08/05/2012
Et maintenant ?
Et si le changement, maintenant, était en réalité plutôt pour Nicolas Sarkozy ? Si on reprend les paroles de Gilbert Bécaud, cela semble évident: que va t'il faire de tout ce temps ? Que sera sa vie ? Et tous ces gens qui l'indiffèrent ? Problème, Sarkozy Nicolas est redevenu un français comme les autres et donc un justiciable. Il y a quelques jours, l'homme lige de la sarkozye neuilléenne, Thierry Gaubert, écopait de 10 mois de prison avec sursis. Dans le tribunal, son ex, Hélène de Yougoslavie, tenait sa revanche et s'est exclamée: "si Sarko n'est pas réélu, ils tomberont tous". L'histoire ne dit pas si elle incluait le premier d'entre eux dans son "tous". Il ira faire du fric, évidemment, chez Bouygues, chez d'autres banques ou lobbys divers, imitera Blair ou Schröder, il n'a pas l'aura et la pondération d'un Clinton à même de le transformer en émissaire de paix. Beaucoup d'argent, donc, à moins que Khadafi, que Karachi...
Et pour Hollande, le changement n'est pas pour tout de suite. Là, il va choisir une agence tout risque dès la semaine prochaine, mais pas de changement en termes d'attitude avant le 18 juin et peut être un appel au changement politique. Avant la fin du second tour des législatives, la prudence, la droiture, restent de mise. Pas de faux pas, pas de dérapage car l'état de grâce ne se dessinera pas avant l'été. Hollande François sait tout cela, et surtout il sait que la méfiance historique à l'égard de la gauche, aussi centriste fut-elle, est coutumier en France.
François Baroin n'avait qu'à moitié tort quand il dit que la gauche est entrée par "effraction" en 1997. A moitié tort, car elle a gagné légitimement. Mais pour que la gauche arrive au pouvoir, il faut toujours quelques accidents, quelques coups de Jarnac... 1981 et malgré une envie énorme, un programme commun et un VGE au bilan entaché d'affaires, Mitterrand ne passe que d'une courte tête. En 1988, il repasse très largement, mais seulement parce que Chirac était aux affaires depuis 2 ans, en 86 la veste était forte pour le PS. En 1997, donc, l'erreur tactique était monstre. Quelle étrange surdité et amnésie, ne pas s'être souvenu de 1995 et de cette mobilisation massive.
2012 ne fait pas exception, la France reste un pays de droite. Que Sarkozy soit minoritaire c'est une chose, mais pour les législatives, il faudra le jeu des triangulaires, un peu d'opportunisme et quelques étranglements entre amis de l'UMP pour qu'une majorité nette se dessine, c'est ainsi. Toutes les forces de gauche unie comme jamais, le chef du Modem et les anciens chiraquiens appelant à voter François Hollande, lui même parti pour rassurer les marchés. Malgré tout cela, Hollande ne rallie "que" 51,6%. Au fond, sans doute est-ce un mal pour un bien.
Une veste à 54% aurait fait exulter la gauche, certes, mais sur le long terme. A 54%, le PS serait retombé dans ses travers historiques de morgue toute moscovicienne, n'aurait pas écouté les partenaires de gauche et aurait méprisé l'UMP. A 54% l'UMP aurait implosé et c'était un boulevard pour Marine le Pen et JF Copé. Là, si les choses se passent bien, on devrait aboutir à une majorité tranquille pour le PS et nous arriverons ainsi, tout doucement, tout normalement à l'été. François Hollande n'y changera rien, l'été on a le tour de France, le bal des pompiers et les plages hexagonales; ce cocktail devrait agir comme un onguent sur une France à vif. Pas plus mal...
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04/05/2012
Nous n'irons plus danser à la Bastille...
"Rendez-vous dimanche, on ira boire tous ensemble à la Bastille". Plusieurs messages me sont ainsi parvenus ces derniers jours, émanant de ceux qui emmerdent joyeusement la prudence de certains politistes ou publicistes. Difficile de leur en vouloir, tout cela est plié comme en 2007, qu'on ne me fasse pas croire que Cécilia Sarkozy a appelé le patron du Fouquet's à 19h pour réunir tout l'aréopage du CAC 40, 2 heures après... Qu'ils s'organisent cela me paraît de bon sens.
Bien, donc dimanche, à la Bastille il y aura une fête pour célébrer la victoire de François Hollande. Très bien. C'est la victoire des socialistes et d'eux seuls. Toutes les autres forces de gauche, tous les centristes écoeurés par les dérives extrémistes de Sarkozy et qui auront mis dans l'urne (déconnez pas) un bulletin François Hollande n'auront pas vu leurs candidats, leurs idées, leurs aspirations d'une autre société, triompher. Ils seront juste, et ça n'est pas rien, soulagés de la défaite de Nicolas Sarkozy. Cela vaut bien quelques verres, de pouvoir se dire que les 5 années à venir verront la fin de l'abaissement de l'éducation nationale et de la santé publique, la fin du racisme d'Etat et d'une certaine conception d'Etat. Lehaïm !
Mais pour le reste, avez-vous les 60 engagements ? Pas de quoi crier au grand soir... Mesure phare du symbolisme d'Hollande, le droit de vote des étrangers ne sera pas proclamée. Il faudrait soit faire un référendum (pas folle la guêpe...), appliquer le 49-3 (pour ce sujet, improbable) ou réunir le congrès et obtenir 3/5 des votes, impensable. Sur la coercition des entreprises, je pense que les patrons peuvent redouter mollement le péril corrézien. Et ainsi, ad libitum...
Ne nous y trompons pas, politiquement, la météo de dimanche s'annonce comme dans le film de Christophe Honoré, les chansons d'amour sur le génie de la Batsille, (http://www.youtube.com/watch?v=dvLbc4ynXgE, ). La pluie libérale et l'austérité pour les catégories populaires continuera, donc pourquoi diable aller fêter ça ? Les amis se remarquent par leur capacité à vous décevoir et en ce sens le parti socialiste est un parti ami. De la droite nous ne sommes jamais déçus, elle ne promet rien auquel on aspire. Ce qui est navrant, c'est de voter pour le mieux être et d'avoir un homme qui explique qu'il ne peut rien contre les plans sociaux, rien pour le sort des migrants, mais beaucoup pour quelques couturiers fortunés ou antiquaires et quelques banquiers... Pour éviter d'avoir la gueule de bois pendant 5 ans, ne nous biturons pas ensemble dimanche.
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01/05/2012
Zygmunt Bauman, l'homme qui éclaire notre modernité liquide.
Et un, et deux, et trois et quatre. Quatre bouquins du grand sociologue avalés en quelques semaines. Juste le temps de reprendre son souffle au milieu avec quelques romans et recueil de nouvelles pour s'évader d'un réel quotidien morne comme un dolmen (mais le 6 mai, vous allez voir, tout va s'illuminer...). En termes d'essais, quand on a commencé à se plonger dans la pensée de Zygmunt Bauman, il est délicat d'aller voir ailleurs.
Style limpide, exemples frappants, délicatesse de ne pas nous noyer sous les chiffres ou les citations, même si ces dernières abondent joyeusement, avec une diversité de sources et de registres assez réjouissante.
La pensée de Bauman se diffuse dans son oeuvre sur divers thèmes: la nouvelle urbanité, le contrôle des citoyens par la peur, la montée en puissance de l'univers carcéral au détriment de l'éducation (à rebours des idées reçues sur la Californie, Bauman rappelle que la Californie a un budget carcéral plus important que celui de l'enseignement supérieur. Sillicon Valley et recherche, d'accord, mais une fois que les verrous sont bien mis, d'abord) et enfin, la mondialisation.
La grande idée de Bauman, celle qui traverse son oeuvre est que nous sommes entrés dans une période de mondialisation "liquide". La modernité liquide, par opposition à solide, c'est celle qui va trop vite et qui perd 99% de la population. Celle où les repères affectifs, sociaux, de travail, se font de plus en plus rares. C'est pour cela que la grande majorité des habitants de cette planète sont perdants, ils n'ont d'autres choix que de courir en avant sans comprendre ce qui se trame, sans cesse menacés par des périls qu'on leur vend et qu'ils ne voient pas (la délocalisation, l'arrivée de migrants...). A l'opposée, une élite infime qui maîtrise tous ces codes et qui se gobergent de la mondialisation. Bauman part de son exemple pour montrer comment les universitaires globe trotters profitent de cette mondialisation quand elle pénalisent les autres. Surtout, de livre en livre (celui mis en médaillon de cet article est à mon sens le plus percutant) Bauman montre comment l'élite ne comprend plus le peuple. Comment elle se détache littéralement de ghettos urbains et de réalités populaires qu'elle ne comprend plus. Passionnant de ce point de vue de voir la mort de la diversité culturelle et comment apparaît, se construit et s'entretient une élite mondialisée. Elite française qui a infiniment plus de points communs avec ses homolgues chinois, mexicains ou finlandais que les habitants des quartiers périphériques de Béziers, par exemple.
Sur cette grande question de l'élite mondialisée, Bauman nous incite à un certain pessimisme. D'abord parce qu'au niveau de la justice fiscale et sociale, il est vrai que pas un euro des humbles laborantins n'échappe à l'oeil du fisc quand les grandes fortunes se maquillent et se griment dans des montages transnationaux complexes pour échapper à l'impôt. Ensuite, ou plutôt devrais-je dire au dessus, l'ennuyeux est de voir comment cette différence s'applique en termes de justice tout court. Les petites infractions sont de plus en plus réprimées : dans les quartiers populaires de Wahsington, la moitié (!!!) des hommes de 16 à 35 ans sont concernés par le système pénal, en prison ou en attente de jugement...
Les grandes infractions, en revanche, sont bien moins punies. D'une part parce qu'elles se règlent souvent avant le tribunal, moyennant finances et moyennant intérêts. A savoir, certains plaignant refusent d'eux mêmes d'attaquer des futurs partenaires commerciaux, ne jamais insulter l'avenir. Ensuite, quand bien même ils sont punis, la complexité des affaires traitées échappant à la compréhension de l'homme de la rue, un sentiment d'écoeurement arrive, mais pas de révolte. La révolte vient d'une compréhension sur ce qui se passe: d'où le fait que les scandales sexuels déstabilisent plus les puissants que les scandales financiers.
Lire Bauman permet d'avoir un décentrage éclairant sur ce qui se passe chez nous. Dans la campagne, un collectif de chercheurs appelé La Gauche Populaire a mis en avant (via Laurent Bouvet dans une tribune du Monde) ce terme "d'insécurité culturelle" comme explication de la montée en puissance du FN. Les français se sentent de plus en plus menacés par ce monde mouvant et la gauche de combat doit s'attaquer à cela. Puissent-ils être entendus, puissent Hollande et ses sbires aux affaires lire Zygmunt Bauman. Ca urge.
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