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21/03/2016

Un Printemps glaçant

16913510.jpgQuel étrange cri que celui poussé par les auteurs du Printemps Républicain avec leur appel ardent à une "laïcité de gauche". Pour se familiariser avec ce nouveau mouvement, on peut lire leur texte fondateur . Ils tenaient dimanche leur premier meeting au cours duquel on pouvait notamment entendre des propos tels que "dans le nord de Paris, il y a une ligne de bus où il est difficile de rentrer si on est pas barbu" ou encore "nos banlieues se sont arabisées et islamisées" suivi d'un "il faut interdire les sorties scolaires aux mères portant le foulard". Voilà voilà...

Je ne parle pas de propos rapportés par des infiltrés malveillants mais par le grand chef de ce truc là, Laurent Bouvet, dont nous reparlerons dans quelques instants. Il en est fier, des intervenants qui se sont succédé à la tribune. Si si, vous l'avez bien lu et ça n'est pas sorti de son contexte. Ils étaient là dans une espèce de jamboree politique, où l'ensemble des orateurs rivalisaient d'anecdotes truculentes et hénaurmes, visant toutes à exposer le pourquoi du comment du besoin d'un retour à la laïcité à la sauce de gauche...

Dieu sait que je suis laïc et que j'aimerai parfois qu'on ne sente pas d'oscillations curieuses au moment de la consultation de lois sur la procréation médicalement assistée, l'euthanasie, l'avortement et autres... En ces matières là, la raison doit l'emporter sur l'esprit et on doit pouvoir avancer sereinement sans savoir ce que Dieu en pense. Après tout, les absents ont toujours tort et il ne vient jamais aux réunions, il envoi des lampistes qui parlent en son nom... Mais la laïcité n'est pas un projet de société dans une République laïque. Si j'étais en Turquie, en Tunisie, dans un Etat en proie au doute face aux questions religieuses, peut être ferais-je de la laïcité mon étendard. Mais en France, dans un pays avoisinant les 15% de pauvreté quand l'épargne déborde, 150 000 décrocheurs quand nous clamons haut et fort que notre école domine, 1 an d'attente pour avoir rendez vous chez un ophtalmo à Brest quand nous donnons des leçons de sanitaire à la planète, la laïcité est un principe, certes, mais ne peut pas constituer un cap ! Un mouvement politique comme prétend l'être ce truc, ne peut se fonder autour d'une notion pareille. Dans un monde dominé par l'économique, impossible de tout fonder autour d'un concept agglutinant aussi bien libéraux que radicaux. Sauf, si l'on veut uniquement faire du bruit, se faire mousser et bousculer les estrades. La présence d'Anne Sinclair et de Fleur Pellerin dans ce mouvement, voire de Brice Couturier de France Culture empêche de penser plus à mal. Mais l'AFD en Allemagne ne s'est pas fondée sur autre chose que "dehors les musulmans". Ces choses là sont plus ouatées, car on a affaire ici à un mouvement de gôche, donc on ne parle pas comme ça. Mais au fond, vu le fondateur, on peut craindre quelques déviances...

Revenons au fondateur, donc. Quelques lignes essentielles sur Laurent Bouvet, la version chic et de gauche d'Eric Zemmour, mais guère mieux que cela. Rappelons tout de même qui est ce beau barbu : l'ex enfant chéri de Solférino, rédacteur des publications socialistes, docteur en sciences politiques et promis à un bel avenir politique.... Hélas, une femme lui est passé devant à l'investiture, en 2002... Il en a tiré le texte le plus bête de toute la science politique "nous les trentenaires blancs, sacrifiés sur l'autel de la parité et de la diversité". Ne cherchez, malheureusement, pas plus loin. Depuis 15 ans et caché dans son magistère de la fac de Versailles Saint Quentin, Laurent Bouvet nous explique que le problème de la gauche c'est d'accorder trop d'importances aux femmes, aux immigrés, aux minorités... Et dit qu'il faut revenir "au peuple" sans expliquer plus aval. Du Marine le Pen dans le texte... Habile, il nous dit qu'il faut revenir à l'égalité et protéger les classes populaires. On attend impatiemment le moment où il nous dit qu'il préfère la paix à la guerre, hélas ce moment ne vient pas... 

Comme il n'a pas été entendu malgré sa lèche honteuse à Hollande lors de la campagne de 2012, qu'il n'obtient ni prébende ni magistère nouveau, ni secrétariat d'Etat ni quelques missions plénipotentiaires, il en remet une couche et publie "l'insécurité culturelle", un opuscule grotesque. Il faudrait le mettre à côté d'une tribune de Florian Philippot et vous pourriez jouer aux jeux des 7 différences. Mais vous n'atteindriez pas les 7... Si c'est ça le printemps, restons en hiver, il y fait plus frais mais les fleurs empoisonnées qu'on voit poindre n'augurent rien de bon. Plantons 

autre chose.

 

17/03/2016

S'autoriser le pluriel ?

estampille-autorisée-24135023.jpgEn début de semaine, nous rigolâmes tous bien (en fait pas tant que cela), avec la diffusion de reportages et autres enquêtes sur la réunion publique sise dans le XVIème arrondissement au sujet de l'installation d'une structure d'accueil pour SDF. Des horreurs furent proférées ; immondes, inouïes.  Cela allait de "ça va dégrader le prix de mon appart" à "je veux que mes gosses puissent se balader tranquille", et "les migrants volent. J'ai peur". Un meeting de Donald Trump, en somme.

Face à cela, les bras vous en tombent. Ce d'autant que, comme le rappelle Monique Pinçot Charlot, on ne parle pas de réflexe de peur, mais bien de préservation de classe qui se défend contre l'invasion extérieure avec une mauvaise foi folle : quand elle parle du bois de Boulogne qu'il ne faut pas urbaniser ou construire, veut-elle qu'on lui parle de la Fondation LVMH et autres clubs privés ? Pas sérieux... Sur la solidarité, c'est encore pire. Le 16ème à 7 moins de HLM que ce à quoi la loi l'enjoint alors qu'il y a de la place en masse. Concernant les places d'hébergements d'urgence, 1200 par arrondissement à Paris, 0 dans le 16è. Fermez le ban, sociologiquement, l'arrondissement rassemble une majorité de vieilles fortunes blanches ne voulant pas être importunés. C'est arithmétiquement incontestable, sociologiquement aussi. Sauf que la sociologie s'arrête là où commencent les exceptions. "Voyez comme Bourdieu a tort, je suis fils de prolo et j'ai fait des hautes études". En l'espèce, "je ne gagne pas bien ma vie, suis dans le 16ème et je vous emmerde". Compréhensible. Je fais quand même confiance à Bourdieu...

Pour moi, il n'y a pas à barguigner. Il faut enfoncer le clou avec ces égoïstes fermés en diable qui ne veulent rien entendre et frapper fort. Idem pour ceux qui trouvent des excuses aux prêtres pédophiles. En disant "ne mélangeons pas tout" devant des cas avérés mais protégés au motif spécieux de la prescription (qui a déjà songé sérieusement à ce sujet voit bien que les enfants peuvent mettre bien plus des 10 ans prévus par la loi avant de trouver la force et le courage de porter plainte). Pourtant, on sent de la prudence dans la récrimination à l'égard de ces actes délictueux. Des reculades sous les appels à la retenue, au pas d'amalgame. Et la gauche, mère de la déconstruction, de l'analyse critique, complexe. Après tout, nous avons hurlé quand Zemmour a essentialisé une population en hurlant "les jeunes de banlieue" combien de discriminations, de clichés, de problème ont succédé à cette essentialisation forcément mensongère ? Après tout, le pluriel est toujours réducteur. Parler "des handicapés", des "vieux", des "immigrés" quelle inanité ! Voilà ce qu'on nous oppose. Calmez vous la gauche, c'est vous qui avez inventé la pensée complexe, la singularité, ne faites pas de généralités....

Il y a deux objections majeures, à mon sens. Primo, il faut justement bien répliquer à la vague néo conservatrice essentialisante... Retournons aux US, comment Sanders a t'il réussi une campagne follement victorieuse eu égard à ses moyens et soutiens ? En s'entourant de 1000 précautions langagières face à la bonne et la moins bonne finance ? Soyons sérieux... Deuxio, les modes de communication instantanée (réseaux sociaux, chaînes d'info en continu) ne permettent pas, ontolgiquement, de développer de la subtilité. C'est comme cela que Bourdieu mourrait au champ d'honneur en gardant sa pureté et que des médiocres comme Zemmour font parfois mouche. Il faut donc ne pas arriver avec une rapière sur un champ de duel qui pratique le bazooka. Tertio, cela doit surtout nous appeler à dépasser ce culte de l'immédiateté pour un débat plus complexe et poussé que nous n'avons aucune raison de craindre : en deux minutes comme en deux jours, les opposants du 16ème sont des délinquants. 

13/03/2016

Qui pour une laïcité hors de Dieu ?

rue-laicite1.jpgDans un article consacré à Manuel Valls et aux intellectuels (défense de rire) on apprend que notre Premier Ministre a de grandes et longues discussions passionnées avec Caroline Fourest. Ils sont d'accord, apprend-on. On ne lèvera pas la question ici de savoir s'ils sont de gauche, mais une chose est sûre : ils sont amnésiques. La laïcité, historiquement, ça n'est pas "je vous écoute, je vous comprend et on avance", mais une sulfateuse qui dit "faites de la place à l'Etat".  Emile Combes s'était battu comme un lion pour que les symboles et l'influence de l'église s'estompe, s'affaisse, disparaisse. Et il plaçait la République au-dessus de tout le reste sans regard pour l'une ou l'autre des églises. Bien sûr, là où il y a anachronisme, il y a danger : Proust aurait-il utilisé des SMS, Barthes serait-il allé chez Ruquier ? Souvent, les réponses sont oiseuses. Parfois, elles sont limpides et en l'espèce on peut le dire sans trembler : Combes ne serait pas allé au dîner du CRIF. Et Valls, si. Combes n'aurait pas dit "je me sens intimement lié à Israël". Valls, si. Combes n'aurait pas pointé une part de l'Islam comme posant problème, il plaçait les religions hors du cadre républicain. Valls, si. Car il essaye de s'accaparer une part du vote musulman sur le dos d'un autre. Il joue les apprentis sorciers.... Comme nombre d'autres irresponsables politiques en la matière, mais Valls décroche le pompon sur le sujet... 

Tout ceci, donc pour de pathétiques calculs électoralistes. En repensant à Combes, on se doute bien que l'idée de se mettre le vote catholique à dos, en 1905, relève d'un courage à la limite de la témérité. On peut le dire, c'était les branlées électorales assurées pour les années à venir. Pourtant, il a tenu bon et suffisamment bon pour passer une loi sans concession qui assure d'ailleurs la pérennité de ce principe. C'est d'ailleurs pourquoi on l'a encore aujourd'hui dans nos textes. Mais on sent bien que le communautarisme des trois monothéismes s'infiltre partout et la laïcité prend l'eau. Et encore, on en parle pas davantage car les études et sondages en fonction de la religion sont moyennement appréciés. On en fait, à la marge (que pensent les cathos, juifs ou musulmans du mariage pour tous, de l'euthanasie... mais on évite de les lier trop directement à un candidat) un peu honteux, comme toute nos concessions à la laïcité...

Aujourd'hui, il faudrait à nouveau des vrais laïcards. Non pas dans le ressentiment, non pas dans la haine, mais dans l'inflexibilité. Pas de concession sur l'enseignement des moeurs, de l'égalité femme/homme, de la sexualité. Pas de concession sur la santé, toutes les hommes et femmes de France doivent accueillir sans réserve la prise en charge par un médecin quel que soit son sexe... Tout partant de l'école, il faudra avoir le courage, mais cela ne peut se faire qu'en début de mandat, de sortir le privé de l'Education Nationale sous contrat. Vous voulez Montessori ou Freynet, vous payez de votre poche. Vous voulez du crucifix, de la kippa ou du voile, l'Etat vous invite. Qu'est-ce que c'est que ces conneries ? 

Le problème de la laïcité qui s'accommode de Dieu c'est que la démocratie perd, in fine. Quand on érige pas une barrière électrifiée, une muraille indépassable, la démocratie s'étiole, est menacée. Prenons 3 exemples, dans 3 plus ou moins grands pays avec 3 contextes et religions différentes, mais 3 menaces toutes aussi grandes. En Israël, l'ultra orthodoxie religieuse de Nethanyahou menace la démocratie israélienne qui discrimine, menace, exclut les non juifs. Chez les turcs, avant garde démocrate du temps de Kemal, la religiosité d'Erdogan ne menace pas seulement la politique extérieure de ce grand pays, mais la démocratie turque elle même. La presse est muselée, le rôle des femmes régresse, la démocratie est malade, proche de la mort clinique. Enfin, si Cruz était élu Président des Etats-Unis, cela serait Jesus 1/ Darwin 0. Ca serait la fin des droits pour les homosexuels, l'interdiction d'avorter mais aussi de ne pas allaiter pour les américaines : c'est cela une démocratie moderne. Ca ne peut cohabiter harmonieusement dès lors que le religieux a des visées politiques. Que le religieux se concentre sur l'intime, chacun ses croyances privées, mais chez soi. Pitié faites qu'un politique de premier plan se lève pour rappeler cette évidence des Lumières.