15/10/2010
Livre 1 / Powerpoint 0
Dans mes bras Franck Frommer ! Je ne te connais pas, mais comme Prévert je dis tu à tout ceux que j'aime bien et un type capable de nommer son titre "la pensée powerpoint. Enquête sur ce logiciel qui rend stupide" (La Découverte), et bah il me plaît.
Powerpoint, comme Facebook, c'est 500 millions d'utilisateurs dans le monde; et surtout 100% des types qui rentrent en réunions, où ceux qui ne parlent pas chiadent leur powerpoint...
Mais, contrairement à Facebook qui relève de la servitude volontaire (à chacun son addiction, personnellement, j'ai du mal à me défaire de trucs plus néfastes, à ce rythme là je passe pas l'hiver; in alka setzer we trust) Powerpoint fait partie de la soumission obligatoire.
Personnellement, j'ai toujours compris que ma seule voie de secours serait le marketing de la rareté: je ne me sers pas de Powerpoint. Ca me donne un côté rétro so chic qui fait la joie de ceux qui bossent avec moi... Quand j'ai eu des responsabilités où mon employeur me l'imposa, je me suis lâchement défaussé sur mes stagiaires qui prenaient un plaisir non dissimulé à tripatouiller les fameuses diapositives. Redevenu indépendant, je retrouvais ma liberté, sauf en juin dernier. On m'avait commandé une mission de conseil et comme c'était pour un PDG de grand groupe on me fit gentiment comprendre qu'il ne lirait pas mes 20 pages Word de recommandations... Je me fis aider pour réduire mon travail dans des slides (les copiés collés ne fonctionnaient pas...) et in fine je me dégoûtais de rendre ce truc que je trouvais d'une connerie rare...
Or, l'intérêt du bouquin est de montrer qu'outre l'incommensurable réduction de pensée induite par le logiciel, le vrai risque pour la société est son aspect chronophage au-delà de toute croyance... Car puisque l'outil propose de la présentation, il faut que celle-ci soit le plus rutilante possible, ce qui peut impliquer des heures et des heures de chignolage...
"Quand nous aurons compris cette slide nous aurons gagné la guerre", ainsi parlait le Général Mc Chrystal, alors en charge des opérations de l'armée américaine en Afghanistan. Comme dans le gorille de Brassens, la suite lui prouva que non...
Bref, plus que jamais je suis conforté dans l'idée que depuis dix ans en n'utilisant pas ce truc, non seulement j'obtiens les sourires amusés qu'on réserve aux excentriques, mais surtout je me dis que j'ai gagné des milliers d'heures, ce qui me permet d'être à l'heure à l'apéro quand mes potes sont encore au bureau, pour finir leurs powerpoints....
Demain, même si ça ne défrisera pas nécessairement Eric Woerth et consorts, on retournera battre le pavé...
19:02 | Lien permanent | Commentaires (4)
14/10/2010
Quand on regarde "The Social Network", au moins, on est pas devant Facebook
Luchini disait que le bonheur de quelqu'un pouvait le terrasser quand un malheur lui filerait la pêche. Soit. Il en va de même pour moi avec les critiques ciné. Impossible d'aller voir "des hommes et des Dieux", film labellisé "il faut le voir" pour retrouver des valeurs. Quand le tintamarre autour sera fini, j'irai...
Sur "the social network" j'entendis de nombreux panégyriques qui me laissèrent indifférents et puis quelques voix de vieilles carnes (plus Zemmour, obviously) dénonçant "un film qui ne montre pas l'aliénation de la jeunesse à cause du réseau social". Ca me paraissait à peu près aussi pertinent que déplorer l'absence de dénonciation du crime organisé à Marseille quand on filme Jean de Florette... Donc, j'y allais.
Et je fis bien. Fincher retrouve le mordant de "Zodiac" et ne cherche pas à rentrer dans les polémiques sur l'influence ou non, du réseau, mais rend les personnages très vivants. Saisissant portrait du plus jeune milliardaire au monde qui n'a jamais cherché l'argent. Il voulait juste qu'on prête attention à lui, qu'on le reconnaisse.
Amusant, effectivement de voir les similitudes entre Gates et lui, des types informes, mal dans leur peau, incapable de parler normalement; le réel les rejette alors ils envahissent le virtuel. On voit aussi que c'est une ordure, capable de se couper de tout le monde pour aller au bout de son rêve, mais une ordure involontaire, pas un tueur, et c'est ça qui est jubilatoire. Car il est entouré de petits fachos dominants. Des types parfaits qui font de l'aviron portent impeccablement le costume et tombent les nanas et ces mêmes mecs se font berner par un nabot falot en tongs...
Et sur ce seul ressort, -la grenouille peut t'elle éclater les boeufs?-, Fincher tisse une toile de deux heures dans laquelle on plonge avec joie. En ressortant, on n'est pas certain d'avoir un nouvel avis sur la violation de la vie privée ou des contacts virtuels comme le déploreront les bonnes consciences, mais on se méfiera décidément plus des types prêt à tout pour compenser un complexe d'ado. Un peu comme si un mec d'1,60 et quelques se lançait en politique pour marcher sur les plus grands que lui, mais ceci relève de la fiction, évidemment...
Demain, nous finirons de lire Herta Muller qui, elle, méritait vraiment son Nobel de littérature en 2009...
08:11 | Lien permanent | Commentaires (8)
12/10/2010
Apprenons à parler avec les communicants...
Décomplexés, les communicants. Déjà que l'on devait se fader le bling bling depuis des années, maintenant, on doit faire avec la morgue des faiseurs de roi de l'image.
Passe encore qu'ils nous disent comment consommer, pourquoi consommer, qu'ils nous informent et nous inondent de messages de santé publique, mais voilà qu'ils disent à tout le monde comment parler.
Hier, j'ai discuté avec un aréopage de communicants, de responsables dans des grands groupes ou fondations qui me disaient tous recevoir des "éléments de langage" chaque jour. Pour chaque événement significatif rythmant la vie de l'entreprise, ils vous adresse un mémo. Le train n'a pas déraillé, il a été "victime d'un dysfonctionnement de signalisation"; le patron n'est pas parti avec la caisse "il a fait valoir ses avantages sociaux dans la mesure de l'accord pris avec les actionnaires" et 3000 mecs ne se retrouvent pas sur le carreau "l'entreprise redéploie ses activités en consolidant ses places fortes"....
Bon, en politique, à droite, je veux bien. Moi aussi, j'aurais la trouille de savoir qu'Estrosi, Morano ou Lefevbre vont parler en mon nom... Je leur ferais des petits bristols en soulignant en rouge les parties importantes. Appliquée à notre vie de tous les jours, cette emprise se fait plus pesante. Demain, mais c'est déjà très largement le cas, des coachs vous diront comment parler dans votre foyer. Vous ne rompez pas, "mais décidez de mettre un terme à cette relation de façon unilatéral sans pour autant avoir trahi à nos valeurs d'exigences, mais il y avait une opportunité à ne pas rater dans le cadre de notre redéploiement à l'est, avec seins siliconés en option"; vous ne rentrez plus bourré, mais "avez fait oeuvre de socialisation avec les collègues et n'avez pas trouvé d'eau ou de boissons dépourvu d'alcool au string fellow alors même que vous aviez très soif"...
Inquiétante tendance de fond qui a vu le philosophe être remplacé au début des années 80 par l'expert, lui même dépassé aujourd'hui de s'être planté et en passe d'être relégué au placard par la figure du coach... Coach sportif, nutritif, du périné, et donc maintenant, coach de la parlotte...
Je n'ai rien contre les communicants, au contraire, mais que ne se contente t'il de faire savoir plutôt que d'avoir cette prétention démesurée de penser le monde ? Et maintenant, voilà qu'il voudrait nous faire parler ? Mais vous avez entendu Séguéla, Frank Tapiro Stéphan Fouks et autre Razzy Kemoun ? Ce sont tous des handicapés du vocable, des hémiplégiques du subjonctif et des leucémiques de la syntaxe...
Bon, départ pour la manif à Montparnasse, en espérant que les syndicats n'ont pas demandé au communicant d'écrire les slogans....
11:05 | Lien permanent | Commentaires (8)