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05/06/2012

Le libéralisme, avaleur de valeurs

091222114059602465107054.jpgOscar Wilde a sans doute tout fait pour être présenté ad vitam eternam comme un plaisantin. Le propre du dandy est de ne pas vouloir être pris au sérieux. Pour autant, son aphorisme célèbre, "aujourd'hui on connaît le prix de tout et la valeur de rien" n'a jamais été autant d'actualité. En effet, jamais il n'a été possible d'ériger des frontières ou des barrières visibles pour faire en sorte qu'1$ ne soit pas toujours 1$. Pour faire en sorte que l'argent produit par du poison ne possède pas la même valeur que celui de l'antidote. L'impasse libérale se trouve là.

Parfois, on pousse l'entrechoquement des chiffres jusqu'à la perversité. Au grand jury RTL le Figaro, dimanche, Mougeotte, interrogeait Pierre Moscovici en lui demandant s'il ne craignait pas de raviver une "lutte des classes" en menant une "chasse aux riches" avec l'empêchement de primes gargantuesques et autres retraites dorées ou parachutes et tutti quanti. Mosco s'en sorti comme il le pouvait, pris en étau entre une promesse présidentielle d'exemplarité et l'imminence de législatives où il ne faudrait pas désespérer Billancourt, qui s'est bien embourgeoisé depuis 68. Mougeotte le relança plusieurs fois pour savoir si une rémunération supérieure à 1 million d'euros était "indécente" ce qui est le cas, mais en bon social démocrate (il est plutôt soc-lib', mais pour les premiers jours, en crise, faut faire bonne figure) il répondit qu'une forte taxation s'imposait.

Bon, au cours de l'émission on lui chercha noise au sujet des 5 milliards manquant au budget de l'Etat. C'est beaucoup, 5 milliards. Mais ce sont tout de même 5 milliards pour payer des profs, des médecins, des psys, des aides alimentaires et aux logement sociaux, de l'accompagnement, des crèches et autres. Pas seulement, comme disent les crétins contempteurs de droite "pour faire des routes" ce d'autant que l'ineffable Villepin ayant bradé nos autoroutes, les impôts ne servent même plus tant que ça aux routes. Quand on voit les manques en termes d'éducation et de santé, de sécurité là où il en faut (transports nocturnes, et quartiers populaires où l'on a ôté les commissariats) et de transports de proximité, on se dit qu'il ne faut pas ôter ces 5 milliards. 

Ni Mougeotte ni Apathie ne se sont étendus sur l'affaire Kerviel, auprès du locataire de Bercy. Il aurait pourtant peut être eu des choses à dire, notre patron du porte-monnaie sur l'irresponsabilité qui pousse certains types isolés à perdre 5 milliards comme ça, sur des écrans comme on joue aux jeux vidéos. Ces mêmes 5 milliards qui manquent à l'Etat. Quand Kerviel ne déconnait pas, les 5 milliards récupérés  servaient à quelques types, qui d'ailleurs désertent la France. Une autre façon d'avoir un manque à gagner de 5 milliards pour la France. D'ailleurs, suite à cela et quelques autres opérations hasardeuses, la Société Générale a eu le culot d'aller demander de l'aide à l'Etat...

Il suffit de regarder cet indicateur, le PIB, pour voir qu'en 2012 la France produit plus de ces fameuses valeurs qui enivrent tous nos amis libéraux que jamais dans l'histoire. Pour autant, sommes nous victimes d'une hallucination collective lorsque nous estimons que ces amas de richesses ne profitent pas aux besoins collectifs ? Evidemment que non. Pour les raisons énoncées plus haut, à savoir que ces chiffres à l'aveugle ne tiennent jamais compte de l'utilité sociale. Un certain nombre de bulles plus ou moins néfastes viennent faire gonfler ces valeurs. La plus néfaste est évidemment l'immobilier. Contrairement à d'autres bulles libérales (sport, marché de l'art, vins) celle ci est vitale. On peut vivre sans un Rothko dans son salon, passer un bon repas sans boire du cheval blanc, il est plus délicat de vivre convenablement dans 8m2...

Hier, pour des raisons professionnelles, je me suis rendu dans un de ces endroits qui détient des objets symboles de cette folie. J'ai tenu dans mes mains très propres, un certain nombre de livres, assez anciens, voir très anciens. Le genre qui ont été écrit, à la main, quelques centaines et parfois seulement dizaines d'années avant ma naissance. Bon. Que ces documents, par leur rareté, leur originalité, ce en quoi ils ont fait avancer la pensée humaine, représentent plus de valeur qu'un beau costume ou un excellent repas, rien de choquant. En revanche, quand ces papiers permettent d'acheter un appartement, deux et jusqu'à un immeuble quand la France compte 8 millions de mal logés, là il y a un hic. D'ailleurs, j'ai consulté cela par pure conscience professionnelle, mais pour ce que j'ai à faire, la gratuité de contributions internet sur le contenu des oeuvres me suffira. Tant mieux. J'en transpirai de manipuler ces objets dépassant par leur "valeur" tout ce que je pourrais gagner en travaillant dans ma vie. Ne pas commettre d'erreurs. Je sais enfin ce que ressent l'employé de banque comptabilisant les liasses de billets de 500 quand lui même n'en empoche que 3 à la fin du mois. Et encore, l'employé comme moi hier n'avons aucun risque autre que matériel, avec une dégradation du papier. Le convoyeur de ces fonds ou de toiles de maître risque lui une attaque frontale. Voilà à quoi mène un système aveugle aux richesses qu'il produit. Les 10 et 17 juin prochain, espérons que les électeurs décideront massivement de voter pour que l'on rende la vue à l'économie. 

02/06/2012

Gauche populaire : défense de tour d'ivoire.

TOUR_D__IVOIRE-02_bd_m.jpgParfois, les évidences sont dures à admettre. Mon amoureuse avait beau me le seriner, mes amis intègres me dire de me méfier des facilités et de creuser, je n'écoutais pas. C'était tellement jouissif, cette démolition en règle de Terra Nova et des dangers du communautarisme. Je ne voyais pas plus loin et ce petit mouvement de la gauche populaire me ravissait. Si vous ne les connaissez pas, ça veut dire que vous ne fréquentez pas les médias sociaux, où ils s'accordent des satisfecit et des brevets d'analyste politique agrée dans une ronde de léchouilles incessantes et franchement pénible. Si vous voulez en savoir plus, c'est notamment là : http://gauchepopulaire.wordpress.com/. Sinon, donc, il faut rejoindre facebook et twtiter, Instagram et google+ ou ils se likent, se prennent en photo, s'autocongratulent et s'empapaoutent dans une incessante noria d'auto-admiration digne de lasser Narcisse lui même... 

Ils sont beaux, jeunes, riches et plein de succès. Pardon, "successfull". Ils ont la vanne "quick", et parlent par codes pour éloigner le brave gars venu du peuple, celui qu'ils encensent toujours surtout parce qu'ils n'en comptent aucun parmi leurs rangs. On trouve ainsi des "JDCJDR" à la fin de leur message. Après un travail digne de Champolion, j'en ai déduis que cela voulait dire "je dis ça, je ne dis rien". Si avec ça, vous ne vous sentez pas plus intelligent... Tant qu'à faire, ils se baptisent aussi GP pour "gauche populaire". Là seule GP que je reconnaisse c'est la gauche prolétarienne, elle a sans doute commis des excès, fait couler du sang et rendu coupable de kidnappings. Soit. Mais eux au moins, avait un idéal. Et cela, je mets quiquonque au défi de m'en trouver un au sein de ce collectif ? Yakafokon à toutes les lignes dès que l'on sort du "pourquoi" pour aller vers le "comment". Pour dauber sur une certaine gauche et expliquer la montée du FN, il y a du monde, mais pour expliquer quelles actions mettre en place CONCRETEMENT pour réduire les inégalités dans ce pays, les salonards se débinent. Yaka à foison, mais faux cons, ils se pourraient bien qu'ils fussent vrais... Détournons de Gaulle, la GP c'est un troupeau de cabris sautant frénétiquement en hurlant "le peuple le peuple". Ensuite, ils se redressent sur leurs petites pattes de derrière et entament une ronde dansante en invoquant le peuple comme les indiens implorent la pluie. Le résultat n'est pas du même tonneau puisque pour des raisons facile à comprendre, parfois, il pleut...

Toujours sur le fond, ils se moquent de Terra Nova, donc, mais aussi de quiquonque invoque un particularisme. Osez le Féminisme, les LGBT, le CRAN, toute forme de distinguo leur est inacceptable. Le mot même de discrimination est une aberration selon eux, il n'y a que des inégalités. Ha ? Ils se cantonnent donc dans leur petite tour d'ivoire, d'où ils ne cherchent pas à redescendre pour regarder les maux de l'hexagone. Vu de loin, assurément, les inégalités déforment le pays, mais de près, n'est ce pas plus dur de trouver du boulot après 45 ans ? De demander une formation alors qu'on va tomber enceinte ? De vouloir être commercial quand on s'appelle Mohamed ? De dire qu'on ne doit pas être délégué au handicap quand on est handicapé ? Est-ce une inégalité de se faire traiter de "sale pédé" dans une salle de classe et un vestiaire ou de la bêtise pure ? Non, je demande...

Vincent Peillon m'avait dit que, jeune prof de ZEP, il avait compris que tout ne se résumait pas aux inégalités quand il avait été obligé de mentir pour trouver des stages en grimant les prénoms de Djamila et Rachid en Louise et Thomas. Monsieur le ministre, si vous pouviez adresser un courrier à la gauche populaire, la nation de gauche vous en serait reconnaissante.

Enfin, il y a cette testostérone intellectuelle que répand partout leur leader, Laurent Bouvet. Il arbore ses parchemins universitaires et sa maison d'édition (Gallimard) comme d'imbéciles culturistes montrent leurs muscles. C'est fort honorable d'être professeur d'université et louable d'être publié chez Gallimard, mais cela ne vaut pas autorité. Or, c'est souvent ce qu'il utilise pour repousser les manants qui contestent ses philippiques. J'ai un respect infini pour les savants. Une fois, j'ai croisé Emmanuel Todd dans le bus et je l'ai interrompu pour lui dire que je l'admirais et j'en bafouillais. Quand j'ai croisé Régis Debray, je n'ai pas pu parler, sur mon domaine d'enquête, je me suis retrouvé sur une table ronde avec Françoise Milewski qui m'a inspiré un respect immense. D'ailleurs, le respect ne se décrète pas, il s'impose. L'homme impose une malsaine envie de débat, de pugilat quasi. Heureusement, j'ai appris mon Chateaubriand et dispense mon mépris avec parcimonie, car il y a trop de nécessiteux. A quoi bon lui faire plaisir ? Il insulte à tout va, dégaine du raciste et pétainiste à tout bout de champ pour s'ériger en opposant à la peste brune de gauche. Parfois, c'est drôle comme dans ces échanges avec Sylvain Bourmeau: 2 taurillons ivres d'eux mêmes qui se foncent dessus. Parfois, moins, comme quand il lynche Eva Joly et toi aussi que je ne connais pas qui a juste voulu faire entendre une musique différente.

Gauche populaire, donc, par provocation, par écho à la droite populaire. La gauche populaire s'est aussi fondée contre une gauche bien pensante qui fait du petit blanc un beauf et encense la diversité. Bien sûr qu'il faut défendre le petit blanc populaire de Joigny, de Verdun et de Grigny, mais il n'est pas besoin d'avoir longuement poussé les humanités psychologiques pour comprendre ce que cette peur d'être assimilé à un beauf signifie des membres de la GP : il faut imaginer Sisyphe heureux et il faut imaginer les membres de la gauche populaire se bidonnant en écoutant Laurent Gerra, le tout couvert par du Wagner à fond, des fois que des oreilles ennemis passeraient à proximité de leur cache et découvre leur vraie nature...

31/05/2012

La fonction crée l'organe

large377.jpgMardi soir, c'était la première intervention de François Hollande a la télé depuis son élection. Ca n'a l'air de rien et honnêtement c'est sans doute pas grand chose. Ayant un impondérable (préparer une salade de fraise) qui me bloquait les mains, j'en profitait pour jeter un coup d'oeil à cette curiosité en lâchant le très subtil "voyage présidentiel" de Pierre-Jean Rémy (qui imagine le voyage que Mitterrand n'a jamais pu faire, éloigné du pouvoir et retiré depuis quelques années, c'est pas le sujet mais c'est assez bath ce livre). Surprise, quelque chose a changé chez Hollande. Quoi ?

D'abord, je repense à tous mes étudiants ou mes relations de droite (j'ai aussi des amis de droite mais ils s'opposaient avec une vigueur plus édulcorée), évoquant l'apparence de François Hollande pour expliquer qu'il ne pouvait incarner la fonction ultime. Comparé aimablement à un flan ou autre substance incertaine, Hollande ne pouvait, selon ses contempteurs, occuper "physiquement" la fonction. Les bras m'en tombent. Déjà parce que l'ancien locataire de l'Elysée, comme Churchill, comme Roosevelt, comme... Mais qu'est-ce que je suis en train d'écrire ? Depuis quand les capacités à diriger un état se lisent sur votre visage? Inepte. L'apparence du chef d'Etat c'est plutôt une image qui se fige dans votre cristallin et pénètre votre inconscient. D'ici quelques semaines, la photo officielle d'Hollande sera dans toutes les mairies, à tous les sommets internationaux et il n'aura plus de physique. Seulement une fonction. 

Ensuite, le langage, arme meurtrière et subtile. Jamais Sarkozy n'aura l'honneur d'être désigné par son patronyme. Le tacle est bien plus tranchant en regrettant à chaque les exactions du "prédécesseur" charge largement aussi violente que celle qui renvoyait le locataire de Matignon au rang de "collaborateur". Fini "monsieur petites blagues" comme disait Fabius, et cela il se doit à lui seul. La tentation n'est jamais loin. Quand Pujadas lui dit "depuis votre élection, les prévisions de croissance sont à la baisse" Hollande sourit, lâche "les deux ne sont pas liés" et repart vers autre chose, il sait qu'il n'y a plus droit. Il peut reprendre le chocolat, sans doute, mais pas les piques. Ou alors en d'autres circonstances. Par ailleurs, sur la forme, le fait qu'il soit invité sur le Plateau de France 2 plutôt que de convoquer les journalistes à l'Elysée rend l'interview regardable et donne plus de corps aux questions, on sent le journaliste (enfin, Pujadas) libéré. 

Enfin, le fond. Sur les législatives. Pas un nom, pas une situation particulière évoquée, uniquement une stratégie politique tracée avec dignité. Soulagement. Cette interview ne m'a pas rendu Hollandolâtre, loin s'en faut. Ce que j'entends politiquement depuis un mois, n'est pas décevant mais conforme à la morne espérance soulevée par les 60 engagements. En revanche, en mettant mon bulletin dans l'urne au second tour, j'espérai à minima une autre pratique du pouvoir. Plus digne, moins empreinte d'hubris. Moins agité, plus rare et ne parlant pas pour ne rien dire. Un président quoi.