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24/12/2012

E pur ipsi felice

cocorico.jpgCe n'est parce que l'on connaît les biais scientifiques qui entachent les sondages que certains d'entre eux ne peuvent nous réjouir. Un sociologue me disait que la première représentation que l'on se fait d'un pays, c'est sa télévision. Depuis quatre ans, la lucarne française recrache à l'infini, jusqu'à un écoeurement comparable à celui des fins de banquets de réveillon, notre mal être collectif. Toute la France ne serait qu'une vaste crise, morale économique et politique. Depardieu, Florange, Merah, les enfants à que l'on dépouille de leurs pains au chocolat et les vieux que l'on assassine...

Pour le gros consommateur de média, la France est un pays au bord de la ruine, proche de l'apocalypse, où les périls écologiques rôdent et où la jeunesse n'a aucun avenir. Mais à la télé française, hors info, il y a de la création, de la fiction. Le plus gros succès de ces dernières années, indéniablement, est un nanar tourné avec trois bouts de ficelles, des intrigues écrites à la va là comme je te pousse et que je finis un sudoku qui s'appelle plus belle la vie.

Au-delà du fait que la série accueille souvent les talents d'acteur de Roland Copé (le père de JF, si si) on peut se demander si le carton de la série n'est pas tout bêtement lié au fait que, parfois, ça fait du bien de s'arrêter de dire du mal de soi. De prendre un peu de temps pour se rappeler ce qu'est la France. Ce pays qui fait rêver les artistes, mais aussi les entrepreneurs du monde entier... Pour revenir à mon propos introductif, c'est dans le Monde que je découvrais un sondage Ipsos faisant mon ravissement et que l'on peut lire là : http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/12/22/92-des...

92%. Pas 50,03%, pas même 66% ou 82%, non 92%. Globalement, les français aiment leurs pays. Les électeurs du FN aiment un peu moins ce pays qui accueille trop de moricauds à leur goût, les jeunes sont un peu moins extatiques que les autres car ils savent lire les chiffres du chômage et les cadres sont plus confiants que les autres, soit. Jamais un coup de dés n'abolira le hasard et jamais un sondage ne mettra fin aux inégalités. Mais tout de même, 92% des français contents de vivre en France, une très large majorité considèrent que notre pays joue un rôle majeur, conseilleraient à d'autres de venir en France et si une part assez forte envisage de quitter la France, la chose est généralement accueillie positivement. Départ pour opportunité professionnelle, parce que nous sommes dans une économie ouverte. Il ne faut pas tomber dans l'angélisme non plus et bien lire que certains ont envisagé de quitter la France pour cause de mentalités étroites. Ceci peut prendre du temps à changer, mais tout de même, lorsque l'on songe au fossé qui sépare la représentation médiatique de ce sondage, on est à même de guetter l'hérétique héritier de Galilée qui défiera le clergé de la doxa pour leur dire : et pourtant, ils sont heureux...

Sur ce, bonnes courses de dernière minute à tous, je persiste et signe après un réveillon d'hier fort joyeux: noël c'est quand même plus simple sans cadeaux, sauf pour les enfants. Un de mes neveux voyant que les adultes n'avaient pas de cadeaux, s'inquiétait de son sort. Mon grand frère le rassura : "j'ai appelé le père noël et je lui ai dit que s'il cherchait à s'esquiver, je l'attrapais et je faisais un barbecue avec ses rennes". Inutile de vous dire qu'il est venu.

21/12/2012

La météo, ce bug libéral

Europe_France_1.map_1.jpgNous n'atteignons pas encore le millier de degrés annoncés pour la fin du monde, mais des températures bien plus clémentes que celles de saison comme disent les présentateurs météo. Ceci, forcément, incite à penser au climat. Alors que je lisais l'excellent essai "la traversée des catastrophes" (Seuil) du philosophe Pierre Zaoui, afin d'avoir un vade-mecum de sagesse si le 21 décembre devait devenir irrespirable, je me disais que son approche trop relativiste des catastrophes n'était vraiment pas libérale. Ayant rencontré l'auteur, je puis attester que les portraits de Margaret Tatcher et Ronald Reagan ne sont pas visibles au premier coup d'oeil dans son living.

Si on lit Zaoui et cherche à le suivre, la force de l'être humain ne doit pas être dans la résignation ou la sublimation, mais dans une espèce d'acceptation gourmande et curieuse de ce qui pourrait arriver. Faites lire Zaoui à un investisseur dont l'activité dépend des aléas du climat et il vous dira que Zaoui est un fou. 

On sait, et Standard & Poor's nous le rappelle à chaque révolution, le marché préfère de loin les dictatures aux démocraties. Mais le régime politique n'est pas le seul domaine non financier en apparence sur lequel le marché donne son avis. Fort mal élevée et braillarde, l'idéologie du marché n'aime pas non plus la nature. Sans doute est-ce pour cela que les questions de réchauffement climatique avancent si peu. La volonté du politique n'arrive jamais à tordre les portefeuilles d'hommes d'affaires qui n'entravent rien à ces histoires de nature. C'est bien pour cela que la nature est redevenue l'idéologie dominante du côté des artistes (Avatar notamment, mais nombre de dessins animés opposent les gentils héros bios aux vilains pollueurs) avec pour l'heure des succès timides. Al Gore et sa vérité qui dérange ou Nicolas Hulot ambassadeur de bonne volonté parlent devant des salles pleines, mais pas là où sont les décideurs. Ceux-ci ne veulent pas entendre leur prophétie.

Comme l'explique Michel Serres, l'hubris de l'époque est de vouloir aller à l'encontre de l'histoire : nous nous sommes émancipés de notre mère nature au point de vouloir en faire notre fille. Nous ne supportons plus ses caprices : il faut qu'il fasse chaud l'été, froid l'hiver, mais pas trop de l'un ou de l'autre. Pas trop sec et pas trop de pluies. Et tout cela de plus en plus. Non content de réaliser des miracles technologiques allant à l'encontre des sols comme de faire pousser des tomates ou des kiwis dans le désert israëlien, les hommes d'affaires veulent une maîtrise parfaite du ciel. Et pour cause.  A 8 millions d'euros le rachat des vignobles de Gevrey Chambertin les caprices du soleil ou de la pluie ne soient pas acceptables. Pas plus que les frimas de l'hiver. Il y a quelques dizaines d'années, un gars était chargé d'apporter des bougies dans des photophores et de les mettre aux pieds des vignes pour ne pas qu'elles prennent froid. Désormais, en cas de température trop fraîches, une télécommande permet d'activer des chaufferettes qui maintiennent les pieds de vigne au chaud. On les entoure de couvertures. Les caprices de l'argent pour contrecarrer la météo atteignent une démesure à la limite de l'absurde là où l'argent lui même est fou : à Abu Dhabi, on peut désormais faire du ski nonobstant le climat qui s'y prête modérément. D'où la question évidente qui accompagne les débats actuels sur l'exil fiscal : Depardieu, Arnault et consorts réussiront-ils à changer le climat belge à grands renforts d'une pluie d'euros ?

19/12/2012

Ecolos : la double impasse tifoso et zigoto

Tifoso 2.jpgDimanche soir j'ai regardé PSG/Lyon. Devant ce match à l'intérêt footballistique incertain, j'ai fini un roman très moyen ("Avancer" de Maria Pourchet (Gallimard), envoyé quelques SMS, passé un coup de fil à un ami qui m'avait recommandé ledit roman et beaucoup baillé. A la fin de cette purge, j'ai poussé mon petit cri guttural et fermé le site, ravi. Paris a gagné, le reste n'est que littérature, qui, dans le football, n'est-ce pas...

Peu importe que la rencontre soit entachée d'erreurs d'arbitrages, de cafouillages ou de bourdes énormes dans le camp adverse, voire de chance; si les adversaires frappent plusieurs fois les montants. Seul le résultat compte dans le sport. Alors, le tifoso de base jubile. Or, je ne sais si cela nous vient des Etats-Unis où le bipartisme régnant promeut la pensée partisane, mais il devient parfois complexe d'aborder certains sujets autrement que par le truchement tifosesque...

Mes amis socialistes, par exemple, semblent de plus en plus incapables d'auto-critiques. Exit l'époque de la véritable synthèse jospinienne où tous, de Mélenchon/Emmanuelli à DSK avaient droit de cité et étaient vraiment écouté. Aujourd'hui, le parangon de la synthèse tranche en réalité absolument seul sans souci des équilibres internes. Aussi, les socialistes de gauche ont du apprendre à avaler plus de couleuvres qu'un fakir expérimenté en peu de temps. Gavés, ils ne se formalisent même plus qu'entre Hamon à Valls, l'arbitrage soit systématiquement rendu en faveur du second. Sur le mariage pour tous, on ne les entend même plus quand Hollande parle de "liberté des consciences des maires" ou de rejet de la PMA (ou si peu). Sur les reniements d'impôts, le crédit compétitivité et autres expulsions de Roms, idem... Seule la victoire est belle et elle n'était plus venue depuis Mitterrand donc youpi de rigueur (pas d'austérité). Tristement, nos amis écolos semblent de plus en plus atteints du même mal. Pourtant, ils avaient lancé leurs mouvements justement sur des idéaux non négociables. Fin 2011, ils ont négocié un accord avec Aubry pour des places, des honneurs, des ronds de serviette. Mais le programme faisait largement partie, en théorie, de concessions mutuelles. Quelques mois après c'est Waterloo... Que l'EPR avance, c'est logique. Fermer un établissement où l'on a englouti des milliards serait débile. Mais on voit dans les discussions avec Areva et EDF une volonté très mesurée de fermer des centrales. Notre Dame des Landes se fera, la fiscalité écologique est aux oubliettes, le développement des transports en commun ne semble pas plus prioritaire que par le passé. N'importe quel écologiste digne de ce nom agiterai le contrat de mariage sous le nez d'Hollande en lui disant, "tu ne respectes pas les clauses 1, 99" pas 1 et 99, celles allant de 1 A 99... Hélas, Canfin, Duflot mais bien d'autres plus toniques comme de Rugy sont rentrés dans le rang. Comble de l'étrange, il a fallu attendre ce fourbe de JV Placé (qui y voit sans doute un intérêt personnel) pour entendre une contestation écologiste autre que celle de Cohn Bendit. La pensée tifoso se réjouit de mélanger du vert et du rose sans savoir que le seul à avoir fait cela bien est Stendhal. Mais en politique, ça ne donne que du rose et très pâle encore.

81380008_o.jpgIl y a quelques jours, j'étais au dîner de lancement d'un think tank dans une mouvance écolo résistante. L'ambiance, malheureusement, était trop proche du lieu de réunion ; un bistrot. Un ponte présent avançait quelques pistes de bon sens, et de la foule fusaient des rires goguenards "c'est le problème de X, il adore gagner". Le zigoto, à l'inverse du tifoso, moque la victoire. Il a des idéaux absolus, mais parmi ceux-ci, l'esprit potache. Surtout, ne rien prendre au sérieux. Un esprit libertaire complet, en mode Siné Hebdo régnait dans le lieu. Une vraie utopie lénifiante, un nivellement par le bas. Un économiste lumineux prenait la parole et avançait une méthode, un plan de bataille. Déjà les soupirs couvraient ses paroles. Un thésard avide de reconnaissance lui coupait le sifflet pour proposer un "toast à l'Europe" et autres platitudes sans que ça ne choque personne. Il y avait dans cette salle de 70 convives pour 40 places assises (beau symbole de l'absence de volonté d'organiser sérieusement quoi que ce soit) une déperdition d'intelligence supérieure à tous les gâchis énergétiques qu'ils dénoncent au quotidien. Aussi, lorsque l'ordre du jour atteignit la composition du bureau, je m'éclipsais, dépité. En retournant vers le métro, je pensais aux deux absences de choix qui se profilent. Pas question de parlementer  avec les tenants d'une victoire sans beau jeu, façon tifoso, mais impensable de rejoindre ceux qui ne veulent pas faire gagner leurs idéaux. Si j'étais encarté écolo, je rejoindrais le seul parti qui prenne l'écologie au sérieux; le Front de Gauche.