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15/01/2014

Des politiques plus Dorian Gray que Casanova ?

Unknown.jpegCette note n'a pas pour vocation d'entraver ce beau principe de respect de la vie privée. Quelle merveille, quel avantage sur les autres et pourvu qu'on ne s'engage jamais sur la pente Yankee que voudrait emprunter l'ineffable JF Copé. Les scandales de moeurs disséqués dans la presse, c'est bon pour les séries télés ou les films, mais pour la vie politique du pays, c'est navrant. Le seul élément privé qui m'intéresse dans cette histoire, ce n'est pas l'appartement, le kama sutra pratiqué ou encore qui a payé les croissants mais l'âge de l'impétrante : 41 ans. 

Ségolène Royal a bientôt 60 ans, Trierweiler 48, Gayet 41. Voilà qui me semble plus révélateur du malaise que d'improbables arguties sur le statut de première dame ou la sécurité du chef de l'Etat. Révélateur dans la mesure où la question concerne de nombreux hommes politiques et qui tous comme Hollande fuit l'évidence du temps qui passe.

Dans un sketch sur les politiques décomplexés, Patrick Timsit évoquait les inclinaisons juvéniles de Silvio Berlusconi. Il notait avec justesse qu'un grigou de 75 ans qui veut se taper des minettes de 18 ans, c'est un peu dégueulasse, mais si l'objet de ses fantasmes avait 75 ans comme lui, qu'aurait-on dit de sa santé mentale ? Rires. Et c'est drôle. Mais mettons à part le cas Berlusconi comme celui de DSK. Des partouzards malades qui sont drogués à la petite mort en étant sûrs qu'elle conjurera la grande. Les autres dirigeants politiques, s'ils ne font pas ce saut de l'ange de 60 ans, ne cherchent pas leur alters égos, mais des femmes infiniment plus jeunes. Carla Bruni rend presque 20 ans à Sarkozy, Besson a choisi une nouvelle compagne de 25 ans sa cadette et Moscovici vit avec une jeune fille de 30 ans de moins que lui. Luc Ferry aussi a choisi une femme de 30 ans de moins que lui. Et n'étant pas introduit dans ces cénacles, je ne sais pas si la liste des jeunesses dans les alcôves est bien plus longue, mais je suis prêt à parier qu'elle l'est.

En soi, est-ce grave ? Sans doute pas. Mêmes très jeunes, elles restent majeures et consentantes. Le problème tient déjà plus dans la muflerie et la misogynie qu'il y a à considérer les femmes comme périmées passés 40 ans. Et le problème tient beaucoup plus dans le décalage de péremption ressenti avec leur propre personne. Et là, on vire au pêché suprême : l'hubris. Pour eux, le temps n'agit pas. A 60 ans, il sont d'une infinie jeunesse et prêt à tout recommencer à zéro. Ca peut être romantique et il est vrai qu'avec une espérance de vie en bonne santé en très forte hausse en France, d'autant plus pour les plus privilégiés dont ils font partie, ils ont effectivement une troisième jeunesse devant eux. Un peu... Mais pas vraiment. Evidemment qu'ils vieillissent tout de même. Ce déni de réalité ne peut être sans conséquence politique. Je ne veux pas entrer dans une psychologie de bazar, mais un refus de voir l'évidence dans sa propre vie a nécessairement des répercussions au moment de prendre des décisions. Je ne parle pas tant des dettes, qui relèvent tout de même de la fable (celui qui pense que les US va rembourser chaque $ de ses 20 000 milliards m'intéresse) mais plutôt des changements climatiques et autres motifs de péril écologique. Quand on se pense immortel, on a vite fait de croire que la planète l'est aussi. Quand on refuse de voir les effets du temps sur son propre corps, on nie les stigmates subis par Gaia avec des fadaises comme "la science nous a toujours sorti de là" ou "la terre est plus solide que ça". On nous présente toujours les politiques en Casanova. Lequel est mort paisiblement. On ferait mieux de les dépeindre en Dorian Gray pour souligner les dangers qu'il y a à signer un pacte avec Faust. Voilà. N'ayant pas acheté Closer je ne sais si les plumes du magazine faisaient la même analyse. Ca me donnerait presque envie de relire Dorian Gray, tiens. Mais je suis trop jeune pour déjà relire, je me garde ça pour le moment où... le bon moment quoi.

13/01/2014

Bio coule à pic

affiche-du-film-yves-saint-laurent-11047051tudjo.jpgHier, j'ai hésité avant d'aller voir YSL pour des raisons qui dépassent les critiques mi-figue mi-raisin que j'avais pu entendre. Au finish, l'idée que ça me ferait du bien de sortir, couplé au fait que j'étais certain de la qualité des prestations de Pierre Niney et Guillaume Gallienne l'emportait et j'allais voir le biopic. J'aurais pu m'en dispenser. Pas dramatique non plus, mais tant de talent et d'énergie pour si peu d'émotion, c'est désolant. Bien sûr, les duettistes du Français sont bluffants, les images superbes et la bande son de très bonne facture. Et après ? Une succession de scènes fortes, découpant la vie du couturier grossièrement et s'achevant de façon tout aussi schématique. Dommage.

Jamais on ne voit vivre le couple, partage ses doutes et ses joies. La caméra de Jalil Lespert ne s'attarde jamais hors du récit tout tracé et convenu. Au final, c'est un sans faute comme pour un gamin qui arrive au ciel de la marelle sans avoir sauté une case. L'autre point évidemment, est qu'on voit littéralement YSL pendant 1H45. Le mimétisme atteint par Niney est troublant. La voix, la posture, les expressions, c'est bluffant. Jespert le sait et le film sous tous les angles pour mieux montrer le miracle de la parfaite imitation en omettant un détail : ce n'est pas le but du cinéma. Jespert aligne sa collection de scènes symboles : YSL prenant de la coke et titubant pour la débauche, se faisant baiser dans une cage pour l'adultère. Hélas, on ne montre pas les affres et la douleur de la tromperie avec un corps étranger à côté de l'amant dans le lit. 

Ce qui m'a chagriné dans le film, je l'ai déploré dans nombre de biopics, ce genre très en vogue pour des raisons de sûreté financière supposée. On trouve une vie un peu héroïque, le scénario quasi ficelé, un bon directeur de casting, une bande son qui crache et voilà le film. L'inflation du genre ces dernières années a quelque chose de pénible et en y réfléchissant je ne vois pas lesquels ont retenu mon attention précisément pour les mêmes raisons qui m'ont amené à soupirer devant les frasques des légendes de la haute couture. Certains biopics ont été sauvé par la vie du personnage en lui même : Mesrine se prête bien au grand écran, comme Mohamed Ali. Mais les réalisateurs ne s'arrêtaient pas à l'idée de montrer du muscle et du sang. On nous faisait vivre la face non pas sombre, mais méconnue de l'icône. Si Raging Bull est un chef d'oeuvre, c'est aussi parce que Robert de Niro incarne plus que Jack la Motta. Il dépasse le seul bombardier des rings pour jouer la folie, la jalousie, la haine et une forme de désespoir très touchant.  Là, ça marche. Parfois, les biopics s'arrêtent un épisode, comme The Queen ou outre une Helen Mirren impériale (pour une reine, c'est une promo) Stephen Frears est allé chercher un noeud scénaristique fort. Or, dans YSL, point de noeud, il faut à tout prix cocher cette ridicule prétention à la fresque sur 20,30 ans ou plus. Je m'étais détourné du film consacré à Steve Jobs précisément pour ces raisons. Et j'avais subi les interminables 2h et quelques de La Môme où Marion Cotillard braille son "Marcel Marcel" si fort et si faux que certains lui ont filé des récompenses pour qu'elle arrête. D'accord, elle ressemblait à Piaf. OK, Dahan a du passer des heures à choisir sa bande-originale, mais en sortant on se demande à quoi cela servait ? C'est comme si le cinéma avait oublié son sens premier. Prisonniers de la tyrannie de la ressemblance, les cinéastes se font écraser par les écrivains qui choisissent d'écrire des romans avec des personnages historiques. On délaisse vite les aspects physiques pour aller vers l'émotion. Ce à quoi sert la fiction. Il faudrait dire aux auteurs de biopic qu'avec l'INA, on peut déjà tous voir leurs héros. Qu'ils retournent donc à nous donner à voir ce qui n'apparaît pas sur les écrans de notre mémoire commune. 

11/01/2014

Shall we worry of trying to be happy ?

9782221133439.jpgCe matin, la revue de presse radiophonique se réjouit de la nouvelle venue en kiosque d'un magazine consacré au bonheur "Happinez". La découverte du site du média a de quoi vous ôter les bras, "le premier mindstyle. Plus vous partagez votre bonheur, plus il grandit". Inutile de parcourir trop longtemps le site, en un clin d'oeil, vous retrouvez tout le champ lexical écervelé du "développement personnel", cette religion totalitaire et encombrante. Elle est partout, l'injonction à être heureux.

Dans les kiosques, les librairies, les programmes et le monde des idées. On a pensé, voici quelques années, à remplacer le défaillant PIB par un BIB (bonheur intérieur brut). Quand on voit ce qui se passe dans le pays qui a érigé le bonheur en dogme national -le Boutan - il y a de quoi flipper. D'apparence consensuelle -qui voudrait être malheureux ?- la quête du bonheur en tant que projet politique est insidieuse et néfaste pour ne pas dire qu'elle relève de l'arnaque. Certains plus malins que d'autres l'ont compris, comme le fondateur de la Fabrique Spinoza (pauvre Baruch...) think tank dédié, ouvrez bien vos esgourdes "aux réflexions sur le bonheur citoyen". Pour bien faire, les fondateurs vous convient à des dîners de l'happy culture (qu'est-ce qu'on se marre) à 350 balles le couvert... A ce prix là, j'ai d'autres idées pour être heureux, chers organisateurs. Passons.

Dans "Histoire du bonheur en France depuis 1945", l'historien Rémy Pawin passe en revue les oscillations du bonheur hexagonal et met en parallèle les initiatives éditoriales pour recenser le bonheur et politiques pour accompagner l'expansion du bonheur. J'y ai appris que l'ineffable VGE avait crée en 1974 un ministère de "la qualité de la vie". Celui-ci a disparu et jamais relancé depuis. On imagine mal, dans une période de crise, la résurrection de ce genre de colifichets, sous le même vocable ou pire un Ministère du bonheur. En gros, Pawin nous apprend qu'en1945 la France était très malheureuse (tu parles) et savais alors se concentrer sur l'essentiel. Dans une France ou 2% des logements sont "tous conforts" (toilettes et salle de bains) la santé vient en tête et suffit au bonheur. Dès lors, la presse et l'édition vont s'intéresser au bonheur, sondages à l'appui. On y apprend que les femmes sont plus heureuses que les hommes, car elles placent la réussite familiale et la santé en tête quand les hommes veulent "réussir". On y apprend aussi qu'on est bien plus heureux au sud de la France qu'au nord ("sans doute le climat a t'il un impact" ose s'aventurer l'audacieux historien...) et que les riches ne sont pas toujours plus heureux que les pauvres, mais quand même souvent. Plus que ces généralités que l'on peut deviner sans avoir fouillé dans les méandres de nos archives, l'ouvrage vaut pour sa découpe historique. En gros, depuis 1945, la France a connu 13 années de bonheur total : 1962-1975. C'est à dire quand on en a fini avec la plaie algérienne, qui angoissait les familles et taraudait les consciences, que l'on était en pleine expansion économique et plein emploi et qu'en plus, on a connu un épisode de révolution des moeurs. Autrement dit it's not tomorrow the day before que ça reviendra. Et ça, c'est moyennement emballant. Cette évidence devrait pousser à l'évidence vers d'autres modes de pensée, où l'on voit que les pionniers de la consommation collaborative, de l'abondance frugale et autres formes de partage, c'est à dire ceux qui entament une révolution des mentalités consuméristes, sont plus heureux que les autres. Et pourtant, on nous revend comme "rêve français" un truc issu du XIXème siècle, avec des patrons paternalistes et des usines repeintes en vert.

Dans les années 80, France Télécom avait eu l'intuition géniale de résumer le besoin croissant de lien en "le bonheur c'est simple comme un coup de fil" (détourné en "comme un coup de pine" par les Nuls) et ça n'a pas été tant que cela suivi dans les faits. Pawin nous dit que les croyants sont plutôt moins malheureux que les autres, justement pour des raisons qui tiennent à l'étymologie (religare, relier les uns aux autres quoi). Ceux qui cherchent le bonheur (Chico le trouvait manifestement dans les partouzes, la samba et le football) peuvent donc aller à l'église, aux soldes pour un bonheur fugace (Pawin s'appui sur les choses meilleur illustration du caractère très éphémère du bonheur matériel) ou au bistrot. J'ai choisi...