulois étaient menacés, sans voir qu'un grand nombre de morphotypes non gaulois prononcés, mais Français de papiers, le parlaient beaucoup mieux, dignes héritiers de Léon Gontran Damas, le poète condisciple de Césaire qui s'interrogeait très justement sur la place de la langue dans le poème "Hoquet" 

Vous ai-je dit ou non qu'il fallait parler français ?

le français de France

le français du français,

le français français?

On aurait aimé que les amateurs de "win the yes needs the no to win against the no" ou "si y en a que ça les dérange que j'augmente les impôts" fassent amende honorable d'être des délinquants verbaux et s'engagent pour que tout le monde maîtrise la langue le mieux possible, ce qui réduirait considérablement les inégalités et même l'insécurité, les incompréhensions conduisant souvent à la violence...

Demain, nous militerons pour la langue en disant du bien de "Bric et Broc" d'Olivier Rolin, livre qui donne envie de lire et d'écrire le Français.  

12/07/2011

Si France culture se met à biaiser les débats...

sens-interdit.jpgOn le sait avec les sondages, une grande partie des réponses dépend de la façon dont on pose la question. La, France Culture propose dans une émission de salut public, "du grain à moudre", un étrange cri d'alarme: "l'édition peut-elle se caler sur l'actualité ?". Mais, bon sang, alors même que l'émission commence dans un quart d'heure et que j'achèverais cette note en l'écoutant, je ne peux m'empêcher d'être consterné par avance quand à l'évidence la question ne doit jamais, au grand jamais, être posé en ces termes.

Ayant vérifié, l'émission compte trois invités. Un éditeur à la Découverte, soit. Un journaliste à Livres Hebdo, re soit. Et Yves Derai... directeur des éditions du moment, http://www.editionsdumoment.com/ compère de Mickaël Darmon avec lequel il récure les poubelles et épie les bruits de chiottes pour faire des livres sur Rachida Dati ou Carla Bruni. Mais que pensez-vous qu'il va répondre cet homme là ? Evidemment ! Il n'est que de voir son catalogue, avec des "vrais romans de DSK" sûrement bien mûris, soupesés et réfléchis comme doivent l'être des enquêtes et essais...

Si l'édition se cale sur l'actualité, ce n'est ni par philanthropie, ni par compréhension de son époque, mais malheureusement car la paupérisation d'une part et surtout l'enlisement de la presse magazine dans la pensée de la presse quotidienne pousse les éditeurs à remplacer habilement les news mags dans l'envie du public de décryptage... Si l'édition se cale sur l'actualité, c'est qu'un nombre croissant de margoulins rentrent dans l'édition, sentent les coups et profitent de la paupérisation du secteur qui touche aussi les auteurs en leur proposant des contrats potentiellement plus juteux ou à tout le moins, bien moins chronophages que des livres plus exigeants...

Toujours est-il, alors que l'émission commence dans 2 minutes (le blog, lui, peut se caler sur l'actualité), quel lamentable dévoiement tant le seul débat qui vaille est "l'édition doit-elle se caler sur l'actualité ? " et là, la réponse à l'évidence est non. Sinon, l'édition n'est plus rien, elle s'est dénaturé, vendu son âme pour rien car une bonne presse en ligne et quelques revues intelligentes comme XXI la fera mourir. Le seul salut de l'édition est évidemment dans l'intemporalité. Dans la littérature, cela n'appelle même pas de développements, mais dans le domaine des essais, comment comprendre la crise économique actuelle sans relire Marx, l'affaire DSK sans lire Rawls, Sarkozy sans lire Montesquieu. Heureusement, les classiques se succédant les uns aux autres (faut bien que les créateurs vivent quand même !) on peut remplacer les premiers par des vivants comme Lordon, Salas et Todd....

Voilà : 1ère phrase de l'émission commencé "les livres allant de plus en plus vite" surtout, ne pas le déplorer, se contenter de voir si l'édition peut s'adapter... Si ce n'est une résignation, ça y ressemble fortement. L'indignation étant à la mode en 2011, indignons nous contre cette édition qui n'en est plus et pourrais finir par blesser la véritable édition.

Demain, nous verrons si les 39 minutes suivantes ont apaisé notre courroux coucou... 

Edit, 18h29 : ça a pas loupé, cet imbécile d'Yves Derai explique qu'on peut faire un livre en 3 jours comme Besson sur Royal... Ok, on peut écrire en 3 jours, mais pourquoi en faire un livre ? Une longue interview aurait suffi pour cette bave...

Edit, 18h51 : quand on tient un bon coup, faut qu'on y retourne. Yves Derai "je pousse les auteurs à faire des livres, ça leur permet de devenir des spécialistes". De la part d'un homme qui pousse aux livres en 10 jours, ça forge des experts aussi fiables que des auditeurs de chez Moody's...

10/07/2011

Hollande meilleur candidat de gauche pour une France de droite ?

Martine.jpgLes sondeurs n'arrêteront jamais de nous faire rire jaune. A chaque élection, ils se plantent et pourtant ne cessent de prendre de plus en plus d'ampleur. Récemment, la Cour des Comptes (cette excroissance Républicaine dans la ploutocratie que Guéant voudrait amputer) relevait les hausses exponentielles de commande de sondages de la part de l'Elysée, principalement pour les profits de Giacometti & Buisson. Si les sondages se maintiennent, c'est évidemment parce qu'ils font vendre du papier, qu'ils rassurent des gouvernants apeurés par le peuple qu'ils ne côtoient plus et en panne de boussole et aussi, pour de basses raisons de copinages. Mais au-delà de ça, ils restent dans la méthode même des études d'opinions quelques trucs à prendre, la façon dont ils sont exploités dans la presse étant en revanche proprement scandaleuse. Alain Garrigou et Richard Brousse poursuivent contre cela un excellent travail de déconstruction pédagogique en dirigeant le salutaire observatoire des sondages, http://www.observatoire-des-sondages.org/ 

Pourquoi ces prolégomènes ? Parce que ce matin, dans le JDD, un énième sondage pipeau sur la primaire produit des enseignements intéressants et que ceux-ci ne sont pas commentés. Pipeau car on ne sait pas qui votera à la primaire ; un responsable socialiste m'expliquait que des sourciers de la sociologie électorale avaient trouvé qu'en dessous de 1 millions de votants, ce serait plutôt Aubry, au-delà, plutôt Hollande. Or, ce sourcier est conforté ce matin par le sondage, c'est en cela qu'il est intéressant et malheureusement pas commenté. Le titre explique juste qu'Hollande l'emporterait et que l'écart avec Martine Aubry se resserre. Bon. Pire, cette exergue ridicule, "pour 46% des Français Hollande est le plus capable de battre Sarkozy", ignorant tout le reste. Dommage...

Mais, pourquoi diantre ne relève-t-on pas les contradictions quasi schizophréniques contenues dans l'étude? Une très large majorité des personnes interrogées reconnaissent que Martine Aubry incarne mieux la gauche, qu'elle est plus proche de ses valeurs, du service public. En revanche, Hollande aurait le plus un projet pour la France et donc pourrait terrasser Sarkozy. Et il n'y a pas un éditorialiste pour relever cette contradiction manifeste et là pour le coup, pas du tout du parti communiste...

Hollande est jugé le plus crédible pour battre la droite, mais pas sur des valeurs de gauche. Il risque d'être désigné sur un programme dénaturé de ses idées de gauche. En clair, la gauche n'est pas sortie de sa déprime suscitée par les trois branlées successives aux présidentielles (logique) et elle réagit en se recroquevillant, en s'agenouillant devant un homme providentiel sans vérifier une seconde s'il est conforme avec ce en quoi elle croit. Avant le match des deux favoris, les "sympathisants de gauche" suppliaient DSK, dont l'ADN transpire le libéralisme avec peut être une once de déodorant social, mais il était le favori de la même façon au nom du proverbe détourné : à cheval gagnant on ne regarde pas les dents, ni le programme...

Cette fascination pour le favori des sondages, cette montée en puissance de la science sondagière mène à un curieux retournement: en 2006, elle a fait massivement voter les adhérents socialistes pour une invertébrée politique, oscillant entre Besancenot pour sa connaissance des réalités de l'entreprise et Marine le Pen pour l'encadrement des délinquants, reléguant DSK à un piteux 20,7%. Puis, par un tour de passe-passe, DSK était plébiscité par 65% de ces mêmes sympathisants 8 mois après. Aberrant...

Alors, aujourd'hui, François Hollande ? Très bien, si vous voulez, il faut taper le camp de l'abaissement national. Mais serait-il possible, pour une fois, de parler du fond ? De réaliser clairement et d'admettre que l'on a le choix entre la droite et moins la droite. Poser comme cela, ce grand garçon intelligent qu'est Hollande retrouvera ses accents de "j'aime pas les riches" dont la campagne de 2012, pas les riches de plus de 4000 euros (sinon il ne s'aime pas lui même) mais les 1% de kleptocrates qui veulent vider l'idée de service public de sa substance...

Demain, nous réviserons nos chorégraphies, le bal des pompiers arrive...