Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/06/2020

A quand le 2ème tour de l'abolition des privilèges ?

231 ans après, faut-il une seconde nuit du 4 août ? Pour les tenants de l'universalisme républicain, de même qu'il ne saurait y avoir de différence de traitement face à une recherche d'emploi ou de logement en raison de son origine, sa couleur de peau, son sexe, il ne peut y avoir de privilèges rapportés à un de ces mêmes critères, mais vu du côté beurré de la naissance.

Et leur rhétorique, même si elle confine au sophisme, fonctionne à plein. Avez-vous plus de chances de vous en sortir dans la vie si vous êtes la fille d'Omar Sy, ou le fils d'un ouvrier blanc de chez Renault sur le point d'être licencié ? Il ne saurait y avoir de privilège blanc, de privilège mâle, puisque l'on retrouve des non blancs et des femmes à presque toutes les strates du pouvoir. Certes, depuis l'éviction d'Isabelle Kocher à la tête d'Engie, le CAC 40 est composé de 40 PDG mecs blancs. Mais bon, le jeu est ouvert à tout le monde ! 

C'est assez fou, tout de même, les dénis actuels sur les privilèges. Au Moyen-Âge, on acceptait la supériorité de la naissance, parce que c'était ainsi, et le dimanche à la messe, on récitait des exempla, où d'humbles travailleurs parvenaient à trouver la quiétude et le ciel grâce à leur labeur. Par rapport à la réalité sociologique, c'était carabistouille, mais les curés savaient embrouiller. En 1789, ça c'est fâché, on a exigé de naître tous égaux et puis la méritocratie ferait le reste. 

231 ans, c'est tout de même un promontoire assez lointain pour voir que certains sont toujours beaucoup plus égaux que d'autres. Sur les postes à pourvoir, sur l'accès au logement, sur l'orientation scolaire, l'espérance de vie en bonne santé, le PIB moyen, tous les indicateurs sont là pour compléter un adage populaire. Mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et malade... Et pour être riche en bonne santé, mieux vaut être un homme blanc (les femmes sont en meilleure santé que les hommes, mais si on croise avec le niveau de richesses, on retombe sur les mecs riches qui s'en sortent mieux...). Nier ça, crier à l'égalitarisme, au nivellement par le bas, à l'arasement des singularités, c'est certes autorisé par le droit à la liberté d'expression, mais ça ne peut être envisagé comme un argument sérieux. 

Réparer les injustices, mais surtout doter toutes et tous des mêmes droits, des mêmes chances à la naissance, on peut difficilement faire plus fédérateur politiquement. Les libéraux sont, en théorie, d'accord avec ça. On enlève l'héritage comme ça chaque génération repart sur un pied d'égalité financier et après, que le ou la meilleur.e gagne. Il reste évidemment le capital culturel, mais il est délicat de demander aux parents de ne rien transmettre de leurs goûts et appétence au nom d'un idéal de justice commune... Les anticapitalistes sont, en théorie, d'accord avec ça aussi, parce que ça s'appelle le partage. Les seuls qui peuvent être en désaccord avec ça, sont ceux qui n'osent pas l'avouer, mais qui, quand même, sont assez contents d'être privilégiés par essence. Et ils ne lâcheront jamais sauf deuxième surboum du 4 août. 

15/06/2020

Relève la tête, autruche, tout le monde a vu

Facebook m'a proposé ce souvenir vieux d'il y a 7 ans. À l'époque, les débats venimeux sur l'adoption par les couples homos enflammaient le pays et la journaliste nous avait demandé à quel point il avait été dur d'être reconnus comme frères sans la même couleur de peau. L'actualité me rappelle cruellement que les seuls qui nous réservaient un traitement différencié pour cette raison étaient les officiers de la maréchaussée du quartier huppé où nous grandîmes. Mon frangin se faisant systématiquement contrôler (y compris à l'entrée de l'école où il travaillait comme animateur et qui était gardée par des CRS car le petit fils Chirac y était élève) et moi jamais ô grand jamais (même quand je volais des bouteilles d'alcool planquées dans le faux fond du caddie que j'avais lacéré au cutter et j'avais plaidé l'étourderie en me faisant gauler une fois, ce qui passa crème).

Un cas ne fait pas système. Je ne peux pas déduire à l'aune de cet exemple qu'il y a du racisme systémique et de la discrimination des pandores. Mais un élargissement au gigantesque réseau amical de mon frangin était éloquent, dans ses amitiés Benetton, seuls les non blancs étaient contrôlés alors qu'ils faisaient tous des petites conneries. Toujours pas système, évidemment. Mais des faits, mis bouts à bouts, accumulés de plus en plus pendant l'adolescence et l'entrée dans l'âge adulte, les moments où les contacts avec les pandores sont les plus fréquents. 

Nul besoin d'ouvrir le débat sur les statistiques ethniques pour savoir qu'il y a bel et bien un problème de racisme endémique chez les forces de l'ordre. Le Défenseur des Droits le dit, le Conseil de l'Europe le dit, les observateurs extérieurs le disent, les journalistes qui étudient les violences policières, le disent, l'écrivent. Il faut l'assumer, Macron aurait dû l'assumer, le déplorer, hier. Les statistiques ethniques existent aux États-Unis et la situation y est bien pire que chez nous, de façon incomparable en termes de morts, d'arrestations et d'emprisonnement arbitraires. Se doter de statistiques ethniques n'est évidemment pas la panacée. Pour autant, se réfugier derrière l'idéal républicain aveugle aux différences, c'est incendiaire. Oui, Despentes, s'est trompée, il y eut des ministres noirs. Mais franchement, les non blancs sont-ils représentés dans les gouvernements, les Assemblées, les mairies, à la hauteur de ce qu'ils pèsent démographiquement dans le pays ? Évidemment, non. Dans les grandes boîtes non plus, les campagnes de testing, de name and shame et autres rappellent bien que les discriminations ne sont pas une lubbie de "séparatistes universitaires qui veulent diviser le pays". Il a bon dos, l'universalisme républicain, quand il sert à maquiller que certains sont beaucoup plus égaux que d'autres de naissance... Le temps est venu (ha ha) de citer Gambetta : "Faire des lois, c'est, pour le camp progressiste, créer les conditions de l'égalité, ce qui suppose d'effacer les inégalités qui existent et d'introduire des contraintes pour créer de l'égalité quand la société résiste. Produire des égaux suppose l'instauration de règles contraignantes". En l'espèce, le corps policier plus que la société résiste et le corps politique qui en a bien besoin pour encadrer les mouvements sociaux, ne l'a pas lâché, n'a pas édicté de règles contraignantes et a renoncé à produire des égaux face aux forces policières... 

Relève la tête, autruche, tout le monde a vu. Ton ultime feinte est pire encore. Pour ne pas reconnaître le racisme endémique, tu opposes les manifestants aux forces de l'ordre en nous sommant de choisir. Au motif qu'un crétin (une crétine ?) a hurlé "sale juif" à six reprises lors de la manif de samedi, on déballe des tribunes sur l'antisémitisme latent des nouveaux antiracistes. Assia Traoré, en direct, sans sourciller, a condamné ce cri en disant qu'il n'avait rien à faire ici. Fermez le ban.

On nous opposera quoi encore ? Que les victimes de violences policières ne sont pas des enfants de choeur ? Il y a évidemment dans le lot des délinquants qui se sont défendus de manière hyper vive pour échapper à une incarcération, qui se sont débattus, battus, avec des objets dangereux, pouvant tuer. Évidemment. Mais outre que la loi du Talion n'est en théorie pas prévue dans la Constitution de la République, les garants de l'ordre ne peuvent répliquer par le désordre. Pas en ripostant à un coup de batte par un "tu montes dans ma voiture banalisée, mon chéri ?", mais pas à coups de taser et de LBD systématique. Faut-il rappeler les éborgnés, les estropiés, de manifestants perdus dans la foule ? La mort de Cédric Chouviat qui s'énervait simplement et ne menaçait personne ? La riposte juste ne peut jamais être une riposte létale. Qu'Adama Traoré fut un dangereux délinquant ou pas, rien ne justifiera jamais une mort par interpellation. Rien. Fermez le ban, bis.  

Enfin, les auteurs de violences contre les policiers ne sont pas protégés. La prose d'extrême droite est récupérée par un arc croissant de responsables politiques, allant d'Eric Ciotti à Manuel Valls voulant créer des lois de circonstances pour demander la réclusion criminelle à perpétuité pour ceux qui auraient tenté de tuer un flic. On se sert de l'émotion liés aux attentats pour faire passer des messages et des textes loin d'une réalité quotidienne dangereuse, certes, mais pas celle là. A contrario, allo IGPN de David Dufresne montre méticuleusement toutes les stratégies dilatoires employées par l'IGPN comme le parquet pour blanchir les flics : 3 plaintes suivies de condamnation sur 65 enquêtes pour violences... Si ça c'est pas de l'autruche... 

10/06/2020

Elle a progressé

Ce matin, à l'antenne de la première matinale de France, Marine le Pen a fait un quasi sans-faute. Entre la gestion du Covid par ces modèles (Trump, Poutine, Bolsonaro), les manifestations contre les violences et le racisme dans la police, des discussions économiques vives, elle jouait pourtant moins sur du velours qu'au lendemain d'un attentat. Pourtant, elle a slalomé entre les embûches et tenu une ligne de force tranquille populiste qui pourrait aisément la mener à l'Elysée dans deux ans.

Sur les violences policières, elle tance les propos de Julien Odoul (son idiot utile qui avait déjà chassé une femme voilée d'un conseil municipal) assimilant Traoré à une "racaille" en disant que c'est un imbécile.... Avant de retourner la charge : les Traoré sont un "gang" de délinquants, les autopsies exonèrent les flics, la police peut pas faire son travail et s'il y a une priorité dans ce pays, c'est de permettre aux flics de se défendre. En l'absence de questions de relances sur les violences policières, aussi improbable que ça soit, elle fait ippon. 

Sur l'ISF, piège classique de l'ultra droite toujours rétive à taxer les riches, elle a très habilement dit qu'elle voulait la fin de l'IFI, permettre aux français de détenir du patrimoine ("ma cassette !", peut être des arrières pensées pour son manoir de Montretout), mais un rétablissement d'un impôt sur le super capital. Une promesse vague, qui ne mange pas de pain, qui permet aimablement de prétendre taper "sur la finance mondialisée". 

De la même manière, sur la gestion économique de la crise : elle martèle PME TPE PME TPE. Poujade mâtinée de small business act, ce que demande le peuple qui n'en peut mais des cadeaux sans contrepartie au CAC. Ippon, bis.

Sur la gestion calamiteuse de Trump et Bolsonaro, elle retourne la question avec son goût historique pour le souverainsme en en faisant un argument démocrate : je respecte le vote des américains et brésiliens, ils sont démocratiquement élus... Hier, elle employait la même famille d'arguments pour qu'on foute la paix à Saddam Hussein ou Bachar El Assad. Grossier, rudimentaire, mais efficace. 

Ce matin, Le Pen a signé la parfaite petite partition populiste et autoritaire, illibérale, qui maquille son racisme endémique en "respect de la souveraineté, son islamophobie en "respect de la laïcité" etc... Toutes ruses, tous artifices parfaitement décrits dans "les droits de l'homme rendent-ils idiots ?", que manifestement ces contradicteur.rice.s n'avaient pas lu, tant ils se sont fait blousés... 

Lors du débat de l'entre deux tours de la présidentielle 2017, Marine le Pen a été laissé pour morte, politiquement. Ca ne fut pas le cas. Et la bête blessée, comme un sanglier furibard contre la voiture qui l'a emplafonnée, est d'autant plus dangereuse. Les électeur.rice.s raffolent des suturés, des grands brûlés. Mitterrand et Chirac ont perdu plusieurs présidentielles avant de l'emporter. Sarkozy  a gagné à la première tentative, mais après avoir été laissé pour mort suite à une campagne européenne et surtout sa trahison de 95 pour Balladur... Hollande, monsieur 3%, a laissé la concurrence derrière lui. Ne l'oublions pas. Et surtout, assaut de modestie, car 2017, indubitablement, était la dernière cartouche du fusil armé d'un "c'est nous ou le chaos". Il reste sans doute des gens que Marine le Pen effraye. Mais ils sont minoritaires. Pour l'emporter, la stratégie de l'épouvantail ne suffira plus...