13/06/2016
Vivre en démocrates avec la barbarie ?
Pour ne vexer, viser, discriminer personne, j'ai choisi un non humain pour illustrer le propos. On peut répondre de façon un peu facile, que l'ordure qui a ouvert le feu dans la boîte gay d'Orlando hier n'avait rien d'humain. Mais c'est faux, c'est se leurrer.
Il était humain, américain. "D'origine afghane" nous apprend l'article, mais nés sur le sol américain, c'est donc que l'on nous instille l'idée que cette origine est importante car elle expliquerait l'acte : Afghanistan = islam = terrorisme. Bingo. Met-on en avant les origines de Beyonce ? D'Oprah Winfrey ? Bref... Il ne s'agit pas de minimiser, nier, faire l'autruche. Bien sûr, tous ces massacres sont commis au nom de Daech, mais pour mémoire 98% des victimes de Daech sont musulmanes. Faire de l'islam le catalyseur de la haine a tout d'un raccourci plus que spécieux.
Donc, Omar Mateen est américain, né en Amérique, il avait un boulot et n'avait aucun antécédent judiciaire. Nous sommes donc face à ce qui ressemble à un monstre que l'on ne pouvait prévenir, qui avait manifestement un problème avec l'existence de l'homosexualité, et puisque son ex femme nous apprend qu'il s'était adonné à l'exercice peu glorieux de la distribution de mornifles à visée éducative, on peut en déduire qu'il n'avait pas réglé un certain nombre de soucis de co existence avec l'altérité, qu'elle fut genrée ou d'orientation sexuelle. Pas un "fou" ça serait trop simple et ce, deux jours après qu'une "Mad Pride" s'est tenue à Paris pour essayer de modifier notre regard sur les personnes atteintes de troubles psychiques.
On sait, on sait que la guerre se déroule au Moyen Orient, et que ce sont les kurdes et d'autres rebelles aux motivations parfois discutables, qui sont en train de l'emporter. La palinodie des occidentaux qui, en quelques jours, se sont intégralement découvert Bachar compatibles et pro kurdes à de quoi surprendre. Et l'on sait que le Bataclan, le Danemark, mais aussi le Nigéria (avec plus de morts qu'en France, d'ailleurs...) et autres horreurs jusqu'à Orlando hier, ça n'est pas la guerre. Une guerre c'est de l'occupation, de la conquête de terrain, des mouvements de troupes et des butins (villes, femmes et enfants, devises). Là, rien de tout cela, uniquement la volonté de terroriser comme le dit l'étymologie de ceux qui prennent les armes. Les forces spéciales sont catégoriques : on peut limiter les guerres, on ne peut rien contre ceux qui sont prêts à mourir. Il nous faut apprendre à vivre en démocrates parmi ces barbares et ça n'a rien de simple.
Evidemment, depuis l'attentat, Donald Trump n'a pas manqué de réagir et l'a fait avec l'aplomb qu'on attendait ("redoutait", serait sans doute plus approprié) en expliquant qu'il allait durcir sa politique envers l'islam radical et que lui, contrairement à des doux rêveurs comme Obama hier et Clinton demain, il saurait faire. On bascule là dans un argumentaire qui n'en n'est plus un, un débat qui n'est pas possible, une conversation qui n'aura pas lieu : à l'intuition, voulez-vous aller vers ceux qui vous disent sans broncher : "je vais botter le cul des responsables" ou ceux qui vous disent sincèrement : "c'est compliqué. C'est très compliqué, l'essence des religions ne peut être mise en cause et il faut nous ouvrir davantage aux différences, faire de la pédagogie dès la petite enfance pour expliquer que tout le monde peut vivre dans sa singularité. Et après, avec beaucoup d'amour, beaucoup de solidarité et beaucoup d'explications, on sortira peut être de cet enfer". L'inconvénient avec la pensée de l'extrême droite, c'est qu'elle est très adaptée à la communication instantanée. Bref, on est dans la merde et la mauvaise nouvelle c'est que nous pourrions nous même aggraver la situation...
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10/06/2016
Plus j'écoute Mosco (et ses avatars) plus je comprends les populistes...
Je n'ai rien contre Pierre Moscovici en tant que personne. Je crois qu'il est plutôt rigolo, et de plus, raisonnablement cultivé et noceur. D'aucuns lui reprochent même son goût pour les trop jeunes filles. Mais l'argument est heureusement moral et non légal (elles sont majeures) et je m'en cogne un peu, personnellement. Non je parle du Commissaire Européen. J'hésite sur le qualificatif idoine pour désigner le détenteur de cette fonction.
Comment vous dire ? Une chose est certaine, quand on l'écoute, on se dit que ceux qui critiquent le discours des "Nouveaux chiens de garde" au motif que leur discours déforme la réalité, n'ont pas tort. Leur critique acerbe des médias et des économistes "autorisés" à commenter le débat public est en deça de la réalité. C'est proprement terrifiant.
Invité de l'émission "question d'info" sur LCP (audience de 3 insomniaques et quelques névrosés comme moi) j'ai fini par démissionner de mon comptage, mais j'en étais à une bonne cinquantaine de "réformes" en moins de 10 minutes. Il semblerait que ça soit "important", et même "crucial" ou "décisif" de les faire. Jamais il n'explique le pourquoi, ni même le comment. Mais il martèle qu'il "faut" et "maintenant" sous peine de quoi des grillons s'abattront sur la France (pour les pluies diluviennes, c'est déjà fait).
Cette langue libérale a été passé au scalpel (ouch) par Eric Hazan dans un remarquable opuscule, "LQR, la propagande du quotidien". Ca reste indépassable et tristement d'actualité. Du TAFTA ou Traité Transatantique à la loi El Khomri, tous ces textes de régression profonde sont dictés par des gens qui ne prennent même plus de nous expliquer pourquoi. Alors, je les comprends, les régressions démocratiques, écologiques (le TAFTA est une immondice, de ce point de vue) et sociales sont compliquées à admettre. Mais quand on est fier de ses convictions, que l'on y croit, on les assume et on les formule. Je vois donc dans cette langue quasi leucémique, d'une infinie faiblesse, l'aveu d'une petite caste qu'elle n'a guère d'opinions... Le globi boulga qui leur tient lieu de langage masque mal le fait que toutes ces décisions sont prises au motif spécieux qu'ils pensent aux intérêts d'une caste avant de penser au bien commun, ce qui est plus complexe...
La faiblesse de leur langue, de leurs arguments et au fond de leur pensée est navrante. Mais ce qui est d'autant plus désespérant, c'est qu'ils ne prennent pas la mesure de leur responsabilité dans la montée de contestations à la Orban, Poutine, Erdogan, Kasczynski et consorts... Chaque fois des régimes flirtant avec la dictature qui sont une réaction à la "dictature larvée" des technocrates. Voir que lesdists ont été capable, au mépris le plus élémentaire de toute forme de justice sociale, de rayer 90% de l'ISF des 50 premières fortunes va malheureusement dans le sens d'un enfermement de cette élite. Ils vivent bunkeriser sans comprendre que la lame de haine qui monte est de leur faute. Plus j'écoute Mosco, plus je comprends les haineux. Je ne les justifie pas, mais je les comprends. Et je me lamente que la lucidité ne soit pas contagieuse...
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08/06/2016
L'indécence de la valeur variable
Hier une amie m'a appelé pour me proposer d'animer une matinée complexe, consacrée aux enjeux sanitaires nationaux. Elle m'a expliqué que ça serait un grand moment pour moi, de pouvoir être ainsi exposé et, à moyen terme, je pourrais sans doute réitérer l'expérience de nombreuses fois et que là, ça serait payé... Ceci n'est pas un énième post sur le fait qu'on considère parfois certains travaux comme des métiers, parfois comme des tâches d'amateurs, comme pour mes amis photographes qui doivent sans cesse faire du plaidoyer pour dire que leur métier ne se limite pas à appuyer sur le bouton d'un téléphone portable.
Non, cela je le pense toujours, évidemment, après avoir longuement discuté avec des praticiens de tous ces métiers aux contours flous, où l'amateurisme est suspecté, où l'on vous rétorque que vous "jouez". Parfois, ce genre de propositions est sincère (celle qui me fut faite s'inscrit dans ce cadre) parfois, c'est une petite entourloupe de plus.
Je trouve plus intéressant pour comprendre l'indécence de la valeur variable de regarder de l'autre côté de l'échelle. D'ailleurs la proposition qui m'a été faite s'inscrit dans ce cadre, puisque j'estime que ce l'on me paye parfois pour faire mon métier d'animateur est excessif. Alors, oui, je sais, j'ai le droit de tout donner à la Croix-Rouge ou de refuser. Je fais un peu des deux (pas à la Croix-Rouge, à d'autres...), mais si je refuse trop pour rester dans une pureté virginale, je suis en réalité le dindon de la farce. Le problème est plutôt de considérer que lorsque vous faites quelque chose gratuitement, vous le faites vraiment gratuitement, sans songer à ce que serait votre "valeur marchande" pour ce genre de prestation. Car vous devez sans cesse remettre en cause ladite valeur, faute de quoi vous êtes perdu. Or, je note que le haut de la pyramide ne le fait pas assez. Les consultants d'EY ou Deloitte considèrent toujours qu'il est logique de facturer leurs "services" 2 000 ou 3 000 euros jours (je suis au courant que ça peut monter plus haut mais ma conscience de gauche m'interdit d'aligner de tels chiffres) et sont ravis de pouvoir dire aux associations à qui ils donnent un coup de main que, quand même, quand on peut aider... Mais au fond d'eux, ils pensent toujours que le milieu associatif est composé d'une armée de branques incapables de se payer leurs services dûment facturés à ce prix là...
Cette variabilité du 1% s'étend à d'autres domaines. Ils ont souvent des violons d'Ingres pour lesquels ils considèrent normal de ne pas être payés : tel Christophe Barbier dont les pièces de théâtre sont gratuites à l'entrée, tel grand patron qui fait un concert rock gracieusement (fournit-il les boules quiès ?) ou encore tels grands industriels acceptant de surseoir à leurs droits d'auteurs lorsqu'ils publient leurs impérissables vues sur le management... Pas étonnant, dès lors qu'ils déconsidèrent tous les professionnels exerçant sérieusement ces métiers. D'où l'indécence des valeurs variables qui ne varient pas assez dans les deux sens : les saltimbanques n'ont pas l'occasion de moquer (ils pourraient) le grotesque des journées de conseil à quatre chiffres, ils se contentent de les ignorer.
L'opposé de l'indécence gagne du terrain, aux Etats-Unis. La théorie orwellienne de la common decency pousse fortement puisque le SMIC a été augmenté de plus de 8% en moyenne, depuis 2 ans et ce mouvement devrait très largement s'amplifier, de la Californie au Massachussets. Cela parce que nombre de responsables ont réalisé, sous la pression de certains groupes de travailleurs, que l'on ne pouvait pas sans cesse précariser le travail. C'est bien, mais ça n'est que la moitié du chemin. Pour avancer vraiment faire une réconciliation sur le travail et l'emploi, converger harmonieusement vers un revenu d'existence qui conviennent à tous et il est temps d'opposer un autre SMIC, le salaire maximum imposé sur la croissance. Y croire...
08:56 | Lien permanent | Commentaires (0)