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22/10/2010

L'amour rend nunuche... même la grande Simone

4112Z177NYL._SL500_AA300_.jpgEtonnant... Déconcertant même. Rassurant au fond. Je n'aime pas que mes idoles soient trop parfaites et j'avoue que Simone de Beauvoir, comme Badinter (Babeth, mais aussi Bob d'ailleurs) j'ai un peu de mal à lui trouver des défauts. Et bah ça y est, je me suis enfilé ses 900 pages de lettres d'amour à Nelson Algren et c'est lénifiant de mièvrerie...

"Mon crocodile", "ma citrouille violette", "mon beau fainéant" en tête de lettre "amour amour amour amour" à la fin ou "je vous embrasse comme je vous embrassais"... Curieux non ?

Tout cela est assez déséquilibré car semblerait-il, le yankee hard boiled dick qui buvait sec fumait comme un pompier et écrivait nerveux s'épanchait moins que Simone. Elle lui parle de tonnes de trucs dont il doit se foutre, son rhume, les conflits entre maristes et communistes... Et c'est là où le livre devient fascinant: on cherche, inquiet, ou furete, l'intelligence supérieure qui irradie de tous les autres livres de Momone... Parfois des saillies vachardes sur Gracq, des analyses politiques au scalpel, quelques trucs sur l'édition mais c'est un peu court, jeune fille bien rangée. En plus, elle ne peux pas trop parler de Sartre et pour cause, mais toujours "amour amour amour, dans 20 jours nous serons à nouveau ensemble"...

Car ils laisseront toujours un océan entre eux et elle eût beau l'air de l'aimer de façon quasi magnétique, jamais elle ne put délaisser Jean-Paul et c'est ça qui est beau; une bigamie bien ordonnée, la filia avec l'un, l'eros avec l'autre... Elle est balèze Simone. Elle est modeste aussi, car les lettres vont de 1947 à 1964 et elle devient pendant ces années une icône incroyable et elle s'en fout alors qu'elle se pâme devant le Pullitzer de son amant chéri. Curieux...

On savait déjà que l'amour rend aveugle (chez Sartre, ce fut aussi la pharmacopée façon Raspoutine qui lui fit perdre la vue) on voit là qu'il peut rendre nunuche même l'un des plus grands esprits du siècle... Somme toute, je trouve cela très rassurant...

Demain, nous irons voir à la FIAC cette oeuvre au titre programmatique (authentique) E.T. fist fuck Bambi... 

20/10/2010

Préparez-vous à aimer les mouchoirs...

dyn001_original_300_501_jpeg_2666720_bcdb32b20332d1f4347745bf4671b3e6.jpgSamedi à la manif avec C. je lui dit devant une affiche, "tiens, j'irais peut être voir ça" et elle de me tancer que décidément, on a peu d'affinités cinématographiques. 

Que voulez-vous, tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes, mais cinéphiles aussi; moi, à 9 ans, je regardais Avanti de Wilder pour me bidonner... Forcément, tout Cukor, Mankiewicz et Allen très jeune, ça te pousse à la rébellion. Du coup, à 15 ans mon film favori était Kickboxer, avec Van Damme... 

Mais bref, depuis j'ai appris à concilier les deux: je mate les chefs d'oeuvres en DVD et vais au ciné pour me détendre. Parfois, je vois des pépites, là plus part du temps des trucs qui me vident la tête, ce qui n'empêche pas d'être bon (the social network).

Et le film de Canet, j'hésitais, ça avait l'air tarte, un peu Kougloff... Ce matin, cette dinde d'Eva Betan l'a démoli sur France Inter et ça m'a incité à y aller (elle avait déjà dit pis que pendre de The social network) et puis le Canard en disait beaucoup de bien. J'ai pris le risque...

Les petits mouchoirs s'inscrit clairement dans le registre du bon film qu'on revoit avec joie alors qu'on ne revoir pas nécessairement les chefs d'oeuvre de peur d'être déçu. Un très bon cru bourgeois. Dénigré par la critique, mais "Vincent, François, Paul et les autres" ou "mes meilleurs copains" c'est de cet acabit et on est toujours ravi de les revoir.

Je suis un peu gêné aux entournures pour parler de l'intrigue puisqu'il ne faut pas déflorer le final, mais bon disons que c'est des potes de toujours qui vont en vacances pendant qu'un des leurs est à l'hosto dans un sale état. Il y a tout les ingrédients réunis pour faire du mauvais film français avec rebondissements amoureux improbables ou personnages trop lourds. Et non. Tout est juste. Pas forcément de nature à vous transporter devant une interprétation à la Kenneth Brannagh, mais même Marion Cotillard est très bonne, c'est dire...

Non, vraiment, on rit beaucoup, parfois un peu jaune car Canet n'épargne pas ses héros. Il n'en met aucun spécialement dans la lumière de sorte qu'il n'y a pas de premier rôle, que des bons seconds rôles, ce grand truc Français. Là où l'on sait qu'il a réussi un film de potes sans tricher c'est qu'à moins de tricher nous même, on se reconnaîtra forcément dans les travers des uns et des autres, leurs compromissions amoureuses. Le thème ultra récurrent de l'angoisse de l'attachement est très finement amenée pour une fois et les couples à enfants ne sont présentés ni comme les voisins des Ricoré ni des raseurs... Non, vraiment, bien vu Canet...

Demain, vous je sais pas, mais mi j'irais au fin fond de l'Essonne pour enregistrer un livre audio sur le besoin de gauche, mais j'en recauserai...

19/10/2010

Ni 1, ni 2, ni 3, mais 17 -très- bonnes nouvelles !

Debutants-oeuvres-completes-t1.jpgPlutôt que d'aller au bout de la manif' où quelques petits cons viendront, le film est déjà écrit, casser pour casser et la police laissera faire en protégeant les journalistes pour qu'ils puissent filmer la France qui a peur et les invasions barbares, mettons la flèche avant la fin de la manif' et prenons un excellent livre.

C'est un semi-inédit: quand Carver, après 10 ans à tirer le diable par la queue, avait fini par trouver un éditeur, il s'était plié à l'injonction de ce dernier de couper la moitié de son oeuvre. Ce qu'il fit. D'où la légende de l'écriture minimaliste de Carver, notre petit Ponge. Le Tchekov américain aussi. Mouaif, comparaison n'est pas raison de lire.

Là, donc, l'éditeur prend deux excellentes initiatives: primo republier d'ici l'année prochaine les oeuvres complètes de Carver, d'une, et de deux publier le manuscrit in petto du premier Carver, du meilleur.

Pour ceux, veinards, qui ne connaissent pas et découvriront, il est délicat de résumer Carver. On y croise souvent des pochards célestes, des alcooliques anonymes, des paumés, des contemplatifs, bref, la société productiviste est rare chez Carver, ou en filigrane, à l'encre sympathique. On boit beaucoup chez Carver, comme chez presque tous les grands américains du siècle. Roth n'a pas le Nobel ? Qu'il se mette à pomper comme un moteur de Maserati... Styron se finissait à l'eau de cologne, Lowry éclusait du mescal à ne plus savoir qu'en faire et Faulkner, Dos Passos ou Steinbeck doivent une partie de leur Nobel au réalisme exacerbé des vapeurs d'alcool dans leurs oeuvres...

Au niveau du format comme dirait un vendeur de la FNAC, donc, des nouvelles. Les imbéciles pensent souvent que la nouvelle est un entraînement pour le marathon romanesque. Débile... Ce sont deux exercices différents, si le roman est un marathon, qu'il faut maîtriser de bout en bout, la nouvelle est un 800 mètres, une course que l'on parcourt à fond du tout long. Exercice d'équilibriste de planter un décor, donner de la chair à 3 ou 4 personnages, marquer une ambiance et nouer une intrigue, le tout en 12 pages. Carver, lui, y parvient à chaque fois. Deux ou trois nouvelles dans le recueil détonne par leur longueur et elles ne sont pas forcément meilleures, ce serait comme opposer court et moyen métrage. 

Enfin, la nouvelle a ceci de jubilatoire qu'elle happe le lecteur qui ne peut se relâcher 5 lignes, avance, gourmand vers la suite et avale la suivante jusqu'à l'indigestion... A la fin, on a retrouvé une immense dalle de littérature, le palais expurgé de ces étouffants essais que l'on s'enfile pour briller dans les dîners en ville...

Demain, nous hasarderons le nez dehors pour voir si comme le prévoient les spadassins gouvernementaux, l'insurrection vient...