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17/12/2009

Numbers, numbers, numbers

Si j'en crois mon ordinateur, ceci doit être la 100ème note de ce blog. Je n'ai pas de raison de penser autre chose, vous vous doutez bien que je ne compte pas (quand on aime...). Mais ce chiffre m'a évoqué... d'autres chiffres.

L'autre jour, Edgar Morin ne disait pas autre chose (mais mieux, c'est Edgard Morin quand même) "je vous parle de l'avenir de la planète, vous me répondez milliards, statistiques et compilations d'analyses chiffrées". Et puisque c'est la 100 ème, je trouve que numbers number numbers make the world go round, se substitue, ou se rajoute plutôt, au célèbre money money money. Trop de chiffres pour tout : pour parler d'Alain Duhamel on dit l'homme aux 8500 éditos, comme si ça avait un sens. Si d'accord, il a fait couler 8 500 fois de l'eau tiède, super. Et ainsi de suite sur l'homme aux 100 films, aux 60 romans... Alors que, Enard en a écrit moins de 10 et mis tout le monde d'accord, Canetti un seul roman, un Prix Nobel de Littérature... Non mais.

Trop de RGPP pour répliquer aux grévistes du Centre Pompidou: j'en reviens, je comprends le personnel. Moi aussi, je serais en grève si je devais regarder 8 heures par jour des bouses comme l'expo "Elles@Pompidou" ou "Habiter 2050"... Trop de chiffres pour justifier l'injustifiable: les bonus exorbitants pour cause de compétition internationale, le nombre d'exclus, de pauvres, le SMIC, le nombre de doses de vaccins de grippe A... Cette surabondance du chiffre sans conscience a un effet déplorable sur notre environnement informatif et ne devrait pas s'améliorer: maintenant, pour les étudiants en terminale S qui veulent aller à HEC ou quelque chose d'approchant, plus d'histoire... Déjà qu'on faisait dire n'importe quoi aux chiffres, mais si en plus on ressort ceux d'hier car on ne les a jamais étudiés ...

Je ne verserai pas dans le couplet ronchon, quel intérêt ? Mais tout de même, cette République des experts, armés de calculette qui prévoient l'amélioration du bonheur dans le monde avec des indices et des indicateurs (votre usager dépressif chronique a fait deux sourires de plus ? 1 point... Votre alcoolique se bourre la gueule uniquement au vin français ? -2 points; pas de protectionnisme...) ça ne tient pas debout. Surtout, vous croyez vraiment que le genre humain a besoin de ces monceaux de données certifiées pour être heureux ? Meuh non !

Ecoutez les, les gens. Aujourd'hui, ils parlaient tous de météo et comme disait Jojo à Dudule: "Réchauffement de la planète, mon cul". C'est bien ce que je pense, face au poids oppressant de la science et de l'arithmétique, il nous reste la poésie...

16/12/2009

Retour à Reims

Didier Eribon est un sale type. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est lui dans son superbe et brillant livre Retour à Reims. Reims où il est né, enfin à côté, à Muizon. Reims qu'il déteste pour tout ce qu'elle incarne quand il l'évoque. Il revient dans cette région à l'occasion de la mort de son père, peu après qu'il a reçu un prix à Yale pour ses travaux sur les gender studies (notamment son célèbre réflexions sur la question Gay). Il ne se rend pas aux funérailles de son père, ne veut pas revoir ses frères, qui votent front national et n'ont pas leur bac. Mais il veut comprendre et entame une auto-analyse comme l'avait fait Bourdieu avant de mourir. Mais contrairement à notre immense paysan béarnais qui n'avait pu, ou voulu, ou su, aller au bout de la démarche, Eribon se scrute au scalpel.

Il découpe sa vie en grandes tranches: la famille, l'école, le goût de la culture, le rapport à l'argent, la carrière, la sexualité. C'est tout bonnement vibrant d'intelligence. Sans ostentation, sans effet de manche, sans chercher l'épate ou la malice (sauf une très très savoureuse cartouche à Raymond Aron, dont il dissèque les faiblesses de l'analyse de classes). Eribon était militant d'extrême gauche de 16 à 20 ans, et Trotsky l'a initié à la philosophie, qui ne le quittera jamais. Mais contrairement à beaucoup de ses camarades, il est resté fidèle à ses idées. Il cite Jouhandeau en 68 devant les manifestants "rentrez chez vous, dans 20 ans vous serez tous notaires" et prend le contre-pied du volontarisme Sarkozyen: oui, il s'en est sorti, il s'est extirpé de sa classe, mais ça ne lui évoque qu'avec plus d'acuité le poids des classes sociales et la chance qu'il a eu. Il a quitté "Libé" qui virait à droite et est resté à "l'Obs" pour pouvoir vivre et mener ses propres travaux en percevant un salaire, lui qui n'a pas reçu l'onction agrégative "un concours réservé à la classe bourgeoise".

Retour à Reims, donc, c'est la prodigieuse auto-analyse totale d'un intellectuel de gauche critique, gay, issu des classes populaires. Je ne suis pas très à droite, mais né bourgeois, parisien et hétérosexuel, je ne risquais que modérément de me projeter dans ce témoignage. Pourtant, j'ai trouvé la distinction de classe exposée comme jamais, notamment à la faveur des dernières lignes du livre. L'auteur retourne voir sa mère, lui apprend que l'université lui accorde une place de professeur.

-Tu vas être prof de philosophie?

-De sociologie, plutôt.

-C'est quoi ça ? C'est sur la société ?

Si vous ne savez pas quoi offrir à noël...

15/12/2009

Gaston, y a le Besson qui son...

Et y a quelqu'un qui répond. Vous en l'occurence...

Ne m'en voulez pas, cher Gaston, mais je dis "tu" à tout ceux que j'aime et je ne vous aime pas. Mon antipathie envers vous ne s'apparente pas à du racisme ordinaire, ni élaboré d'ailleurs. Je ne me trompe pas de colère par ignorance. Je vous ai lu. Malheureusement. Je suis noir et je n'aime pas le manioc votre best-seller est un livre stupide, rance et mode à la fois. Vous innovez en jouant sur la mauvaise conscience de l'homme blanc exactement comme Bruckner feint de le faire ou comme Houellbecq le fait réellement. Qu'apprend t-on en vous lisant dont l'on puisse dire, "mais c'est ça ! Voila ce qu'il faut faire !" ? Rien.

Vous avez dirigé un Observatoire à Evry et donc copiné avec Manuel Valls, d'ailleurs vous étiez socialiste, mais la gauche vous a déçu sur les questions d'immigration. Attention, Gaston, personne ne peut remettre votre sincérité en cause: vous étiez membre des Black Panters en Angleterre, dans votre jeunesse... Aujourd'hui, vous intervenez régulièrement dans "les Grandes Gueules" de RMC, émission radiophonique qui apporte autant au débat d'idées que Patrick Sébastien au répertoire musical Français... On ne peut pas être à la fois un mouton et un mutin, Jean Dutourd et Jean Moulin, n'est-ce pas ? Vous, si. Enfin, vous voudriez.

Dans votre opus sus-cité, on apprend que les français blancs ont des préjugés sur les noirs et que les noirs entretiennent ces clichés en s'abaissant à se cantonner à certains rites ou traditions ou avec certains vêtements ou attitudes. Vous, non. Vous, vous êtes bourguignon, vous aimez le boeuf bourguignon et le bon vin ça fait donc de vous un anti-raciste subtil. J'avoues être transporté par la puissance de l'argument gastronomique. Personnellement, j'aime le mafé, les nems, les suhis et les tortillas, je suis donc un humaniste grâce à vous. Merci Gaston !

Porté par le succès de votre torche-cul, vous détruisez les forêts avec un nouvel opus sur le même thème chaque année, toujours accueilli avec une certaine bienveillance, tant il est vrai, on s'en voudrait d'éreinter notre nouvelle grande conscience noire. Astucieux, vous dîtes vous placer dans la filiation d'Aimé Césaire... Au niveau du style, je vous reconnais plutôt une filiation avec l'autre grande figure du dépassement pigmentaire: Michael Jackson. Vous êtes gris, Gaston. Vous êtes grisé aussi, dès que l'on vous dit que vous êtes bon, ou brillant ou je ne sais quelle sornette qu'Eric Ganelon Besson vous a chanté pour que vous le rejoignez.

Car oui, vous le barde toujours en guerre contre les préjugés racistes, vous avez rejoint le ministère de l'identité nationale et de l'immigration en fustigeant tout ceux qui ne comprennent pas qu'une nation a une identité. Enivré par votre audience nouvelle et les satisfecits, vous avez collaboré (le mot n'est pas trop fort) avec l'Institut Montaigne pour rédiger un nouveau torche cul "c'est quoi être français?", dont le titre seul est déjà une insulte à Montaigne. Pauvre Michel, après avoir été adopté par Claude Bébéar (Président dudit Institut...) tu n'es pas au bout de tes peines.

Aujourd'hui, vous vous prélassez donc, de préfecture en préfecture, en tapant sur les blancs comme un Franz Fanon de sous-préfecture puis sur les noirs façon Dieudoné se prenant pour Malcom X. Partout vous prêchez avec le sourire que ce ministère est ce qu'on a conçu de plus "ambitieux" (le mot est de vous). Puissent les travailleurs (en grève) des restaurants non déclarés et sans papiers, puissent les expulsés, les fliqués sans cesse, les écartés du retour à l'emploi, puissent-ils tous vous écouter et entendre que ça va changer. Quand je vous entends parler, Gaston, je n'ai qu'un regret, ne pas vous avoir vu danser dans le lip dub des jeunes pop', je suis certain que vous n'auriez pas déparé.

Pour finir, je voudrais vous donner raison en transcendant des clivages surannés: vous n'êtes ni Noir, ni Blanc, cher Gaston, vous êtes français évidemment ! Mais vous êtes con aussi. L'histoire nous dira si c'est ça, notre identité nationale.

Demain nous changerons de sujet, mais il fera toujours aussi froid.