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26/12/2014

Democratie.com

767-democratie2.jpg"Le fait qu'un paysan puisse accéder au trône ne rend pas le royaume plus démocratique", prédisait avec justice le président américain Woodrow Wilson. Tombé sur cette citation m'emplit de joie : j'ai la meilleure explication à l'inanité de tous les radios crochets télévisés prétendant donner une chance aux talents musicaux.

Et c'était il y a un siècle. Mis à jour par l'auteure (canadienne) de cet essai qui est un vrai pavé dans la mare et une vraie gifle, ça donne ça : "Loin de résoudre les contradictions entre art et commerce, les technologies des réseaux rendent la marchandisation à la fois moins visible et plus omniprésente. Au lieu de combler le fossé qui sépare les succès et les flops, les vedettes et le commun des mortels, internet l'élargit en érodant l'espace intermédiaire entre le très populaire et le pratiquement inconnu. Et dans cette économie du web où les plus fort raflent la mise, rien ne garantit que les rares personnes qui auront la chance de réussir se démarqueront d'avantage par leur diversité, leur authenticité et leur respectabilité que celles qui prospéraient dans l'ancien système".  

Voulant faire un compte rendu plus étoffé de l'oeuvre, je reprends le livre et soupire devant la tâche : j'ai corné des dizaines de pages (je stabilote pas), le livre regorge de passages éclairants. Lisez le, achetez le, on a besoin de cette collection "Futur proche" de décryptage fin de l'économie et des bouleversements actuels. Je reprends tout de même le sommaire, car il dit tout. Le premier chapitre est donc sur "le royaume du paysan" où elle montre magistralement comment le caractère éminement démocratique d'internet est une baudruche. Certes, des inconnus peuvent, en théorie, percer, mais chiffres à l'appui, on voit une mainmise écrasante des majors de plus en plus forte avec les années. Elles ont été déstabilisées quelques années avec l'émergence d'Internet et se sont adaptées pour donner l'illusion de l'ouverture, mais verrouillent tout.

Chapitre 2, mon favori, "amour ou argent", où l'auteur fracasse Chris Anderson et sa théorie de la gratuité en montrant comment la nouvelle économie de la culture se fonde sur le désir de reconnaissance et de visibilité des Hommes, qui les pousse à accepter de bosser gratuitement au départ, pour exister. Un départ qui peut durer longtemps, favorisant ainsi ceux qui peuvent, les plus privilégiés de naissance, donc. Pour les autres, il faut renoncer ou se compromettre dans des systèmes "à clics" un peu putassier. C'est aussi la critique la plus juste, mais la plus violente, que j'ai lu sur les attaques faites au droit d'auteur.

Chapitre 3, "ce que les gens veulent", cruelle mais juste critique de la dictature de l'audience. On insiste pas, c'est connu, mais bien développé ici.

Chapitre 4, des inégalités persistantes. Idem, sauf que l'auteure a le courage de fracasser les nouveaux gourous de la gratuité qui vous rendent du rêve de l'internet égalitaire. Elle souligne les batailles à l'oeuvre aujourd'hui pour créer un Internet des riches et des pauvres selon ce qu'on payera pour avoir accès. Freaky...

Chapitre 5, "un soutien mutuel" & 6 "établir une limite" où l'auteure pousse ses pistes. Ni technophile, ni technophobe, elle repose des limites plus pertinentes entre privé et public en montrant qu'il faut les puissances publiques réinvestissent le débat pour recréer des communs, de l'universel. Merci. 

25/12/2014

L'emprise du TINALP

socialtraitre.jpgJe vais expliciter l'acronyme en titre, volontairement en anglais puisqu'il s'agit d'une pensée global : there is no alternative left possible. Hier, en ouvrant mon journal de référence, j'ai été choqué par les mots choisis pour parler des excellents sondages accordés à Syriza ou Podemos. "Sueurs froides", "l'Europe a peur", "un cataclysme surviendrait" ; l'article est consultable  et on se pince franchement en le relisant... Le dogme de la pensée éclairée, le merveilleux champs des possibles raisonnables sait ce qui est possible et les solutions proposées par Syriza ou Podemos n'en font manifestement pas partie...

C'est tout de même hallucinant. Le champ lexical employé est encore plus violent que lorsque Viktor Orbàn menaçait d'arriver au pouvoir en Hongrie. Avec Orbàn, on parle tout de même d'un type qui a coupé tous les budgets à la culture, fermé les médias qui ne lui plaisaient pas, fait adopter des lois flirtant avec l'antisémitisme, tenus des propos à l'endroit des minorités sexuelles plus que border line et fait passer notre traitement des populations Roms pour un modèle d'humanité. Mais tout cela ne justifie pas les sueurs froides, parce qu'Orbàn, les 3%, l'austérité salariale et autres dogmes libéraux (en termes économiques), ça lui va fort bien. Il n'aime pas trop le pluralisme et la démocratie, il a d'ailleurs théorisé le concept de "d'Etat illibéral, avec comme modèle Singapour, la Turquie, la Chine. Non vraiment, un mec bien.

Podemos eux en revanche, ça tétanise Bruxelles. Il faut quand même rappeler que ce parti est l'émanation politique du mouvement des indignés qui occupait la plaza del Sol et qui, de façon éminement démocratique ont rédigé, patiemment, des cahiers de doléances. Ils ont en tiré des propositions et bâti un programme politique. Des chômeurs, des précaires, beaucoup d'étudiants à bout de nerfs, de stagiaires désabusés, d'entrepreneurs ne pouvant entreprendre et de profs. Pas vraiment des factions de haineux. Ils ne viennent pas sur une base identitaire, sur des marqueurs sociétaux et autres débats clivants dans l'ère du temps. Non, ils ont fondé leur programme, leurs idées, sur une autre vision de la société, du partage du travail et des richesses, de la valorisation et de la priorisation de certains secteurs (genre l'éducation, la santé, les énergies propres). Un truc un peu basique qui, ont a trop tendance à l'oublier, était censé être la base du politique.

Ce ne sont pas des gauchistes, des zadistes, ils ne sont pas violents, n'appellent à aucun meurtre et pour autant, ils sont traités dans les médias avec les mêmes égards que Godzilla. Que la droite pousse des cris d'orfraie en les voyant, c'est bien le moins, elle l'a toujours fait. Mais si les progressistes osent se pincer le nez à leur tour, là, quelque chose est cassé. Je veux bien que certains continuent à contester les thèses des "nouveaux chiens de garde" de Serge Hallimi, mais qu'ils ne prétendent pas s'opposer par souci du bien commun, juste des leurs (de biens). Forza Podemos et joyeux noël à tous...

16/12/2014

Chronique de la tension ordinaire

EaseTensionWordCirclewebpage.jpgCe matin, je suis parti animer un colloque sur l'insertion de personnes vulnérables. L'événement se passait à la Défense. C'était tôt, une promesse à des amis, donc inratable. Comme toujours, je ne pars pas en avance, trop tard pour prendre le métro, situé en zone 2, je saute dans le RER, qui sort au même endroit, mais en zone 3. C'est aberrant, Kafka adorerait, mais c'est comme ça. J'ai un Pass Navigo annuel 2 zones. L'an prochain, grâce au pass unique, tout sera terminé, mais pour l'heure, en sortant du RER je suis donc hors la loi, quand j'eus été dans les clous en métro. Bon. Passons. Sauf que je ne passe pas. Deux contrôleurs me barrent la route. Bonhomme, je sors mon pass. Ils froncent les sourcils.

"Vous êtes en infraction, 60 euros, êtes vous en mesure de payer cette somme tout de suite et si oui quel est votre mode de paiement ?". Ceci, prononcé si vite et sans sourire me laisse penser que la négociation sera complexe. Du coup, j'argue que j'étais pressé, bla bla, que j'ai un pass annuel et que je suis un bon citoyen, bla bla. Kafka métro/RER tout ça. L'un des deux lâche prise, mais l'autre s'énerve "z'êtes passé derrière quelqu'un, fraudeur, pas bien". De guerre lasse, je dis que je vais payer, le colloque arrive, il faut partir. L'autre contrôleur, bonne patte, note que j'ai un Pass annuel et donc me dis, 33 euros. Mais je ne décolère pas et nous nous quittons tous les 3 forts fâchés.

Au-delà de l'anecdotique amende (mes finances s'en remettront) ce que je retiens de cet épisode, c'est la chronique d'une tension ordinaire, de celle qui fracture la société française. Car le plus patibulaire des deux a pensé qu'en plus des fraudeurs récidivistes qui tentent de s'esquiver, gueulent, voir les injurient, un nanti en manteau soyeux et beau costume fraude sous son nez et n'est même pas capable de faire profils bas. Pire, le jeune gommeux a osé lui dire qu'il était en retard alors que lui vient tous les matins de Picardie, là où l'immobilier était abordable. Que lui fait-il la leçon ?

Pour la Picardie, il me l'a dit. Pour le reste je l'ai deviné. Quand à moi, bien sûr que je suis fâché, mon pass annuel prouve bien que je ne me défile pas, ne resquille pas. Et on vient me chercher des poux pour ça quand des Thévenoud, des Cahuzac et tant d'autres avancent joyeusement dans des fraudes 1000 fois supérieures avec un sentiment d'impunité. Perso, ma mauvaise conscience d'héritier de gauche m'empêchera de pester plus loin que cette note de blog. Mais je comprends l'exaspération de ceux qui ont l'impression d'être d'une honnêteté parfaite et qu'on vient faire chier pour d'insondables règlementations tatillonnes...