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09/07/2016

L'autre bonheur privé malheur public

9782213012438.jpgLes sociologues ont une formule pour résumer l'étonnante ambivalence des français par rapport à l'optimisme et la confiance. Persuadés que nous allons collectivement vers l'abîme, nous avons avec la même force, la certitude de nous tirer d'affaires de façon individuelle : bonheur privé, malheur public. Cette expression a été reprise en titre d'un ouvrage célèbre de Hirschman pour réfléchir sur ces discrépances de perception de notre félicité.

Derrière cette différence maintes fois rabattue se cache à mon sens un autre dysfonctionnement majeur : le fait que le privé hurle, tonne, somme le public de s'inspirer des méthodes de l'entreprise, mais l'inverse n'existe pas. Alain Erhenberg montre très bien dans "le culte de la performance" que notre imaginaire collectif est littéralement contaminée par la pensée (simpliste) selon laquelle le nec plus ultra de toute chose est de s'inspirer d'un mix des JO et du CAC 40 : plus vite, plus haut, plus fort, sans être trop regardant sur les règles... Sans cesse, on demande aux puissances publiques de "faire ce qui marche", la même logique s'empare des associations et ONG, sommées de "maximiser leur impact social". Mais les entreprises, elles, n'ont aucune leçon à recevoir, aucun apprentissage à recevoir de la part des autres. Non, non : croissance, redéploiement, OPA, optimisation, marge nette, marge brute ; what else ? Pourquoi se faire chier avec des notions obsolètes comme la qualité de service au public, l'universalité de l'offre, la relation humaine non tarifée ? On s'en bat les steaks. 

Il faut voir avec quelle hargne et quelle arrogance les grands argentiers, les grands patrons et autres éminences privées intiment aux politiques d'apprendre "la vraie vie, celle des entreprises". Ils sont souvent "choqués" (les pauvres petits) par "l'inculture économique, le manque de connaissance de la vraie vie" de nos élus. Je ne dis pas que c'est faux, mais je suis amusé (et un peu courroucé) que les mêmes ne soient pas choqués par leur incapacité à comprendre les logiques du public et du non lucratif. Comme tous ces crétins qui répètent à l'envi que nous avons 57% de "prélèvement de nos richesses qui partent en dépenses publiques". Ce genre de crétinisme répétés finit par devenir une vérité dans l'esprit de certains alors même qu'il ne faut pas être grand clerc pour voir qu'une bonne part des 5,3 millions de fonctionnaires français payent des impôts sur le revenu et tous payent de la TVA et autres TIPP, bref, ça ne sont pas 57% qui fuient toutes les poches... C'est énervant. 

Depuis 30 ans, les états à grands renforts d'injonctions peu aimables du FMI, de la BCE et autres s'exhortent à se comporter comme des entreprises et nul ne peut nier que la mutation s'est faite. Côté grands groupes, grandes entreprises, quel chemin ont-elles fait en retour pour aller vers un modèle plus socialement et écologiquement vertueux ? Le match n'est pas vraiment nul, le résultat, si...

04/07/2016

A quand un sporxit ?

classic-red-exit-sign-s-1259.pngOn dit souvent que l'intérêt général se reconnaît de loin, qu'il ne ressemble en rien à un amoncellement d'intérêts particuliers. A l'aune de cette définition, il est délicat de considérer que notre rapport au sport relève de l'intérêt général. Par quel étrange fascination collective en sommes-nous arrivés à ce point d'aveuglement collectif au profit du sport ? L'auteur de ces lignes a quasiment appris à lire (ce qui explique sans doute beaucoup de choses...) avec l'Equipe, que je lis quotidiennement depuis mes 9 ans. En outre, j'ai pratiqué moult sports collectifs et continue à courir pluri hebdomadairement et ai même poussé la stupidité jusqu'à passer quatre fois la ligne d'arrivée d'un marathon. C'est dire si je n'ai rien contre le sport. Toutefois, je n'en peux plus de l'overdose actuelle. Le sport de compétition sature les médias et alors que nous accueillons le gros barnum de l'Euro, nous frôlons le coma éthylo sportif... 

A ceux qui nous opposent que c'est ainsi que va le monde et qu'il faut bien célébrer les victoires nationales, je renvois à cette excellente émission de Culture, ici, où l'on apprend, archives INA à l'appui, que lorsque la France a emporté l'Euro, en 1984, cela faisait le 3ème titre du JT le lendemain... Aujourd'hui, un modeste 1/4 de finale contre l'Islande occupe évidemment la 1ère place, mais les moyens déployer pour couvrir l'événement sont considérables. Un quart d'heure, ad nauseam, avec micro trottoir vibrant de stupidité sur les pronostics des supporters et l'avis des cafetiers. Relégué plus loin dans le JT, 12 secondes (montre en main) sur l'attentat de l'EI à Bagdad... Quelle vomitive inversion des normes... Celle-ci, nous en sommes comptables et pouvons l'inverser. Tout dépend de nous. De choix éditoriaux, de rédacteurs en chefs courageux. Laisser le sport à l'Equipe et refuser d'avoir 8 pages spécial foot dans le Monde, Libé et autres... 

Nous pourrions avoir des débats sur ce que nous attendons collectivement du sport, autre que le brouillard des bières car collectivement, nous n'en tirons rien. Pas plus de pratique sportive dans les écoles. Pas d'éducation au sport santé, pas d'ateliers sur pratique sportive et nutrition alors que l'obésité infantile explose. Pas de pratique de sports et citoyenneté, de sport adapté pour sensibiliser aux différences, aux handicaps. Nada, rien. Uniquement du sport compèt, du sport sponsoring, du sport avec contrats indécents. Du sport dopage, donc, mais on ne l'évoque guère. Du sport corruption aussi, mais itou, on le passe sous silence.

Le propos n'est pas nouveau, Paul Veyne en a fait sa thèse au sujet des jeux Romains. Mais l'emprise est de plus en plus forte et folle. France Inter consacre un billet quotidien en lieu et place de sujets sociaux. Quelle niaiserie... Quelle folie. Tous les politiques sommés de répondre aux questions sur les performances de l'équipe de France, obligés de suivre, de soutenir les Bleus faute de quoi on est qualifié de traître à la nation... Dans les concours d'écoles de journalisme, obligé de bachoter le sport même si on s'en carre. A-t-on les mêmes attendus sur les expositions culturelles ou les sorties littéraires ? Certainement pas, et cette différence de traitement devrait nous saisir d'effroi. Il est temps de faire un gros sporxit. Sur le service public, au moins. Laissons la célébration du sport business à Bouygues et Bein, mais un minimum de décence ailleurs. Pitié. 

29/06/2016

Sans déconner, s'il vous plaît

image.jpgApprenant lors d'une allocution télévisée que Frédéric Mitterrand était ministre de la Culture, l'immense Jean-Pierre Marielle s'exclamait "sans déconner". François Morel en tirait une chronique géniale, expliquant que cette interjection n'avait rien de méchante, de comminatoire ou d'envieux. Non, il s'étonnât simplement du côté casting des nominations politiques, ainsi que de la volonté manifeste d'avoir des "prises de guerre" de contenter certaines chapelles (ici, les anciens mitterrandistes ?) en affichant pléthore de têtes pour si peu d'effets. 

Deux maux complètement déconnants et très complémentaires : le casting (pêché originel) qui débouche sur des créations de comités théodules, d'agences, de magistères et autres prébendes. Si je ne suis pas un farouche défenseur des coupes dans les finances publiques, là, il y a beaucoup à faire... 

Lundi, invité à une grande sauterie de l'ambassade américaine, je discutais avec deux jeunes gens à la mine et l'allure sérieuse. Je les avais vu dans une vie antérieure, mais sans me souvenir diable où. Ils m'expliquaient qu'ils changeaient de "cab", continuaient du "cab" et ainsi de suite avant d'être devenus, tous deux "dir cabs de la ministre". Mais je ne comprenais pas de qui il s'agissait, ni même quelles étaient les compétences dudit ministère. J'échangeais succinctement quelques mots avec une femme sympathique et pleine de bonne volonté sur le besoin de "refonder le pacte social" pour "améliorer le vivre ensemble". Lorsqu'elle s'éloignât, je compris que c'était elle, la ministre. Une secrétaire d'Etat, pour être plus juste. Les bras m'en tombaient. Moi qui regarde toutes les interviews politiques, tous les jours, qui en bouffent à l'envi, je n'avais pas reconnu une membre du gouvernement, oublié qu'elle existât et oubliais que son portefeuille avait été crée...

Entendons-nous bien, ça ne sont pas ses mérites ou compétences personnelles qui sont en cause. Jean-Marie le Guen et Jean-Vincent Placé sont bien ministres, voilà bien la preuve qu'on peut arriver à ces fonctions sans aucune conviction, peu de compétences et une intelligence discrète pour peu qu'on soit prêt à faire un sale boulot. Non, ma lassitude provient de ce gouvernement à 40 dont une moitié est inutile, se marche sur les plates-bandes, doublonnent. Que d'argent, de temps, de moyens perdus : combien de réunions inutiles, de postes fantoches, de mobilisation des acteurs de la société civile qui répondent au garde à vous à toutes les sollicitations ministérielles (sous peine de sanctions à venir...) ? Nul ne peut le chiffrer, mais assurément beaucoup. Le début de la lâcheté en politique sur les grands enjeux, à commencer par les enjeux écologiques qui surplombent toutes nos décisions, commence là : comment penser qu'on saura trancher en faveur de la planète si on n'est pas capables de fâcher trois copains ? Sans déconner. Vraiment. Nous n'avons plus le temps...