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08/11/2011

Les jeunes préfèrent le sabre et le goupillon au bulletin de vote...

sabre-goupillon-1.jpgEt encore une. Encore une étude lourde de sens qui ne fera pas nécessairement de bruit dans une presse trop préoccupée à décortiquer les finesses d'entomologistes permettant de distinguer un pays AAA d'un pays AA (et pas seulement Take On me). En page 15 du Monde, un article titre sobrement "les jeunes français ont une image consensuelle de l'armée", la page 2 parle de l'aggiornamento réalisé par les jeunes français depuis la réforme de 1996 et l'instauration d'une armée de métier. Bon.

Qu'un pays qui a produit 175 versions du Déserteur de Vian en vienne a plébisciter le calot, ça me laisse pantois, mais passons. Je ne suis pas spécialement belligérant, mais lorsque j'écrivais mon livre sur l'insertion, j'avais passé du temps avec de formidables militaires qui faisaient beaucoup plus que d'autres pour insérer les jeunes décrocheurs; ceux que personne ne veut voir en se foutant bien de leur adresse ou de leur couleur de peau. Une attitude qui me paraissait bien plus louable que celles de petites coteries prônant la diversité à condition qu'elle leur assure surtout une promotion personnelle.

Le sabre au clair, donc, ne me choque pas. Ce que les jeunes français plébiscitent là c'est une institution transparente et méritocratique qui ne ment pas à l'embauche en promettant le Club Med... En revanche, lorsque on regarde le palmarès en entier, on est pris d'un vertige. A la question "avez-vous confiance dans chacune des institutions suivantes ?" l'armée arrive donc en tête avec 85%. L'école seconde avec 78% ce qui, au regard des inégalités dramatiques qui la rongent est malgré tout un très beau score. Derrière, ça dévisse déjà fortement. Les entreprises complètent le podium mais à seulement 60% à quasi égalité avec la justice. On sent poindre le cynisme de la génération à venir qui ne déteste pas les entreprises puisque fors elles, compliqué de s'émanciper financièrement, tout le monde ne pouvant monter sa boîte...

Un trio a la tête au-dessus des 50%, la barre fatidique: les maires, qui sont proches des gens, les syndicats (ce qui au regard des 7% de salariés syndiqués en France est encore un très beau score et un beau pied de nez à tous les connards répétant à l'envi qu'ils ne représentent qu'eux mêmes) et la police, et là pas besoin d'être grand clerc pour voir que ça fait quand même 48% des jeunes non confiants à l'endroit de ceux censés les protéger... Glauque.

L'administration, à 48% vacille mais tient encore. Comment jeter la sécu même délabrée ? Les impôts même percés, les allocs familiales ? Bon, ne tirons pas sur l'ambulance.

Les députés ne récoltent que 34%, la chute est sévère, 20 points de moins que les maires. Les maires sont des pompiers qui vont au feu quand les députés sont vus comme des barons.

L'antépénultième et l'avant dernier du classement à respectivement 28 et 24% de satisfaits: l'église et la télé. Heureux les faibles d'esprits qui croient encore des balivernes comme "aide-toi le ciel t'aidera" ou Masterchef...

Et puis, dernier, loin derrière, si loin derrière : les partis politiques. 13%. 13% comme le taux de la population française qui vit sous le seuil de pauvreté, mais proportion plus importante si l'on regarde les moins de 25 ans. Le Secours catholique avoue que ce sont eux les principaux bénéficiaires. Quand on donne des perspectives plus sombres que la crinière de Julio Iglesias à sa jeunesse, voilà comment elle vous remercie, elle préfère encore un sabre (pour vous trancher la gorge ?) ou un goupillon parce qu'il n'y a plus personne d'autre à croire... Reviens Marat, ils ne sont pas devenus fous, mais ils ont besoin de toi !

06/11/2011

Extension du domaine de la lutte des profs de ZEP

couv_autopo.jpg Le clin d'oeil a l'oeuvre de notre grand escroc littéraire est volontaire. L'escroc, celui qui arrive à trouver des avocats comme Raphael Enthoven pour prétendre "qu'il imite parfaitement le style creux et parvient à faire croire qu'il écrit mal quand c'est volontaire" (après avoir lu "le Philosophe de service" dudit fils Enthoven, je vous le confirme, "qui se ressemble s'assemble", entre escrocs on se défend. Si ce mec est philosophe je suis rabbin. Journaliste très intéressé par la philo c'est certain, cultivé d'accord, mais quand il pense à haute voix et que c'est la sienne, tous aux abris...). Dans son premier livre, Houellbecq donc  nous présentait un informaticien frustré qui ne pense qu'à des fantasmes étriqués et dont la vie pue le céleri rémoulade oublié dans le frigo depuis dix jours. Mais quand le sentiment de réel transpire à ce point des pages (pas du céleri rémoulade évidement), ça fait mouche. Or, Autoportrait du professeur en territoire difficile d'Aymeric Patricot embarque avant tout son lecteur par sa puissance réaliste extrême. Ce n'est pas le cas de toutes les autobiographies, car nombre d'écrivains sont mythomanes soit en se panthéonisant (Hemingway qui d'après lui est le plus grand amant, le plus grand soldat et le plus fin lecteur) soit en se détruisant avec une fausse haine de soi pénible (Nourrissier).

Or Patricot dans ce court récit de ces premières années de sa vie de prof trouve le ton juste, joue juste. Ni victime, ni héros. Ni déconnecté par une jeunesse dorée, ni préparée car issu de la cité, Aymeric avance dans la vie de jeune prof de ZEP sans préparation et cette absence de mise en garde rend la gifle d'autant plus violente. Dans le premier chapitre, il prend des gants sociologiques pour relativiser ce qui lui est arrivé.  Il revient sur la violence de l'expérience. Comme pour tout professeur il parle du déclassement, du manque de compassion. Surtout, il évoque très justement le double médiatique du professeur qui complique tout. Dans les médias, on parle des profs de ZEP pour évoquer les agressions ce qui alourdit le climat quand lui raconte n'avoir jamais été agressé mais y avoir toujours pensé. On parle sinon des profs en termes de privilégiés ce qui, quand on connaît la réalité ne prête même plus à sourire... 

La vraie violence tient à la ZEP elle même. Ces "5% d'établissements français qui ne sont plus dans la norme". Ou on te demande un autre travail, avec d'autres conditions. Interdiction de virer les élèves car il n'y a pas de surveillants. Caractère équivoque des sanctions: les mômes s'en foutent, les parents s'en foutent, la hiérarchie ne veut pas savoir. Objectif: tenir votre classe... Après, on peut te tenir tous les discours du monde sur les Hussards de la République, on voit bien que cela confine à la mauvaise plaisanterie et que ceux qui parlent de ça sont hors sols. 

Difficulté supplémentaire: la ségrégation ethnique: 95% de profs blancs pour 95% d'élèves non blancs. Patricot le dit très bien, l'incarnation du ghetto c'est le collège. C'est là véritablement ou se cristallise au plus fort les inégalités. Au lycée, on respire déjà mieux. Il enseigne aujourd'hui à la Coureneuve dans un lycée et les classes sont beaucoup plus assidues (en filière général, en technique c'est autre chose) car les plus violents sont partis. Les filles noires sont lycéennes, pas les garçons. Que vont-ils devenir ? Le livre ne le dit pas par lassitude de dire tout ce qui ne va pas mais on sent poindre les pages des faits divers du Parisien...

Pour ne pas accabler son lecteur, Patricot finit son récit sur une note positive: comment il s'en est sorti. D'abord, il a l'humilité de le reconnaître, en restant 3 ans. L'amour dure trois ans, la dévotion ordinaire aussi. Pour les autres, ceux qui prolongent leur engagement au-delà de la garantie décennale, l'auteur tire son chapeau et on le comprend. L'écriture, aussi, qui lui a permis de transcender son quotidien pendant. Après, il a pu se replonger dans la réalité et trouver cette parfaite distance de l'opus. L'écriture au quotidien, c'est aussi ce qui a poussé mon amie Titcheure a créer son blog, http://inglichetitcheur.canalblog.com/ qui est d'une drôlerie sans pareil. En créant un avatar blogesque d'elle même, elle a su se tourner en dérision et aimer ses élèves d'autant plus. Elle a changé la charge de la pierre qui pèse sur Sysiphe et en s'imaginant heureuse, elle a réussi. Patricot aussi, il est heureux de pouvoir transmettre via les mots, son quotidien qui est celui de tous les professeurs débutants. Ce n'est pas toujours rose, mais ça va mieux en le disant et encore mieux en l'écrivant. Reste à le faire lire.

Demain soir, rendez-vous au Quai Branly pour une expo sur les armures Samouraï, je vais voir si je peux pas en gratter deux ou trois pour mes potes jeunes profs...

03/11/2011

Pourquoi tant de haine de la démocratie ?

democratie_1.jpgLe mot de Churchill n'est même plus vrai. "La démocratie est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres". Cet apophtegme soulignait fraîchement notre passion à reculons pour la démocratie vers laquelle le monde marchait lentement quand même, parce que l'autre chemin vers le fascisme. Bon, mais ne serait-on pas en train de faire curieusement machine arrière ? Il y a comme des vilains relents de 2005 avec les réactions à l'annonce de Papandréou de convoquer un référendum. "Il est fou. C'est très grave. Pourquoi demander ça au peuple ?" se demandent à l'unisson les dirigeants du G8 bien vite rejoints par les marchés qui plongent en choeur à peine le mot prononcé. Exactement comme notre VGE national qui avait rédigé le projet de constitution et avait été dévasté à l'idée que Chirac soumette ce texte au peuple...

Que les marchés ne soient pas démocrates, ce n'est pas nouveau. Ils fonctionnent sur l'information et la fiabilité de celle ci, alors son caractère confiscatoire est crucial pour leur maintien en état de profit permanent. Rien de tel qu'une bonne dictature pour les marchés et agences de notation qui ont d'ailleurs, mais on l'a déjà oublié, dégradé la Tunisie, l'Egypte et la Lybie car n'est-ce pas des régimes instables, ce n'est guère encourageant pour nos affaires. Ils réagissent fort logiquement de la même manière pour l'annonce du référendum grec, craignant que ces connards de populos n'acceptent pas ce qu'on leur donne alors que Sarkozy l'a pourtant bien dit "il n'y a pas d'autre plan", la similitude avec 2005 est troublante et décourageante. Car en 2005, la France, le Danemark, l'Irlande ont tous voté non et le traité de Lisbonne reprend le même texte... Les dénis de démocratie sont de plus en plus patents et la presse est plus que modérément critique. 90% des éditorialistes étaient favorables au "oui" hier et 99% tremblent aujourd'hui à l'idée que la France puisse perdre son AAA.

Enfermé dans leur fameuse "pensée unique", gouvernants, leaders économiques et médias oublient pour autant une vérité inchangée: on a personnalisé les profits et mutualisé les pertes en 2008. Mais ceux qui ont gagné beaucoup d'argent avec les junk bonds et spéculent depuis, les coupables  en somme, n'ont toujours pas payé... La démocratie dont le triumvirat cité-ci dessus a plein la bouche devraient trouver cela illogique.

"La démocratie c'est la République lorsqu'on a éteint les lumières" écrivait fort justement Régis Debray. Et effectivement, quand la démocratie vacille sur ses bases, les extrémistes de tous crins fleurissent et pas seulement politiquement: depuis le théâtre du Châtelet avec des connards de cathos ressuscités à Charlie Hebdo hier il y a des vilains relents dans l'air... Dans un cas comme dans l'autre, quelques petites factions n'admettent plus qu'une loi à la base de la démocratie, s'expriment au dessus de leurs croyances : la liberté d'expression. Et ils vont être d'autant plus légitimes que l'indignation devant ces actes de salopards est à géométrie variable: toujours prompte à dénoncer les relents racistes de la France, la nouvelle passionnaria télégénique de la lutte pour la diversité, Rokhaya Diallo, fondatrice du collectif "les indivisibles" commentait l'événement d'hier d'un troublant "les conneries d'hier vont relancer Caroline Fourest pour deux ans". On écrit "conneries" pour dire qu'on dénonce mollement un attentat criminel mais surtout on déplore que cela fasse la part belle à son ennemie juré... Ce type d'attitude chez une supposé héroïne de l'anti-racisme révèle en réalité les crispations internes d'une France figée dans ses petits clans, en col blanc, col bleu, peau jaune, noire ou rouge, toutes petites coteries peut compatibles au demeurant avec le concept de démocratie... Idem pour les fous furieux du Châtelet qui sont modéréments tancés par le pouvoir en place qui a besoin de son électorat catho et s'en voudrait d'aller les stigmatiser les plus nerveux d'entre eux... Beurk.

Demain, nous réfléchirons donc à la réécriture d'une constitution d'inspiration Maurasso-Trotskyste, revisitée par De Gaulle; on est en France tout de même...