28/11/2011
Pourquoi jouer Placé quand on peut jouer gagnant ?
Si Jean-Vincent Placé est de gauche, je suis curé. Ce n'est pas la première fois qu'un intrus se glisse dans le camp. Strauss-Kahn, Manuel Valls, Bernard Kouchner, Eric Besson, Gérard Collomb ou encore Jacques Mellick sont entrés à gauche parce qu'il y avait de la lumière, mais sans trop savoir pourquoi.
Le mal est plus insidieux, plus profond et donc potentiellement plus dangereux chez Jean-Vincent Placé: il n'est pas vertébré politiquement. Donnez lui les honneurs et les liquidités afférentes, vous en faites le directeur de la communication d'Areva.
Un fait, un seul, avéré et non démenti par l'intéressé. Cet homme a plus de 20 000 euros d'amendes de stationnement non payées. D'abord, cela dénote d'une conception du civisme proche de celle de Patrick Balkany. Deuxio, pour un écologiste, cela implique que les transports en commun le rebute fortement. Tout comme le dégoûte l'eau minérale quand il est envoyé à Shangaï à l'exposition universelle pour représenter la région Ile-de-France et que la seule douloureuse de sa chambre en champagne permettrait de financer annuellement deux associations impliquées dans les énergies renouvelables... Celle-ci était un peu sorti dans la presse, mais sans plus. Pourquoi ? Parce que ce Richelieu de chef lieu de canton tient les élus par un endroit que la morale m'interdit de nommer ici, oh et puis bon, par les livres de comptes.
Jean-Vincent Placé a tout de l'apparatchik du PS, mais pas la patience. Il s'est engouffré chez EELV où les strapontins étaient plus nombreux. Il a depuis lors fait montrer d'une élasticité intellectuelle impressionnante, soutenant Duflot, Hulot, Joly, Hollande, Aubry et j'en oublie sans doute... Il n'insulte jamais l'avenir, surtout le sien. Habile, l'homme a négocié pour ses collègues d'EELV pour mieux se servir, il s'est spécialisé dans les marchandages électoraux, l'équivalent d'un Alain Marleix ou d'un Christophe Borgel qui sont tous deux à l'éthique politique, ce que Compte-Sponville est à la philo. Il l'a toujours clamé, peu importe le mandat pourvu qu'on ait le pouvoir. Le voila sénateur a 42 ans. Il ne vomit pas le palais du Luxembourg contrairement à un Vallini, mais n'en a cure et certainement pas d'amaigrissement: se servir plutôt que servir, le Sénat est fait pour ça...
Jean-Vincent Placé a de plus la chance qui sourit aux débutants : un imbécile comme Marleix le traite de "coréen national" et tout le monde - à juste titre - le soutient. M'enfin de la à en faire un martyr... Il me rappelle en cela un Marek Halter dans le lamento, à la différence près que Marek Halter a vraiment connu, l'enfer. Ca ne le rend pas plus malin, mais ça l'excuse.
Le problème, le seul, c'est l'attention que le PS porte à ce margoulin qui s'est couché devant lui avec un accord débile. Au lieu de parler du fond, tout le monde s'affaire autour des fonds destinés à chacun. Camarades du PS et d'EELV, vous en serez encore à compter et à vous répartir les postes que l'actuel locataire de l'Elysée sera reconduit pour 5 ans...
Demain, nous ne souffrirons pas d'anosognosie et souhaiterons bon anniversaire à Jacques Chirac, que nous ne pensions pas regretter à ce point...
09:27 | Lien permanent | Commentaires (4)
26/11/2011
Bordel de bref
Si l'histoire va plus vite et que tout se compresse comme dans l'univers du sculpteur César, il n'y a rien d'étonnant à voir le succès de Bref, le nouveau-court métrage de Canal+. La Fondapol, think tank bien à droite a convoqué Tocqueville pour expliquer la standardisation de l'intime et autres concepts puissants http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/11/24/bref-tocqu...
Personnellement, je vois dans cet article plaisant de nombreux oublis. D'abord le format. Si Bref plaît, c'est avant tout qu'en 1,40 minutes, on a pas le temps de s'emmerder quand de nombreux programmes courts dévoilent leur médiocrité, même en 7 minutes. Un laps de temps où l'on a le temps d'éprouver plus que de l'ennui, comme dit Nafissatou Diallo. On sait que le seuil d'attention à l'écrit n'a cessé de baisser et que la lecture sur Internet a encore fait chuter de 25% cette tempérance. Le test est simple: on voit place un long article sans image et vous demande au bout de combien de temps votre oeil a lâché. Dans les années 50, on pouvait encore titre "5 colonnes à la une" mais aujourd'hui, 2 colonnes suffisent, au-delà les lecteurs sont déjà évaporés. Bref a compris cela qui a calibré son format pour le zéro déchet. Même lorsque cela n'est pas drôle (une fois sur deux environ) on reste en attendant une bonne vanne, un événement ou une belle chute. Une mine pour les publicitaires donc, d'autant plus que lorsqu'on les revoit en boucle sur Internet, chaque 1,40 minutes est accompagnée de sa pause réclame. Comme pour le SAV d'Omar et Fred, le jackpot est là.
Par ailleurs, même s'il ne faut pas bouder son plaisir, ce qui est étrange dans le succès de cette mini série relève de son supposé caractère universel. Le héros est un homme, soit. Il fallait choisir et le couple hétéro a été campé pour 15 ans par Dujardin/Lamy, depuis, on coupe 50% de l'identification. Il est célibataire. Un nombre croissant de français le sont, mais ériger cela en universel a quelque chose de troublant. Ce d'autant plus que la nidification n'a pas l'air de le tenter. Il est chômeur. Certes, la crise est là, mais 10% de la population est au chômage, 25% chez les jeunes, catégorie que le héros est censé avoir quitté (inconsciemment il faut instiller l'idée que non) donc on choisi un minoritaire. Sa vie est rythmée par une forte activité masturbatrice et de jeux vidéo. Il mange de la junk food et se rend dans des fêtes où l'on boit de la vodka caramel. Toutes ces choses existent, en ce qui concerne la vodka caramel, les trendsetters s'évertuent même à vanter la modernité troublante de ce mélange, mais on peut tout de même s'interroger sur les choix des auteurs. Je ne dis pas que le héros serait plus crédible s'il écumait les lieux de haute culture, avait une passion pour son boulot, vivait une idylle bouleversante et parlait de voyage aux quatre coins du monde, mais à choisir à chaque fois le contre pied, à privilégier systématiquement le côté pauvre de la nature humaine, que nous disent-ils ? N'est-ce pas proprement étrange de se consoler en se disant que certains ont une vie à ce point pitoyable que nous sommes bien lotis ?
Cela, l'amateur de Tocqueville cité au début ne se le demande pas. Mais on pourrait parodier Marx dans une de ces antimétaboles chéries des journalistes : "Misère du rire humain, rire de la misère humaine", car au fond, ce qu'il y a de triste dans ce rire, c'est qu'il n'est pas drôle. Nous nous retrouvons à rire des travers d'une société un peu vide, très rude où la jeunesse avec une certaine précarité va de 18 à 40 ans. Les indignations ne donnant pas de résultats probants et la révolte n'étant pas au programme, reste à se désoler en riant jaune.
Demain, nous serons plus légers d'avoir vu "tous au Larzac".
07:42 | Lien permanent | Commentaires (7)
23/11/2011
Khmers ou Bisounours, le double piège tendu aux forces de gauche
Décidément, Rafaele Simone avait tout vu dans son Monstre doux où il tentait de comprendre pourquoi l'occident vire à droite. Il expliquait comment le projet de gauche avait dû mal à se pitcher face à la droite. Hier, alors que mes étudiants me présentaient un exposé sur les élections espagnoles et concluaient (un peu aidés par le prof) sur le fait qu'il reste 3 pays à gauche sur 27 en Europe: Danemark, Chypre, Estonie. Ils me demandaient alors si la gauche pouvait regagner dans certains pays. Je leur répondais un grand sourire aux lèvres que lorsque je commençais à m'intéresser à ces questions, le dilemme se posait en sens inverse : Blair en Angleterre, Jospin en France et Schroder en Allemande, Prodi en Italie.
Face à ces sociales-démocraties très souples, acquises à l'économie de marché jusque dans l'aveuglement face aux privatisations et dans les résignations économiques ("le politique ne peut pas tout" de Jospin où la loi Hartz IV en Allemagne permettant de payer les chômeurs 1 euro de l'heure, debout la gauche...) la droite semblait dépassée. Depuis ? Explosion de la bulle Internet, de la bulle des subprimes, bref, décomposition totale des idéaux libéraux, l'économie casino est en banqueroute. La confiance a volé en éclats. Hayek, Friedman, Rawls. Tous perdants. Seul Warren Buffet avait vu juste, lui qu'on avait traité de has been car il ne voulait pas investir dans les starts up car il ne comprenait pas les implications humaines de ces business. Dix années à ignorer l'humain, à accumuler des richesses ultra privatisées tout en faisant payer les excès et chromes divers à tous les laborantins. Plus un échec des idées de droite, c'est impossible et impensable. Encore que, le pire n'est jamais certain et puis il ne faut jamais insulter l'avenir. Pourtant, pendant cette décennie, les pays ont viré à droite les uns après les autres. Seule exception notable, mais uniquement parce que nous sortions de huit années de Bush, Obama. Mais lui aussi n'échappe au double piège tendu aux forces de gauche, la double ornière dans laquelle les margoulins type Copé veulent enfermer leurs opposants: Khmers ou Bisounours.
Le premier crochet gauche consiste à ringardiser tout opposant en le traitant de Khmer: hausse d'impôts, fiscalité punitive pour les pollueurs, pour les entreprises qui licencient, qui discriminent, toutes décisions proposées au nom d'une certaine conception de la justice, sont systématiquement retoquées au motif spécieux qu'on voudrait priver les citoyens de libertés. Bon. Alors, les forces de gauche ont tenté un virage à 180°, tenter le coup de la société adulte, celle qui sait discuter, parler, se mettre d'accord. Mais alors, fors toute contrainte, on vole à plein dans les bisounours. Il n'est que voir l'accord sur le nucléaire entre le PS et les Verts, à ne rien décider, on mécontente tout le monde, on passe pour des benêts incapable de tenir sa ligne et en face, on compte les points, perdus et pour longtemps, ces points.
A choisir un mal, il n'y en a qu'un qui s'impose logiquement: les Khmers. La coercition est au coeur historique du projet de gauche. Elle a compris après Rousseau que non, l'homme n'est pas bon de nature, il est un loup pour l'homme. L'homme de gauche met une muselière à celui qui veut mordre un plus faible pour le manger. Si c'est ça être un Khmer, il faut assumer...
09:15 | Lien permanent | Commentaires (4)