15/06/2012
Quand l'infiniment particulier parle à tout le monde
C'est un court film à l'audience confidentielle comme un candidat Dupont Aignan dans le Loiret. 37 minutes de bandes d'un réalisateur hanté par l'éternelle question juive, Emmanuel Finkiel (souvent avec beaucoup d'humour comme dans son film "le casting"). Ca s'appelle "Madame Jacques sur la Croisette" et on peut en voir la fiche là :
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=13134.html
Comme l'indique finement le titre, tout se passe à Cannes. Ceux qui ne connaissent de Cannes que ce que l'on en voit au festival ne connaissent pas leur chance : en réalité, esthétiquement, Cannes est un furoncle. Une gibosité surgie entre les écrins de la région. Ni arrière pays luxuriant, ni bord de mer agréable, une interminable et grise promenade avec des chaises bleues, comme un infini Club Med déserté du 4ème âge.
C'est dans ce décor de rêve de dépressif que le réalisateur a filmé ses héros, des amoureux de plus de 80 ans. D'anciens tailleurs, tous, qui trouvent que le monde va mal, que les enfants ne respectent plus rien et que leurs corps partent en capilotade. Ils parlent en yiddish et les sous-titres viennent à notre rescousse même quand ils s'interpellent en français. Dans le titre il y a aussi Madame Jacques, une très belle femme qui a conservé une allure à faire tourner la tête de ces octogénaires en goguette. Veuve, elle est l'objet de la convoitise de Maurice, qui discute de ce retour de flamme avec son ami Simon. Se remettre en ménage, à son âge est-ce raisonnable ? D'ailleurs, Madame Jacques se pose la même question. Elle trouve que ce serait manquer de respect à son défunt mari. Et c'est là où le film devient universel: les échanges entre les 2, avec le soupirant convaincant madame que le corps doit exulter, tant qu'il y a de la vie, pour qu'il y ait de la vie et que refuser la rencontre, c'est refuser de vivre. Je ne peux pas dévoiler tout le scénario, mais il y a de très belles trouvailles, avec des ruses d'adolescents qu'ils mettent en place pour se rapprocher. Inutile de tergiverser sur les qualificatifs dithyrambiques : c'est tout simplement beau. En allant me renseigner sur la fiche du film, j'ai vu qu'il avait obtenu le César du meilleur court-métrage en 1997. Récompense plus que méritée.
Dans une vie antérieure, je me demandais comment écrire de la fiction qui aurait pu parler à la plus large audience possible. Eviter tous les pièges des jeunes auteurs : trame générationnelle, ou parisianiste ou autre forme de nombrilisme. Quelqu'un me connaissant plus que bien m'avait détrompé. Ce n'est pas dans les thèmes, mais la manière dont on tourne cela qui le rend universelle. Et cette personne de me citer un livre (je sais encore une référence juive ashkénaze, mais bon) d'Isaac Bashevis Singer; le petit monde de la rue Krochmalna. Là aussi, la vie d'une famille dans un ghetto polonais, sans télé, avec une liste interdits religieux plus long que le bras, des codes et une langue qui parlent à quelques milliers de personnes et pourtant... Pourtant, deux êtres qui veulent se rapprocher, ça parle à tout le monde. Et je suis sûr qu'à Djibouti, Pékin, la Paz ou San Francisco, ceux qui trouvaient ce livre plongeaient joyeusement dans l'histoire.
Au détour d'un vide-grenier, d'une brocante ou chez un grossiste en DVD (je préfère l'idée du hasard, mais bon il y a amazon.com), si vous tombez sur Madame Jeanne sur la Croisette, ne manquez surtout pas l'occasion de vivre 40 minutes de bonheur simple.
08:30 | Lien permanent | Commentaires (5)
13/06/2012
Tweeter n'est pas jouer... quand on est Trierweiler
Tweeter n'est pas jouer, madame la compagne de François Hollande, madame Valérie Trierweiler, madame la toujours journaliste à Paris Match, mais surtout madame dont la parole est publique.
Hier matin, avant que le mundillo du commentaire journalistique ne parle plus que de ça (beaucoup plus d'ailleurs, que du maintien du candidat UMP dans la circo de Gilbert Collard, le gros score réalisé par Georges Tron, le discours de Raoult, l'interview de Morano en une de "Minute" le fait que Philippe Kemel n'ait pas appelé Mélenchon, ce genre de choses, quoi) je disais à celle qui partage ma vie: "dans le fond, c'est bien fait pour Royal. Elle se croit toute puissante, place sa copine dans sa circo et pense pouvoir en briguer une, non loin, comme un baron déloge les habitants des forêts pour agrandir son territoire de chasse. Falorni a mouillé la chemise pendant des années, accueilli les hiérarques sans rien dire. Je le comprends de tenir bon". Grosso modo, je partage donc l'avis de Trierweiler et d'ailleurs j'eusse pu le placer sur les réseaux sociaux car les journalistes, les électeurs rochelais et la classe politique se tamponne assez largement de l'avis du Castor. Tant mieux, la parole publique vous accable comme une chape de plomb sur le dos...
Soit Trierweiler a pensé que son tweet passerait inaperçu et les enfants du bon dieu sont des canards sauvages, soit elle est plus retors que ce qu'elle aime à afficher. Les raisons pour lesquelles elle a posté cette philippique sont transparentes: alors que le président a publiquement apporté son soutien à l'ex, l'actuelle a voulu rappeler qu'elle n'était pas un faire-valoir et aider à l'exécution de l'ex. Bon, politiquement la faute est lourde car ça fait le miel de l'UMP qui dit - à raison- que cette cacocphonie est déplorable. Villepin disait de Sarkozy "un homme qui n'arrive pas à garder sa femme (Cécilia à l'époque) comment voulez vous qu'il gagne la France?". A l'évidence, les formules vont fuser du type : comment François Hollande peut-il résoudre des crises internationales s'il n'est pas capable de mettre un terme à une crise conjugale ? Faute politique également, puisqu'elle fendille l'unité de la gauche bien affirmée depuis le 7 mai et qui a permis le résultat du premier tour. Faute politique, enfin, parce que l'UMP se comporte très mal depuis lundi dans ses alliances possibles et pour un certain nombre de circos, les duels du second tour vont se jouer à quelques dizaines ou centaines de voix. Un peu plus d'électeurs mobilisés, un peu plus d'abstention et la balance penche d'un côté ou de l'autre. Ce genre d'anicroche renforce évidemment l'envie chez les électeurs peu politisés mais atteint par cela car la nouvelle se répand partout d'aller à la pêche dimanche prochain.
Par ailleurs, c'est une faute personnelle lourde. Quand on veut s'élever au dessus des fonctions officielles, que l'on veut pouvoir continuer à mener une vie normale, on ne s'abaisse pas à des croche pattes de bac à sable. Ou alors, si elle veut vraiment s'affranchir de ces contraintes officielles et continuer à exercer son métier avec passion (sa prochaine chronique est sur Amanda Sthers, la prochaine sera donc sans doute sur Katherine Pancol avant un portrait de Romain Duris, la dame a du goût...) alors il faut renoncer aux avantages dévolus à une première dame. Et ils ne sont pas minces. Elle a droit, outre un bureau, à un cabinet de 4 collaborateurs, chauffeurs et autres avantages matériels. Quand on accepte de manger avec l'argent du contribuable, on accepte son statut et on s'impose une discipline. Comme pour un régime. Et comme pour un régime, les écarts se paient cash. Attention à l'indigestion précoce de renommée, madame Trierweiler.
07:40 | Lien permanent | Commentaires (3)
11/06/2012
Cross the line
Au moment où nos cousins québécois se battent, ce titre en anglais relève de l'injure linguistique. M'en excuse, mais parfois les associations vous viennent ainsi, à l'oreille. Walk the line, le biopic de Johnny Cash, hold the line la chanson des 80's triomphantes de Toto, "cross the line" serait un mix des deux. Des âmes damnées comme Cash vivant dans une insouciance très années 80 où les périls étaient relégués au second plan. Quand on ne veut pas voir le drame qui vient, on redemande une danse, un verre, un tour de manège. Il ne faut pas que ça s'arrête nous disent les joueurs du barnum. Même si les danseurs chancèlent déjà, que les buveurs ont dépassé la dose autorisée, ou que le manège a les rouages qui grincent et menace de se disloquer...
Comment expliquer la rapidité avec laquelle les membres de l'UMP emballent littéralement les thèses et les représentants du FN ? Est-ce par adhésion aux thèses frontistes ? Est-ce par déplacement des thèses UMP ? Sans doute un peu des deux, sans doute surtout par implosion littérale de la notion d'intérêt général et de conviction politique, qui ne font pas le poids face aux velléités particulières de ne pas voir la fête s'arrêter.
Dans une armée comme l'UMP, le respect du commandement est la règle absolue. Or, en ayant montré le mauvais exemple, le général en chef Sarkozy a donné la consigne aux gradés: à droite toute, chargez ! Les dubitatifs n'ont pas voulu risquer le peloton d'exécution ou la désertion en pleine guerre. Du coup, les législatives ne sont pas simples pour les bleus bites: Juppé a déserté le champ de bataille, Fillon est planqué dans une circonscription très facile, quand à NKM elle subit la première rafale avant de tomber au champ d'honneur la semaine prochaine sans doute. A l'inverse, tous les zélateurs du FN sauvent leur peau et augmentent leur score en territoire délicat. Morano a lancé un appel sans ambiguïté, Luca et Estrosi ont réduit le score du FN local avec une campagne de contrefaçon.
Pour le PS, l'aubaine conjoncturelle est évidente. Faut-il s'en réjouir ? Oui si on est candidat PS aux législatives, non si on se projette à moyen terme. L'américanisation de la vie politique française rend les électeurs plus "fans", moins vertébrés autour de valeurs et plus autour de camps. Comment ne pas faire l'addition des voix UMP et FN hier soir quand on est supporter de l'UMP ? Ainsi, il est aisé de refuser la défaite en se persuadant que l'on est pas loin. Ce d'autant plus qu'un certain nombre de hiérarques de l'UMP tiennent le même discours à leurs ouailles en demandant une trêve dans les leçons de morale de la gauche quand elle même s'allie avec Mélenchon. Un certains nombre de chiens de garde, avides de bipartisme tombent dans le piège grossier tendu par l'aigle meldois et reprochent aux élus PS leurs sympathies pour le front de gauche. Ils singent ainsi le célèbre et triste débat historique sur Hitler et Staline.
Le 17 juin, l'assemblée sera très majoritairement à gauche, donc. Si le redressement, productif, éducatif, sanitaire & socialiste promis n'a pas lieu, alors la marée de boue nous guette désormais. En effet, un sondage réalisé récemment demandait à l'électorat UMP ce qu'il souhaitait, en cas de triangulaire. Le "ni ni" "était très fort et ironie chiffrée de l'histoire, ceux qui décidaient représentaient des chiffres inversés 14% préféraient le PS et donc 41% le FN... Décidément, le ver a bouffé la pomme. Les digues ont lâché et ce que l'on prendra sur la gueule en cas d'échec n'aura rien à voir avec ce que l'on a subi de 2007 à 2012. Cette vision apocalyptique n'a pour l'heure rien d'une prédiction, évidemment. Camarades socialistes, le pare boue n'est pas l'objet le plus noble qui soit, mais soyez certains que les amis de la République vous sont reconnaissants de l'incarner.
07:53 | Lien permanent | Commentaires (0)